Seuls de Wajdi Mouawad, oiseau qui plane sur la Colline

Wajdi Mouwad campe un fils, étudiant, un drôle d’oisau solitaire, qui peine à prendre son envol. Mais il se révèle bientôt dans ce spectacle, « oiseau polyphonique » aux ailes immenses et multicolores.

En caleçon, Wajdi Mouawad s’avance, s’adresse au public, présente son sujet de thèse.

Un drôle d’oiseau solitaire

Le dramaturge compose un drôle d’oiseau. Harwan, 35 ans, étudiant en sociologie de l’imaginaire, angoisse à l’idée de devoir terminer sa recherche, «cadre, comme espace identitaire dans les solos de Robert Lepage». Il ne trouve pas de conclusion. Une rupture sentimentale récente, le jeune homme est seul. Sa sœur se désespère au bout du fil : « Harwan, réveille toi ! ». Son unique moment de compagnie est un repas familial imposé le dimanche par son père. Entre procrastination et solitude, cet albatros, ne parvient pas à vivre sur la terre ferme ni à entrer dans la vie.

Prendre son envol

Le délai jusqu’à la soutenance est raccourci. Harwan n’a plus le choix. L’étudiant se risque hors du nid, réserve un vol pour Saint-Pétersbourg où il doit interviewer Robert Lepage. Alors qu’il réalise des photos d’identité pour son passeport, dans un photomaton, le drame survient.

Dès lors, le jeune homme entame, une véritable épopée placée sous le signe du « retour du fils prodige » de Rembrant. Entre sacralisation et désacralisation, entre la mort et la vie, un nouvel espace s’ouvre, entre-deux 

de la renaissance. Dans cet espace-temps suspendu, entre deux rives, un espace créatif s’ouvre.

« Oiseau polyphonique » et multicolore

L’étudiant sage et lisse se mue en monstre hybride et multicolore. Tout d’abord peinturluré de rouge, tel un nouveau né dans la mort, la figure absorbe ensuite du bleu, du jaune ou encore du vert…

Du comique au tragique, de l’art à une réflexion sur le processus artistique, ce spectacle de deux heures foisonne. Vidéos, sons, enregistrements de voix, peinture, art dramatique et performance, tous ces arts réunis sur scène composent un spectacle riche. Cet « oiseau polyphonique », selon les termes de Wajdi Mouawad, déploie des ailes très larges.

Si l’oiseau brasse dans son sillage une matière riche et foisonnante, son cap est bien défini par une unité de sens. Dans ce spectacle un peu long, on ne s’ ennuie jamais. Comment tout dire, comment s’arrêter quand on a trop de choses à dire ? Telle est la question initiale posée par Harwan.

Jeanne Rolland 

Premier spectacle écrit, mis en scène et interprété par Wajdi Mouawad au Théâtre de la Colline dont il a été récemment nommé comme nouveau directeur, le spectacle Seuls a ouvert, en 2008, un nouveau cycle domestique centré sur la famille. Seuls, qui met en scène un fils, ouvre la voie à un second solo, Soeurs, qui sera suivi du duo Frères et complété par Père et Mère, pour composer une fresque familiale complète.