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Patrick Timsit chante toutes les mères au Théâtre de l’Atelier

Hélène Kuttner 2 janvier 2018
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© Pascal Victor

Dans une très puissante adaptation du livre culte d’Albert Cohen « Le livre de ma mère », Patrick Timsit se saisit des mots de l’écrivain-poète et déroule devant nos yeux un saisissant voyage : celui d’un fils, au mitant de sa vie, qui voit disparaître sa mère à jamais. Un chant de mort et d’amour dédié à toutes les mères dans une subtile mise en scène de Dominique Pitoiset.

Un amour fou

Trente ans qu’il attendait cela, trente années durant lesquelles l’acteur humoriste, patiemment, attendait l’heure et le metteur en scène capable d’être en phase intime avec ce chef-d’oeuvre publié par Albert Cohen en 1954, onze années après la disparition de sa mère. Plus encore que tous ses autres livres, « Le livre de ma mère » est un récit poétique, lyrique, insolent et entêtant à la gloire de l’être qui a compté le plus dans sa vie. Avocat, fonctionnaire international, chargé de la protection des réfugiés après la Seconde Guerre Mondiale, Cohen n’oublie jamais son enfance à Corfou, au coeur de la mer Ionienne, ni le départ ensuite pour Marseille pour fuir l’antisémitisme qui grondait dans cette ile multiculturelle à la fin du 19° siècle. La condition de réfugié, de l’étranger qu’on rejette, ni lui ni sa mère ne l’oublièrent jamais. Et c’est cette mère trop orientale, trop aimante, trop soumise, trop croyante, cette mère juive à l’accent impossible qu’Albert le flamboyant adresse, post-mortem, sa lettre d’amour la plus torride, la plus violente, la plus crue et la plus tendre à la fois.

© Pascal Victor

Patrick Timsit dans les mots d’Albert Cohen

Devant un long bureau d’écrivain jonché de documents, costume sombre et cravate noire, l’acteur s’empare du manuscrit, comme pour l’entendre une nouvelle fois, comme pour se relire. Lentement, sobrement, il arpente la scène à la recherche d’un mot, d’une virgule, d’une respiration, distillant la prose de Cohen dans un souffle intime, clair, généreux, excessif, comme si c’était la sienne. Grave, ou souriant, sérieux mais jamais triste, il est magnifique de sobriété et de calme pour servir ce texte au lyrisme absolu. Servante au grand coeur, fiancée restée à la maison, cachée et officieuse, tandis que se tramaient les banquets et les galas, la mère de Cohen est célébrée à la hauteur du malheur de sa disparition brutale, d’une crise cardiaque en 1943. Durant toute la jeunesse de l’auteur, sa mère, héroïne sacrificielle comme l’était celle de Romain Gary, accompagne jour et nuit son fils, l’attend des heures, le nourrit, l’habille, comme un devoir quotidien et un rituel sacré, alors que l’impétrant aux allures de prince commence à courir le grand monde. Timsit magnifie simplement cet texte, sans grandiloquence, sans pathos, avec la délicatesse d’un amoureux respectueux de l’oeuvre. Des projections vidéos permettent aux spectateurs de respirer, l’émotion de voyager. Les larmes embrument les yeux des spectateurs, on n’entend pas le souffle des coeurs qui battent. On est au théâtre, mais la vérité des sentiments nous saisit brutalement, de manière explosive. C’est bouleversant.

Hélène Kuttner

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