Ai Weiwei Never Sorry
La Chine, ainsi que l’avait prophétisé Alain Peyrefitte, a fini par s’éveiller. Avec une certaine forme de gueule de bois pour son régime. La révolution Internet, symbole de la mondialisation dont la Chine a plus que de raison tiré profit avec une croissance à deux chiffres tous les ans, est passée par là. La libéralisation de la communication, corolaire implacable de l’avènement du web, constitue une des différences majeures entre la Chine d’aujourd’hui, obligée de composer avec, et l’URSS stalinienne où le silence des suppliciés a mis des années avant de retentir en un assourdissant vacarme.
Etre dissident et ardant défenseur des droits de l’Homme en Chine aujourd’hui n’en demeure pas moins risqué. Ai Weiwei, devenu le plus célèbre chantre de cette dissidence, en sait quelque chose. C’est le portrait de cet homme qui a vécu la déportation de son père, poète adulé en Chine, qu’Alison Klayman dresse dans ce documentaire sans concession qui laisse la part belle à tout ce que ce trublion des temps modernes charrie de paradoxes. A la fois autodidacte et « fils de », il fréquente l’une des plus prestigieuses écoles du monde, ce que laisse transparaître son discours teinté d’un académisme contrapunctique avec ses actes. Quoique ces derniers ne soient pas non plus ceux d’un agité irréfléchi, ainsi qu’en témoigne notamment son active participation à l’élaboration du stade olympique de Pékin. Mais Ai Weiwei, homme d’affaires et activiste redoutable, reste avant tout un artiste avec toute la versatilité que cela induit.
N’hésitant pas à outrager le passé pour construire l’avenir (ah, ce logo d’une célèbre boisson sur un authentique vase néolithique !), l’homme vit surtout avec son présent. Celui de la prolifération des médias et particulièrement des réseaux sociaux. Fin stratège de la communication, il a érigé la rébellion en postulat, utilise la caméra comme journal intime pour contrer les « hooligans » (les communistes), arguant que « le seul sport dans une dictature est de jeter des pierres sur la dictature ». Avec pour mot d’ordre la transparence. En 1985, en URSS, la « glasnost » (transparence en russe) de Gorbatchev affichait les mêmes idéaux. Et le parallèle avec le régime soviétique hante tout le film qui dissèque avec pugnacité toutes ces méthodes qu’on croirait révolues où l’arbitraire règne en maître.
Aujourd’hui, Ai Weiwei est en liberté surveillée quelque part en Chine. Twitter le relie au monde entier. Ce formidable documentaire qui lui est consacré, véritable plaidoirie pour la liberté d’expression et réquisitoire cinglant contre le laminoir idéologique qui sévit encore en Chine, n’en est que plus indispensable. Sans pathos, avec même une bonne dose d’humour et d’autodérision, la réalisatrice frappe fort et juste.
Franck Bortelle
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Directors Guild of America Awards 2013 (2 février)
- Nomination : Meilleur réalisateur de film documentaire
Sundance Film Festival 2012 (du 19 au 29 janvier)
- 1 prix : Prix spécial du jury – documentaire américain
Ai Weiwei : Never Sorry
D’Alison Klayman
Avec Ai Weiwei, Chen Danqing, Changwei Gu
Durée : 91 min.
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– les films à voir en 2012
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