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Tomoko Yoneda, ou la simplicité sensible du raffinement

Mona Dortindeguey 14 avril 2018
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Tomoko Yoneda, artiste photographe japonaise vivant à Londres, est aujourd’hui exposée à la Maison de la Culture du Japon à Paris jusqu’au 2 juin. Ce projet, né en 2015, autour d’une idée commune avec la commissaire d’exposition Aomi Okabe, voit enfin le jour. Un évènement à ne pas rater.

Cette 5édition de la série Transphère, cycle d’exposition consacré à la création contemporaine japonaise, est désormais ouverte. À cette occasion, l’artiste Tomoko Yoneda, reconnue et exposée dans le monde entier, nous offre un regard photographique teinté de curiosité et d’intérêt pour le passé.

« Enchevêtrement. Arbres dans une ancienne tranchée de la bataille de la Marne », Tomoko Yoneda, 2017 © courtesy of ShugoArts


Un projet centré sur le parcours d’Albert Camus

Tomoko Yoneda est partie sur les traces de l’écrivain Albert Camus, qu’elle a découvert au fur et à mesure de ses recherches. Mais il ne s’agit ni de raconter sa vie, ni de faire un panégyrique de son influence. Son intention est toute autre. Elle s’est rendue sur les lieux qui avaient marqué l’écrivain, dans lesquels il avait vécu, pour réfléchir à son questionnement humaniste, à travers ses ouvrages. 

Pour ce projet, l’artiste s’est rendue en Algérie, là où était originaire Albert Camus. Elle a ensuite fait le trajet effectué pat l’écrivain pour rejoindre Paris, en passant par Marseille. Elle nous incite ainsi à réfléchir sur la colonisation et les guerres.

Cette artiste nous fait découvrir les paysages qu’Albert Camus a traversé ou dont il s’est imprégné pour écrire. Il a beaucoup décrit la beauté des paysages. La photographe réussit à nous les retransmettre en image, avec une lumière éblouissante, éclatante qui amplifie chaque couleur. Voici une de ses forces.

Tomoko Yoneda porte une attention toute particulière à la légende de ses images, les considérant comme le début d’un récit. Les légendes font donc parties intégrantes de l’œuvre, car elles donnent des indices sur l’image, tout en restant dans le suggestif pour stimuler notre imaginaire. Les mot la tracassent, l’obnubilent, parallèle que nous pourrions faire avec l’écrivain Albert Camus.

« Maison. Ancienne demeure du docteur Le Forestier, Le Chambon-sur-Lignon », Tomoko Yoneda, 2017 © Courtesy of ShugoArts


Photographier le présent comme si c’était le passé

Tomoko Yoneda montre ce qui n’est plus, ce qui a existé, à travers des images du présent. L’aspect central de son travail est la transition. Que ce soit la transition liée au temps, du passé à aujourd’hui, ou à l’espace, d’un pays à l’autre, on retrouve cette même thématique. La récurrence de la transition, dans sa démarche, nous rend même curieux.

Marta Gili, directrice du Jeu de Paume et proche de l’artiste, lui a inspiré ces mots : « Photographier l’instant présent comme si c’était celui d’avant, celui d’un autre, absent. (…) 

Des rêves, des mots et des souhaits : la justice, la paix, la guerre, la vérité, la nostalgie, l’amour, le sacrifice, en somme l’être humain… toujours l’être humain. »

Elle s’inspire du passé, jusqu’à même « revêtir » les lunettes de figures ayant marqué l’Histoire pour photographier à travers celles-ci. Depuis 1995, elle réalise cette série en s’attachant à capturer des documents ou ouvrages liés à des personnalités littéraires. 

Elle construit pas à pas son travail, au fil de ses recherches. Elle choisit même d’utiliser un ancien appareil photo, l’Olympus Pen, pour réaliser des épreuves platinum, un procédé disparu au XXe siècle. Son parti pris d’impression a également une symbolique : elle utilise des techniques oubliées qui vont perdurer dans le temps grâce a leur qualité de conservation.

Une œuvre réfléchie 

Elle nous révèle les traces oubliées dans notre environnement quotidien, et c’est en ceci qu’elle s’engage : « Il n’existe pas un art engagé. C’est l’art qui fait l’engagement », explique Tomoko Yoneda avec sincérité. 

« L’attente, port d’Alger », Tomoko Yoneda, 2017 © Courtesy of ShugoArts

Pour Tomoko Yoneda, la photographie ne sert pas à mieux comprendre, mais à prendre conscience de la complexité du monde. Elle travaille autour des thèmes de l’exil, du voyage. Ses réalisations font écho aux actualités politiques, aux diverses crises, et au passé lourd du XXe siècle, notamment celui du Japon.

Dans cette exposition, riche en références, on retrouve d’ailleurs la pureté et le raffinement issus de la culture japonaise dans ces images. Albert Camus n’a pas fini d’avoir de secrets pour nous et Tomoko Yoneda non plus !

« Statue dans un étang et palmier, Jardin du Hamma (ancien Jardin d’Essai) », Tomoko Yoneda, 2017  © Courtesy of ShugoArts

 

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