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Hélène Schweitzer : « L’ambition n’est plus un gros mot pour les femmes »

10 janvier 2017
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MG 6369

REPETITION

Ecrit et mis en scène par Hélène Schweitzer

Avec Charles Meunier, Cécile Oquendo, Hélène Schweitzer

Du 4 au 15 janvier 2017

Tarif plein 25 euros
Tarif réduit: 15 euros
Tarif mini: 10 euros

Réservation en ligne ou par tél. au 01 48 06 72 34 

Durée : 1h20

Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourd du Temple
75011 PARIS
M° Goncourt ou M° Belleville

www.theatredebelleville.com

Jusqu’au 15 janvier 2017

 “Répétition” débarque à Paris avec ses éclats de rire, de vie et de justesse, sur le théâtre, le féminisme ou encore le rapport aux autres. Rencontre avec son auteure et metteure en scène, aussi rafraîchissante que sa quatrième création et première comédie.

C’est un jour de relâche, ensoleillé. Le ciel d’hiver nous accorde quelques éclaircies et Hélêne Schweitzer, quelques fragments de sa pensée. Elle va vite, chacune de ses phrases déborde. De générosité et de vie. Un peu comme son regard bleu, un peu comme sa dernière pièce: une feel’good comédie qui n’épargne pas les relations humaines, ni son milieu.

 

Contrairement à votre création précédente « A l’imparfait du conditionnel », vous avez fait le choix  d’une scénographie beaucoup plus sobre: pourquoi ?

Avant même que j’invente et écrive l’histoire, le concept de la pièce reposait sur mon envie de revenir à quelque-chose de léger, sur tous les plans : une forme courte, une petite équipe, un décor ultra light. D’ailleurs il n’y a pas vraiment de décor. Et le peu qu’il y a, même avec tous les costumes,  on peut le caser dans un sac East-pack et partir en tournée avec. C’était le principe de base. « A l’imparfait du conditionnel » était effectivement une création  beaucoup plus lourde : à porter, à jouer, à exporter. 7 personnes sur le plateau, des lumières, des sons, des musiques dans tous les sens…il y avait même de la neige sur scène! Alors forcément, tout était plus compliqué. Dans « répétition », tout est plus rassemblé.  Avec 3 chaises, une table et n’importe quel type d’espace, on se débrouille. Et ça n’a pas de prix. En fait, je l’ai crée un peu comme j’aime voyager : léger. Je mets dans mon sac le minimum, l’essentiel, et j’essaye d’aller le plus loin possible avec.

Cela a-t-il fonctionné? Etes-vous aller plus loin, au niveau du jeu par exemple ?

Peut-être pas plus loin, mais plus vite. Par contre, géographiquement, on est effectivement allé plus loin.  On a déjà pu emmener la pièce à Londres par exemple, malgré notre petit budget.  Alors que l’autre pièce aurait été plus lourde à embarquer dans un Eurostar !

C’est la même envie de légèreté qui vous  a poussée à aller vers la comédie ?

Oui car je voulais que sur la forme aussi, ce projet soit  léger, drôle et que pour moi comme pour le public, il  fasse du bien,  un peu comme un petit doudou ou un petit bonbon. Le fond se devait bien sûr d’être sérieux, intelligent, très écrit, mais sur la forme je voulais qu’il n’y ait aucune limite.

Les ressorts du comique dans certaines scènes, semblent reposer sur une forme de caricature, parfois proche du clown…

On est sur le fil entre le réel et le clownesque, car les clowns sont dans la vraie vie, et bien qu’étranges et haut en couleurs, les 3 personnages de la pièce ne sont pas caricaturaux, ils sont réels. L’avantage du milieu artistique – et de tous les milieux d’ailleurs – c’est qu’on y rencontre des personnes réelles qui sont des personnages incroyables pour le théâtre. L’idée c’était que les spectateurs puissent reconnaître des personnages familiers, mais aussi des situations, des gestes, des caractères, des comportements de leur quotidien. Le parti pris, c’était justement de partir du plus proche possible de la réalité,  de la  vérité du quotidien, pour ensuite mieux embarquer  le public dans un délire complètement taré, où en même temps que les personnages, il peut déconnecter et lâcher prise.

L’humour est différent d’un pays à l’autre, le public aussi. Entre Paris et Londres, où vous avez joué l’année passée, la reception était-elle différente?

A Londres, les réactions dans la salle étaient assez dingues : le public – très expansif – était en feu. On pouvait l’entendre hurler de rire. Rien à voir avec le public parisien, très attentif, très à l’écoute, très silencieux. Il y a aussi beaucoup de rires, mais plus discrets. C’est peut-être aussi dû à l’évolution de la pièce : une année s’est écoulée entre les représentations de Londres et celles de Paris. Les personnages  ont un peu changé : ils sont moins caricaturaux, plus en profondeur. Les spectateurs,  qui savent d’emblée qu’ils ne devraient pas être là, sont vite embarqués dans la tête, dans l’intériorité des personnages. Tout est montré, à vue, à vif. Alors globalement, je crois que la pièce donne moins l’impression d’une énorme farce contemporaine.  Notre public est différent chaque soir, mais à Paris,  on est toujours estomaqués par la variété et la profondeur des réactions, des questions qu’on nous pose, à la sortie de la salle. On sent que les gens ne sont pas juste marrés,  ils ont vraiment entendu le texte.  Et ça en tant qu’auteure, c’est quand même très très agréable !

Que cherchez-vous à faire entendre au public justement ?

C’est une comédie qui parait simple, légère, mais derrière laquelle il y a un  travail de titan et surtout un vrai fond.  C’est fun, on rigole, mais sur des sujets qui l’air de rien, sont plutôt sérieux: on y parle de féminismes, de frustrations, d’un projet qui se casse la gueule, de théâtre classique, de théâtre tout court, avec plein de points de vue différents.  

De quelles frustrations en tant que comédienne, votre envie de parler de féminisme dans le théâtre est-elle née ?

Tous les comédiens et comédiennes que je connais ont conscience qu’il n’y a pas des rôles pour tout type de femme dans le classique. Or, au même titre que les hommes, les femmes ont envie de jouer des rôles de fou, car on a la même formation et en général,  les mêmes ambitions. Et justement, dans le théâtre classique globalement, les rôles de femme manquent d’ambition. Or en 2017, l’ambition n’est plus un gros mot pour les femmes. Après bien sûr, je tire le trait : il y a quelques magnifiques rôles de femme dans le théâtre classique, comme Médée, un rôle de dingue, dans tous les sens du terme. Mais ces rôles sont plus rares. Et quand il y en a, ils sont moins dans l’action, plus  dans la réception et dans l’attente. Et à l’heure ou au moins sur le papier, les femmes ont les mêmes droits que les hommes, cela me parait plutôt légitime d’aspirer à autre chose qu’attendre que… « ton prince viendra »!

Quels sont justement les rôles d’homme que vous auriez aimé joué ?

Il y en a tellement… Dans La mouette de Tchekhov par exemple, Treplev fait partie de mes fantasmes de rôle. Hamlet aussi bien sûr, chez Shakespeare, évoqué dans ma pièce… presque tous les rôles d’homme en fait : de manière générale dans le théâtre, ils  me parlent beaucoup plus.

Partagez-vous le même constat pour la création théâtrale contemporaine ?

Aujourd’hui certains  auteurs écrivent des rôles de femme incroyables. Malgré tout, il y a beaucoup plus de premiers rôles masculins, alors qu’il y a plus de comédiennes que de comédiens. Ce qui pose problème, au moins mathématiquement.  Mais en tant qu’auteure, je sais que ce n’est pas évident, car changer le genre du personnage principal, change l’histoire qu’on raconte, ou au moins la manière dont elle est perçue. Si c’est un homme, tout le monde peut s’identifier,  la destinée qu’on raconte peut être universelle. Si c’est une femme, alors sa destinée est condamnée à être celle… d’une femme. Car  je crois que dans le théâtre c’est malheureusement comme dans la langue française : même lorsqu’il est minoritaire, le masculin l’emporte et semble pouvoir raconter l’histoire de  toute l’humanité.

Lydie.M

@M_lydie

[Crédits Photo © Aline Dunoyer]

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