Les Naufragés au Vieux Colombier
La grande baie vitrée du bar s’ouvre sur la mer agitée. Le ciel de tempête ne fait qu’un avec les flots déchaînés, l’horizon gris est une raison suffisante pour les clients de ce bel hôtel pour se réchauffer au bar et s’enfoncer dans les fauteuils profonds. Mais ce ne sont ni les charmes de la côte normande, ni les promenades sur la plage, ou encore le confort de l’hôtel qui ont réunis cette brillante assemblée mais la vente des œuvres du peintre Sismus qui aura lieu le lendemain. Un parfum de scandale flotte. Le galeriste Golz (Eric Génovèse) vend les toiles qu’il a achetées au grand Sismus, or l’artiste s’oppose à cette vente, il estime que les toiles de cette période devraient être détruites.
Guy Zilberstein a écrit une pièce qui tient en haleine par le crescendo des événements et des rebondissements. Par touches successives, il compose ses personnages, un brin de Hopper, un poil de Bacon. Sa palette est variée du clair obscur des pensées de ses créatures à l’hyper réalisme des comportements de ces animaux sociaux si cultivés et si féroces. Il avance ses pions sur le grand équipier des passions que génère le monde artistique. On pense à Agatha Christie puis on glisse chez Somerset Maugham en visite dans un film de Delvaux, mais on est bien chez Guy Zilberstein.
Anne Kessler a plusieurs cordes à son arc, pétillante comédienne, cinéaste, peintre, la mise en scène d’une nouvelle pièce parlant de l’art et des créateurs ne pouvait que la passionner. Elle a confié à Yves Bernard la scénographie et les lumières. Le décor est un personnage à part entière, les protagonistes évoluent dans un hôtel chic et jouent déjà la comédie du paraître. Les spectateurs ne ressentent pas le fameux « quatrième mur » mais sont des voyageurs qui assistent aux échanges des protagonistes.
On le sait, les comédiens de la Comédie Française aiment jouer des textes contemporains. La distribution réunie ici par Anne Kessler y excelle. Quelle joie de retrouver Eric Génovèse d’une élégance diabolique dans le rôle du galeriste Golz ! Laurent Natrella, le commissaire-priseur sans scrupule et confident du cynique Golz joue ce salaud avec une désinvolture machiavélique. Grégory Gadebois compose le barman mélomane avec un savoir faire qui devrait lui ouvrir les portes de tous les palaces, il donne à son personnage une amplitude, une étoffe familière, une magnifique interprétation.
Anne Kessler est peintre, son portrait du galeriste Golz sert d’affiche au spectacle, sa direction d’acteur est sans accro, elle a su tirer de chacun de ses interprètes les plus beaux pastels, saluons une mise en scène « sans repentir » qui laisse la part à la poésie et au mystère.
Marie-Laure Atinault
Les Naufragés
De Guy Zilberstein
Mise en scène d’Anne Kessler
Avec Eric Génovèse, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Grégory Gadebois, Marie-Sophie Ferdane et Alexandre Steiger
Jusqu’au 30 Avril
Réservations : 01 44 39 87 00 / 01
Théâtre du Vieux Colombier
21, rue du Vieux Colombier
75006 Paris
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