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« La Trilogie de la vengeance », feuilleton à l’Odéon Berthiers

Hélène Kuttner 26 mars 2019
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© Elisabeth Carecchio

Simon Stone, jeune prodige de la mise en scène mondiale, monte une épopée féminine de la violence à travers trois pièces élisabéthaines du XVII° siècle, «Dommage qu’elle soit une putain » de John Ford, « The Changeling » de Middleton, « Titus Andronicus » de Shakespeare auxquelles s’ajoute “Fuente Ovejuna” de Lope de Vega. Avec un casting éblouissant, il en a actualisé les moments les plus saillants à travers trois espaces à des époques différentes que le public découvre séparément. Un dispositif ultra-sophistiqué pour un résultat qui laisse sur sa faim.

Une scénographie astucieuse

© Elisabeth Carecchio

Faire pénétrer le public progressivement dans un roman noir, pétri de la violence vengeresse que déploient des héroïnes oppressées par des hommes omnipotents, souillées par les viols et les incestes, ployées par la douleur de la soumission depuis des siècles d’asservissement, le projet du jeune metteur en scène Simon Stone nous promettait le meilleur assorti du gore shakespearien et du trash antique. Il faut avouer qu’on est un peu déçu du résultat, compte tenu de la lourdeur et de la sophistication du dispositif scénique en forme de studios de séries télévisées. Il est vrai que l’on peut voir le spectacle selon trois ordres différents et que sans doute cette chronologie variable joue-t-elle sur l’attention du spectateur.

Feuilleton TV

© Elisabeth Carecchio

Un bureau, une salle de restaurant chinois et une suite dans un grand hôtel moderne sont les trois décors dans lesquels se nouent les intrigues et que les comédiennes, avec comme seul personnage masculin Eric Caravaca éblouissant de présence, investissent en temps continu, interprétant tout à tour plusieurs rôles à la fois, passant d’un décor à l’autre à la vitesse de l’éclair, tandis que les spectateurs sont assis sagement dans l’écoute de ces atrocités. On les retrouve donc dans des décors plus vrais que nature, à la manière des sit-coms, Nathalie Richard superbe en serveuse, en mère affligée ou en passante allumée, Valeria Bruni Tedeschi fébrile perchée sur des talons vanille, et Servane Ducorps, Adèle Exarchopoulos, Eye Haïdara, Pauline Lorillard et Alison Valence jeunes filles perdues ou enragées de violence dans des sociétés dominées par les mâles.

Virtuosité des acteurs

© Elisabeth Carecchio

On ne peut qu’admirer la virtuosité des comédiens passant d’un plateau à l’autre, et on aurait aimé pouvoir découvrir l’envers du décor, la fébrilité    des changements de costumes et de perruques en coulisses. Pauline Lorrillard, en jeune femme enflammée et déchirée, est d’une lumineuse présence, d’une sensualité enfantine. Il reste que le texte, éloigné des fulgurances des tragédies, déçoit par la banalité de son propos. Une production qui amuse donc, et dont la virtuosité suscite l’admiration, sans pour autant faire chavirer les coeurs et les esprits.

Hélène Kuttner

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