“Je m’appelle Asher Lev” : une histoire de vie qui touche à l’universel
Au Théâtre des Béliers Parisiens, la pièce d’Aaron Posner, adaptée du roman à succès de Chaïm Potok, poursuit son heureuse aventure depuis le Festival d’Avignon, avec un trio de comédiens formidables qui rendent vivante une histoire bouleversante. Celle d’un juif orthodoxe de Brooklyn qui devient progressivement l’artiste peintre le plus vendu dans le monde. Quand la vocation se heurte à la tradition. Un régal.
Asher Lev
C’est une très belle idée d’avoir adapté la pièce tirée du roman de Chaïm Potok « Je m’appelle Asher Lev » à l’époque actuelle. Hanna-Jazz Mertens est une jeune artiste dont cette pièce française est le premier projet. Saluons la réussite de cette aventure qui réunit tout ce qui est indispensable à un spectacle réussi : un texte solide et fort, des comédiens talentueux et une mise en scène enlevée. Martin Karmann est prodigieux dans le rôle d’Asher, ce jeune juif orthodoxe qui vit dans le quartier de Brooklyn, dans une famille où la tradition orthodoxe domine toute vie affective et sociale. Le hic, c’est que le jeune garçon dessine comme il vit : avec passion, ténacité, talent et folie. Il dessine, peint, croque tout ce qui l’entoure, et ni les règles de la tradition hassidisme, ni les interdictions de son père, ni les conseils de sa mère n’entravent sa passion. Au musée il dessine des Vierges à l’enfant, et même des crucifixions. Son école, ses influences sont partout, dans un parc, dans un café, dans les musées. Mais ses inspirations trop imagées font horreur à ses parents.
Un voyage initiatique
La pièce reprend le récit autobiographique d’un jeune garçon surdoué, en conflit avec son milieu d’origine, qui va pourtant s’en émanciper au prix d’efforts surhumains. Le voici donc, grâce à un subtil rabbin qui le comprend mieux que son père, dans l’atelier du célèbre artiste Jacob Kahn qui devient son véritable maître. Ce dernier, avec son son épouse extravagante, l’encouragent à accomplir un travail assidu et exemplaire qui s’apparente à un apprentissage académique dans un milieu qui se trouve aux antipodes de son milieu familial. Le jeune homme apprend, copie, s’ouvre, débride sa créativité, son imaginaire, pour enfin découvrir sa vraie nature. L’exposition de ses tableaux dans une galerie célèbre de Manhattan sera pour ses parents le coup de grâce. Et la rupture avec la famille consommée.
Des comédiens formidables
Ils ne sont que trois comédiens et pourtant la pièce brille de nombreux personnages et des émotions qui rendent cette histoire vibrante. Sur le plateau aux décors fluides qui changent comme la lumière, Martin Karmann, qui interprète le héros, tient son personnage de manière lumineuse et forte. Stéphanie Caillol rivalise de talent pour incarner la mère et Anna Schaeffer, deux femmes à l’opposé de l’échiquier social. Enfin, Guillaume Bouchède jongle entre ses trois personnages, le père, le rabbin et Jacob Kahn, avec un engagement sincère et puissant. La musique de Anne-Sophie Versnaeyen couronne le tout et imprime une mélancolie à cette histoire de vie qui touche à l’universel. A voir à tous les âges.
Hélène Kuttner
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