Une maison en Normandie – Théâtre 95 de Cergy-Pontoise
La demeure normande est de caractère mais les protagonistes sont quant à eux dépourvus de charpente collective : c’est le constat de cette fable, qui nous convie au manque d’imagination et de désirs de notre époque à travers une scénographie toute en résonnance visuelle aboutie.
Une insouciance en temps réel
Face à un décor unique, les spectateurs sont au plus près de ce groupe de neuf personnes, d’âges et horizons différents, mais qui tous peinent à proposer avec conviction un projet pour aménager différemment la maison. Les deux journées s’écoulent au fil des repas avec incursions dans le jardin à l’arrière, les uns téléphonent, les autres font un tour à la piscine, certains vont même à la messe le dimanche tandis que la plus sexy s’exhibe en vain. Mais aucune proposition n’émerge, aucune idée ne cimente le groupe. Chacun se démarque de l’autre, l’un versant dans l’humour tandis que l’une s’ébroue en romantique décalée, le plus âgé jouant le vieux sage teinté de new age alors qu’un jeune prof s’essaie à la variété façon Delerm. Malgré ces nuances, ils se retrouvent invariablement autour de la table dans une récurrente ambiance en creux , où Skipe, les portables et la musique permettent de contourner l’ennui.
Tandis que les lieux sont incontestablement chargés d’histoire et que la nature est rendue vivante et changeante, les hommes et les femmes qui se rencontrent là naviguent difficilement au bord de leur manque d’identité et de quête. Leurs craintes et leurs malaises se traduisent par des manières et des dialogues grinçants, drôles, rageurs, quelquefois sentimentaux volontairement à outrance. Les parcours individuels conduisent tous au même vide : les modèles politiques ont disparu, l’imagination n’est pas au pouvoir et les projections collectives ne sont pas d’actualité.
Entre théâtre et film
L’auteur prend le parti d’épouser les dérives de chacun par leurs langages autant que leurs comportements, permettant de rentrer dans cette atmosphère normande traversée par le charme des petits tangages contemporains. Car il n’y a ni tragédie ni noirceur, mais ce coude-à-coude serré et sincère, tissé en sociologue soucieux de saisir une atmosphère. Traitée en scénario, rythmée par une caméra absente qui sait traduire le temps avec ses syncopes et ses lenteurs, la vie en cette maison de Normandie nous apparaît bien made in Normandie, ni oui ni non, sans folie ni drame, au final sûre de plaire aux amateurs de bocage printanier et paisible, joliment angoissant le temps d’un week end. Les neuf comédiens nous font entrer en douceur dans leur vide ou leur manque, autant que leur assurance trompeuse. Le plateau qui ressemble à un plateau de tournage nous donne à assister à une authentique scène de notre époque selon des principes de montage réussi.
Isabelle Bournat
Une maison en Normandie
Auteur et metteur en scène : Joël Dragutin
Assistante à la mise en scène : Diane Calma
Scénographie, lumière et vidéo : Nicolas Simonin
Avec Marc Henri Boisse, Olivier Collinet, Xavier-Valéry Gauthier, Pauline Huruguen, Gaël Kamilindi, Marie Kauffmann, Stéphanie Lanier, Lionel Pascal et Marc Plas
Du 16 octobre au 17 novembre à 21h
Le dimanche à 16h
Réservations par téléphone : 01.30.38.11.99
Théâtre 95
Allée du Théâtre
95021 Cergy-Pontoise
Rer A, descendre à Cergy-Préfecture
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