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Petia Iourtchenko : “Bouger son corps, c’est vivre”

Maria Krasik 25 juin 2020
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©Petia Iourtchenko

Rencontre avec Petia Iourtchenko, un danseur et chorégraphe tzigane, sur sa culture et son amour pour la danse.

Qu’est-ce que pour vous la danse et la danse tzigane en particulier ?

Selon moi, danser c’est bouger son corps, et bouger son corps c’est vivre. Ce slogan-là est ma plus importante poursuite, que ce soit la danse tzigane ou les danses du monde. Pour ce qui est de la danse traditionnelle, c’est ce que m’ont appris mes ancêtres, mes parents lors de fêtes à la maison. Ce sont ces souvenirs là qui m’ont nourri, et puis c’est 15 ans de travail au théâtre tzigane de Moscou qui ont tout perfectionné et m’ont appris. Et puis en 1994 j’ai fondé ma propre association de danse en France, c’est là que tout a commencé.

La danse tzigane change aujourd’hui, et c’est normal car le monde bouge. La danse est vivante, elle progresse avec le monde. C’est pour cela que je perfectionne toujours, j’y ajoute des pas, des histoires basées sur la tradition et la culture. Pour moi, la danse c’est ma vie et l’évolution qui va avec.

Et l’histoire, la culture, la famille sont des sujets qu’on ramène dans la danse, c’est très important qu’elle en soit remplie. 

©Petia Iourtchenko

Comment avez-vous trouvé votre chemin et appris la danse ? 

Avant mes 11 ans je n’avais jamais dansé, j’évitais même, mais je chantais assez bien. Pendant mon enfance, lorsqu’on avait des invites à la maison, mon père était fier de ses enfants et nous demandait de chanter ou danser pour les invités. Et puis une fois, mon oncle m’a légèrement poussé dans un cercle de danse, je ne savais quoi faire, mais j’étais prisonnier de ce cercle, j’ai vaincu ma peur et j’ai commencé à danser. 

Quelque temps plus tard, ma soeur m’a envoyé un article parlant d’auditions au théâtre “Romen” à Moscou et mon père m’y a envoyé. J’avais 15 ans, j’y suis allé en train, et c’était inoubliable car j’étais un des deux danseurs qui ont passé le concours. Je suis parti me faire un passeport et immédiatement on m’a envoyé en tournée avec eux. Lors du premier spectacle j’ai failli être en retard, mais tout comme plusieurs années avant, on m’a juste poussé sur scène et j’ai commencé à danser. 

©Petia Iourtchenko

Qu’est-ce qui inspire une danse ?

Pour faire une chorégraphie il faut d’abord créer une histoire, un scénario. Par exemple nous avons récemment pris les Noces de sang de Lorca, c’est une pièce très célèbre et très universelle, à laquelle nous avons intégré l’âme tzigane. Quand on construit une maison on a besoin avant tout d’une fondation et puis on peut mettre en place le reste. De même, l’histoire devient la base de la chorégraphie, les personnages, les caractères et donc les mouvements viennent de là. On vit cette histoire, on se demande comment la raconter au public, il est impossible de mentir et donc le danseur doit incorporer tout cela, vivre le personnage. Il est important de se mettre soi-même dans l’histoire, de ne pas être timide. 

Vous donnez des cours et faites des tournées avec votre troupe de danse, pourquoi est-il important de partager cet art ?

La danse tzigane est comme un arc en ciel, je pense qu’une de ses couleurs est l’âme tzigane. N’importe quelle danse est la couleur de son peuple, elle représente son pays. C’est le cas dans l’art en général, c’est très important pour les tziganes, nous n’avons pas de terre, pas de pays. Je suis né à Donetsk,  je suis tzigane pur et je n’ai pas de pays qui serait la “tziganie” mais c’est la culture qui nous unie. Nous sommes dans le monde entier, et quand j’entends une chanson tzigane, je suis heureux et très triste car je n’ai pas de patrie, on a une mauvaise réputation et s’unir par notre art, c’est une manière d’ouvrir notre culture aux autres. 

On a une histoire difficile, nous avons été exterminés par les nazis, brûlés dans les camps de concentration, j’y ai fait un hommage dans Mémoire d’un vieux tzigane. Il faut s’en souvenir, car sans passé nous n’avons pas de futur, c’est ce qui permet la beauté de nos différences, des différentes cultures.

Pensez-vous que le public français comprend votre danse, votre idée ? 

Ce qui est fait avec l’âme, avec émotions touche tout le monde, peu importe d’où il est. On parle avec la danse, c’est très important, c’est un langage universel. Nos salles sont pleines, mais nous pensons que le développement de la culture tzigane en France ne fait que commencer. Les russophones ici connaissent cet art là, ils l’aiment, mais cela fait partie de leur histoire, c’est dans leur sang.

Decouvrez le travail de Petia sur son site et decouvrez Memoire d’un vieux tzigane.

Propos recueillis et traduits du russe par Maria Krasik

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