0 Shares 1175 Views

Gisèle Vienne – This is how you will disappear – Centre Pompidou

21 avril 2011
1175 Vues
This is how you will disappear

Gymnaste, malléable mentalement comme physiquement dans une extrême désarticulation du corps, contrôlée, scandée, dominée, la femme cherche à plaire, en une quête de perfection pathétique et touchante. Touchante : nous y sommes : on pourrait qualifier l’atmosphère de cette pièce de Gisèle Vienne de « mélotragique » : des sentiments, un jeu psychologique malsain et fascinant entre deux êtres qui s’aiment et se nuisent, mais loin du drame, orchestrée plutôt dans une montée en puissance du mal qui doit nécessairement se produire.

Forces fumées imprègnent alors la scène, devenue autel d’un rituel morbide, et qui palpite aussi par la vigueur musicale contemporaine de guitares saturées. Discussions absurdes, évocatrices des méandres de l’inconscient ravagé, entre deux hommes, mais sans parvenir à définir pour autant lequel est le bourreau de l’autre. Le sens advient de nouveau, mais par bribes, décousues, translucides. Il se fait déroute. Cette fille qui était trop parfaite, et, elle qui voulait l’être, fut tuée car on aurait risqué de s’attacher à sa figure iconique. Qui aime bien châtie bien, dit-on. Or, le point fort parmi tant d’autres —son, gestuelle, parole utilisée en instrument de musique macabre —, réside en la scénographie : cette forêt virtuelle de symboles, où des séquences somptueusement lentes apparaissent et disparaissent dans les volutes de fumées.

Des oiseaux, un faucon et la chouette de Minerve (qui ne prend son envol qu’à la nuit tombée, pour Hegel, pour mieux dévoiler le sens de l’histoire) illuminent la pièce d’une lueur noire, d’une poésie tragique auquel le spectateur est acculé. Pétrifié. Haletant. Fasciné. Car la force magistrale de Gisèle Vienne consiste bien en ceci : parvenir à rendre la grâce obscure de nos sentiments les plus immondes, les plus égoïstes, les plus honteux, les plus enfouis. Rien d’autre que le principe du Sublime. De quoi habiller nos nuits de sombres cauchemars, dont l’entêtement volatile tient paradoxalement dans la mémoire écorchée au passage. Brillant.

Bérengère Alfort


This is how you will disappear

Conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie : Gisèle Vienne

Création musicale, interprétation et diffusion live : Stephen O’Malley et Peter Rehberg
Texte et paroles de la chanson : Dennis Cooper
Lumière : Patrick Riou
Sculpture de brume : Fujiko Nakaya
Vidéo : Shiro Takatani

Créé en collaboration avec, et interprété par : Jonathan Capdevielle, Margrét Sara Gudjónsdóttir et Jonathan Schatz

Du 20 au 22 avril 2011

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

Centre Pompidou – Grande salle

www.centrepompidou.fr/spectacles

[Visuel : This is how you will disappear (création 2010)
. Conception : Gisèle Vienne
. Interprètes sur la photographie: Jonathan Capdevielle et Margrét Sara Gudjónsdóttir. 
Photographe: Silveri. © DACM]

Articles liés

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Elle ne m’a rien dit” traite le féminicide
Agenda
83 vues

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Elle ne m’a rien dit” traite le féminicide

Ce spectacle est né de la rencontre entre Hager Sehili et Hakim Djaziri, auteur et metteur en scène de la pièce. Elle ne m’a rien dit furent les premiers mots qu’Hager a confié au metteur scène en parlant de...

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Le Cabaret de Carolina” présente l’art de l’humour musical
Agenda
81 vues

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Le Cabaret de Carolina” présente l’art de l’humour musical

Artiste multifacette, Carolina est tout à la fois chanteuse, comédienne et animatrice. Mais, c’est dans la chanson et le spectacle vivant qu’elle atteint son plaisir paroxystique. De concert en concert, elle a développé un répertoire populaire qui touche toutes...

Dans le cadre de Festival Off Avignon, Pierre Notte présente “J’ai raté ma vie de tapin en voulant faire l’acteur”
Agenda
108 vues

Dans le cadre de Festival Off Avignon, Pierre Notte présente “J’ai raté ma vie de tapin en voulant faire l’acteur”

“Il s’agit d’un récit, ou d’une confession, comme une ultime part dévoilée, la plus sensible et terrible, la plus vraie de toutes. La prostitution, les métiers d’acteur, d’auteur, les prostitués et ceux qui les emploient, ce paradigme (ou protocole)...