0 Shares 1860 Views

Un pedigree – Edouard Baer

8 juin 2010
1860 Vues
edouard_baer_theatre_atelier

edouard_baer_theatre_atelier::

 

La voix est tendue, d’une gravité insoupçonnée, neutre pourtant, à force d’être retenue. “Je suis né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite, d’un juif et d’une Flamande qui s’étaient connus à Paris sous l’Occupation (…)“. Lentement, “Un pedigree”, le texte fondateur de Patrick Modiano, déroule sa douleur sèche. Edouard Baer en fait bien mieux qu’une lecture : il l’accompagne et l’apprivoise avec une finesse rare. A la fois sensible et distant, retrouvant dans cet élan contradictoire l’humeur tout à fait singulière de l’écrivain. Celle qui, ici plus encore que dans ses romans, lui a permis d’évoquer, comme au travers d’une vitre embuée, son enfance et son adolescence sur le qui-vive, égaré qu’il était entre un père et une mère interlopes, cruellement lointains, indifférents.

 

Pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne“, explique l’auteur sobrement, posément, tout au long de ce constat en forme de documentaire. Saisissant. “Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree“, égrène, dans son sillage, le comédien qui abandonne tout effet. Bouleversant. Sans doute, au départ, nombre de spectateurs se sont déplacés au théâtre de l’Atelier, à Paris, pour découvrir “en live” son dandysme si délicieusement joueur, d’ordinaire. D’emblée, pourtant, le ludion Baer a l’intelligence de s’effacer derrière la précision des mots de Modiano. Qu’il ne se contente pas de dire : acteur exigeant, habité, il les vit, un peu à la façon d’un tendre médium, d’un très délicat relais. Dès lors, que l’on soit fan ou pas, l’on est irrémédiablement happé. Et touché.


Nul hasard, de fait, s’il s’en revient pour 15 représentations exceptionnelles, en ce mois de juin 2010, après avoir créé l’événement au printemps 2008, déjà à l’Atelier : “Un pedigree” est un texte qui se nourrit de nombre de flux, de non-dits, de marées et qui, donc, jamais ne s’épuise tout à fait. D’autant mieux qu’Edouard Baer et Anne Berest ont choisi, simplement, une scène aux allures de hangar désaffecté pour l’accueillir. Chambre d’écho idéale de dénuement, de tristesse intermédiaire, elle laisse doucement remonter les zones d’ombres affolantes, au fond, de ce monologue impeccable. A tout point de vue.


Ariane Allard

 

 

Un Pedigree


Jusqu’au 26 juin 2010

A 20h, samedi 5, mercredi 9, jeudi 10, vendredi 11, samedi 12, mercredi 16, jeudi 17, vendredi 18, samedi 19, mercredi 23, jeudi 24, vendredi 25, samedi 26.

Réservations au 01.46.06.49.24. ou sur le site du théâtre.


Théâtre de l’Atelier

1, place Charles Dullin

75018 Paris

Métro Anvers

 

www.theatre-atelier.com


Articles liés

« Terrasses » : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline
Spectacle
79 vues

« Terrasses » : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline

Le 13 novembre 2015, la salle de spectacle Le Bataclan a été le théâtre d’un massacre total perpétré par des tueurs jihadistes. Une centaine de morts, plus de quatre cents blessés, dans une salle bondée de 1200 jeunes gens...

“Le Dieu des causes perdues”, un spectacle poétique au Théâtre de l’Athénée
Agenda
108 vues

“Le Dieu des causes perdues”, un spectacle poétique au Théâtre de l’Athénée

Anna part à la recherche de son frère, Maxime, dont elle n’a plus de nouvelles depuis ses douze ans. En quête de signes, elle se lance dans une épopée initiatique mue par une seule question : quand l’absence et...

“Our People” : Frederick Ballentine & Kunal Lahiry explorent la résistance des communautés LGBT
Agenda
196 vues

“Our People” : Frederick Ballentine & Kunal Lahiry explorent la résistance des communautés LGBT

Inauguré en 1896, classé monument historique et réputé pour son acoustique exceptionnelle, le Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet compte parmi les plus belles salles à l’italienne de Paris. Il est connu pour son esprit laborantin, son goût des rencontres artistiques...