Librairie Chamonal – Biennale des Antiquaires 2012
N’y a-t-il pas un plaisir coupable dans le fait de collectionner ?
Les libraires qui vont aux salons, aux foires d’antiquaires disent toujours que ce n’est pas leur clientèle. Disons que le livre est un peu hermétique. On ne collectionne pas un livre, on achète, on rentre dans une collection, sur un sujet. On va en acheter un, puis deux, on va se faire plaisir avec des livres. On n’est pas obligé de les lire, on va les bouquiner. Mais un tableau, on peut avoir le coup de cœur : « viens ma chérie, regarde ! Est-ce que ça peut aller à la maison ? » Et hop, on peut s’acheter ça facilement. Les livres… disons que nos clients doivent décider de s’acheter leur premier livre pour démarrer, sur un hobbie qu’ils ont… Si le type est vétérinaire il va s’acheter des livres anciens sur l’art de soigner les animaux.
On est ici en vue justement pour essayer de créer l’envie d’avoir une bibliothèque chez soi parce que c’est fort joli, c’est un décor, ce n’est pas seulement un bouquin. C’est une bibliothèque de livres, ça donne un vrai décor dans un appartement. Ca sent même une odeur le livre, ah oui, une bibliothèque a une odeur et son odeur est même très particulière parce qu’elle ne ressemble à aucune autre. Ca ne sent pas fort du tout, c’est très léger, c’est un parfum d’ancien… Mais c’est vrai que les gens ont du mal à pousser les portes.
Il y a un côté précieux dans ces librairies, inaccessible…
C’est vrai, il y a un côté précieux mais ce n’est pas de notre fait, nous n’avons pas le choix. Les gens doivent rentrer dedans petit à petit et c’est un peu confidentiel. C’est un peu hermétique, il faut qu’ils démarrent une collection. C’est mieux d’avoir une jolie librairie pour qu’ils aient tendance à pousser la porte plus facilement ; si elle est sombre et poussiéreuse, ils n’oseront pas ou je ne sais pas mais tout n’est pas là.
J’en suis à ma 12ème Biennale, ça fait 25 ans, oui ! Il y a 2 ans seulement, je n’ai pas participé car ils avaient supprimé un week-end et c’était beaucoup d’investissement pour un tel calendrier. Sinon j’ai fait toutes les autres. J’ai toujours eu envie, je n’y ai pas droit et ça passerait très mal, de mettre une bibliothèque « Pourquoi pas vous ? » Parce que les gens se disent : « Ah les livres ? oui, les livres… » et ils s’en vont. Or il faut leur expliquer, il faut leur dire comme c’est joli, comme c’est intéressant : « vous avez un hobby, quelque chose qui vous intéresse ? La politique ? La chasse ? La pêche ? » Il y a des livres sur tous les sujets puisque le savoir du monde est passé par le livre. Donc « regardez, voilà votre sujet » et là « Ah oui ! Pourquoi pas ! ». Mais pour cela il faut discuter, il faut que les gens prennent le temps.
Donc, vous créez des dépendances ! Car il y a de ça chez le collectionneur…
On essaie ! On est bien d’accord mais moi j’en suis un donc je suis conscient : la maladie du collectionneur…
N’étant pas moi-même collectionneuse, j’ai l’impression qu’il y a une part de fétichisme dans la collection…
Les femmes sont moins collectionneuses que les hommes ! J’ai vu un reportage il y a longtemps, il y a une douzaine d’années lors duquel ils avaient fait un sondage. Il y avait 73% d’hommes collectionneurs contre 27% chez les femmes. Curieux n’est-ce pas ? Mais les femmes collectionnent des choses qui les amusent, elles : éventails, flacons de parfum… Par exemple en livres, il y en a peu.
Fétichisme ? J’appellerais ça de la passion, passion oui d’avoir ce qu’on ne peut pas trouver ailleurs. Mais le collectionneur c’est ça, que ce soit un tableau, un livre ou autre chose, il a envie de posséder. Je ne sais pas si c’est pathologique ou pas, il y a peut-être une partie de pathologie mais c’est sûr que le plaisir de posséder quelque chose, de l’avoir à soi et tout seul ou le partager avec sa femme ou avec quelques amis, quelques autres collectionneurs. D’avoir les choses chez soi et pouvoir les toucher, se faire plaisir… oui !
Parce que, une fois possédé, que fait-on du livre acquis ? On peut les lire d’abord, mais ensuite ?
On le bouquine ! Ca ne se lit pas un livre ancien car ça s’abîme si on le lit réellement. Enfin si, il y a des gens qui le lisent en y faisant très attention. Néanmoins, moi je ne conseille pas. Si on peut trouver le bouquin en réimpression etc. Y a des gens qui disent : « C’est tellement formidable de le lire dans l’ancien ! » Mais ça l’abîme quand même un petit peu, on tourne toutes les pages, il faut quand même faire très attention. Donc plutôt le lire dans une édition commune et le bouquiner : l’ouvrir, lire une phrase, regarder une image, regarder la reliure…
Y a-t-il un plaisir dans la recherche elle-même ?
Quand on trouve quelque chose qu’on cherche et qui est précieux, ça donne de l’adrénaline.
Comment vous procurez-vous ces livres ?
Partout, mais alors là, partout ! On les piste, on les cherche et il y a plusieurs voies différentes. Il y a les livres que vous connaissez alors vous les cherchez en sachant que ça existe, en ne les voyant jamais. Et puis après il y a ceux que vous avez vus et que vous aimeriez avoir et qui sont dans des collections ou dans des endroits où vous les avez vus et ils peuvent sortir par décès du possesseur ou par succession ; dans ce cas-là effectivement vous essayez de les pister, de les acheter si possible. Il y a un côté chasse, le fait d’aller à la chasse et de trouver des choses rares !
Si je vous demande votre pièce phare sur ce stand ?
C’est spectaculaire, c’est une pièce qui se voit tout de suite. C’est un livre qui existe en noir et blanc, qui est le grand livre sur l’épée et l’art de manier l’épée. Dans le cas présent, ce bouquin a été colorié à l’époque et rehaussé d’argent et d’or. Donc ce livre est pratiquement unique parce que, en couleur, on n’en connaît pratiquement pas d’autre.
Peut-être un deuxième quelque part qu’on n’a pas su justement retrouver. Et en plus il a une dédicace du coloriste. Et ça, ça n’existe pas non plus. Car le coloriste en général ne donnait pas son nom. Là c’est le peintre du roi donc c’est un type important qui l’a colorié pour un grand personnage qui est le grand Condé, un noble et personnage de guerre illustre. Ca c’est la pièce maîtresse qu’on essaie d’ailleurs de bien présenter. Car on nous demande ici de faire un décor. Au niveau mondial, la Biennale est le plus beau salon d’antiquités, en compétition avec Maastricht pour son contenu. La Biennale met un accent sur la présentation, Maastricht est plus stricte.
J’ai encore ce livre qui est un Coran ayant appartenu à la fille de Louis XV. Comme ses autres sœurs, elle était bibliophile et elle l’a fait relier à ses armes. Mme Sophie avait des reliures jaunes, Mme Victoire des reliures vertes et Mme Adélaïde des reliures rouge. Donc c’est très rare, c’est une curiosité.
Gaëlle Le Scouarnec
Ouverture au public du vendredi 14 au dimanche 23 septembre 2012
Tous les jours de 11h à 20h
Jusqu’à 23h les mardi 18, jeudi 20 et samedi 22 septembre
Fermeture à 16h le dimanche 23 septembre
Tarif : 30€
Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
M° Champs Elysées-Clémenceau
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