Ara Güler « Lost Istanbul, années 50-60 » – Maison Européenne de la photographie
« Ara est une célébrité en Turquie, les gens l’arrêtent dans la rue pour lui faire signer ses livres », assure Didier Millet, son éditeur aux Editions du Pacifique, lors d’une rencontre entre le photographe et les visiteurs de la Mep. Et pour cause, Ara Güler, par le biais de son travail, dans la grande tradition humaniste, a contribué à immortaliser les années 1950-1960 dans son pays. Epoque teintée de vague à l’âme, disparue même pour cet homme de 81 ans, né à Istanbul, intransigeant sur la Turquie d’aujourd’hui : « Ce n’est pas mon monde. »
Ce regrettable constat semble trouver écho dans un cliché d’une intense profondeur : Kumkapi, 1950. Un convoi de bateaux, vu de la proue du premier, abandonne, ainsi que son sillage sur l’eau, la rive turque, piquée d’une mosquée et de ses minarets. Lesquels se découpent dans le sombre horizon d’un ciel dantesque, déchiré par un soleil pugnace malgré l’amoncellement naissant de nuages menaçants. Au premier plan, un homme au visage fermé, cigarette à la bouche, tourne peut-être également le dos à un temps révolu pour Ara Güler.
D’autres témoignages de la société du milieu du XXe siècle composent l’exposition : les cérémonies, les dédales de rues étroites et pavées – « Aujourd’hui tout est asphalté » – ou encore les scènes de fourmillement autour de navires amarrés. Une fois de plus, le photographe stanbouliote énonce l’évidence d’une civilisation transformée au simple regard de l’outillage portuaire : « Ce ne sont plus les mêmes machines. »
Invitation mélancolique
Les puissants contrastes du noir et blanc, procédé revendiqué pour une atmosphère nostalgique assumée, soutiennent indéniablement l’idéologie d’une terre désormais quasi-légendaire. « Actuellement, beaucoup de choses ont changé, je ne retrouve plus la Turquie que j’ai toujours cherchée, celle des poètes, des artistes », explique ainsi Ara Güler.
Une légère musique et une tapisserie, imprimée sur un mur de l’unique salle d’exposition, accompagnent la trentaine d’œuvres dans une ambiance orientale. Au centre, des documents inédits, écrits et illustrations, attestent de l’amitié liant le photographe turc à Henri Cartier-Bresson ou encore à Marc Riboud et Pablo Picasso. Une vidéo diffuse également les portraits réalisés en une carrière : Tennessee Williams, Alexander Calder devant un de ses inénarrables mobiles, Indira Gandhi, Maria Callas, Winston Churchill arborant le « V » de la victoire cigare aux lèvres, Man Ray, parmi tant d’autres…
L’invitation mélancolique reste le paraphe d’Ara Güler. A l’instar de ces deux chaises vides, installées sur un ponton, tournées vers les flots selon un axe divergent ; avec au loin la côte opposée, floue, nuée d’éclairages épars dans la nuit. Toutes proches, les lumières festives d’un bateau ondulent sur la paisible surface liquide pour rejoindre les sièges, pareilles à une féerique passerelle d’embarcation vers le mystérieux navire.
En fait de nostalgie, Ara Güler ne livre pas une plainte sanguinolente mais bien les charmes effectifs d’une autre époque. La force de l’art étant le reflet qu’il offre de la société, la Saison de la Turquie en France garantit la richesse culturelle contemporaine d’un pays. D’un pays différent de celui d’il y a un demi-siècle.
Cyril Masurel
Ara Güler – « Lost Istanbul, années 50-60 »
Jusqu’au 11 octobre 2009
Du mercredi au dimanche
De 11h à 19h45
Informations : 01 44 78 75 00
Tarifs : 6,50 € / réduit : 3,50 €
Maison Européenne de la photographie
5/7 rue de Fourcy, Paris 4e
Métro : Saint-Paul (ligne 1) ou Pont Marie (ligne 7)
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