Le Trouvère à Bastille : Verdi magnifié par une distribution en or massif
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Le Trouvère De Verdi Mise en scène de Alex Ollé Avec Ludovic Tézier, Anna Jusqu’au 15 mars 2016 Tarifs : de 5 à 210 euros Réservation en ligne ou par tél. au Durée : 2h55 avec entracte Opéra Bastille |
Jusqu’au 15 mars 2016
Pour monter Le Trouvère, l’un des opéras qui fit le triomphe de Verdi, le chef Arturo Toscanini répondait : « Donnez-moi les quatre plus belles voix du monde ». Anna Netrebko, Ekaterina Semenchuk, Marcelo Alvarez et Ludovic Tézier sont ces voix d’or qui rendent cette production tout juste exceptionnelle pour tous les amoureux d’opéra. Ne cherchez pas de cohérence actuelle à cette histoire romantique de cape et d’épée où s’affrontent dans le plus pur « bel canto » un Comte, De Luna, amoureux de la dame d’honneur de la princesse d’Aragon et un Trouvère, Manrico, chanteur ambulant au talent charismatique qui a su séduire, embraser le coeur de la belle Léonora. En réalité, Manrico se révèle être le chef de la rébellion qui sévit dans la ville et serait aussi le fils de la gitane Azucena, hantée par la mort horrible de sa mère brulée vive pour avoir jeté un sort sur le petit frère du Comte De Luna. S’ensuit une rivalité d’une intensité dramatique sanglante entre le Comte et son rival tandis que la jeune femme, passionnée et fataliste, ira noyer sa tristesse au couvent.
En 1853, le public italien accueilla l’oeuvre avec enthousiasme en proclamant que « Verdi était le plus grand compositeur vivant. » Car si le livret enchaîne des actions compliquées qui mêlent passions amoureuses et revanches politiques, la musique est tout simplement sublime avec une variété d’airs d’une expressivité éblouissante, modulant tonalités et tempi, exigeant des interprètes virtuoses. Anna Netrebko est royale dans le rôle de Léonora, et dès le début de la représentation imprime son timbre unique, vibrant et chaud, puissant, ensorcelant, capable de patience amoureuse dans les lentes progressions dramatiques et de virtuosité dans les aigûs qu’elle maîtrise comme une reine. Aucun artifice ne vient brouiller la ligne mélodique parfaite de son chant qui s’impose naturellement, avec des nuances infinies, dans l’immense salle de l’Opéra Bastille qui l’a applaudie à tout rompre. Il faut dire que le rôle de Léonora est devenue sa spécialité, de Salzbourg à New York. Le trouvère de Marcelo Alvarez ne démérite pas devant sa belle, y allant pleinement d’un allant brillant et extraverti, franchement fraternel et amoureux. Face à lui, Ludovic Tézier, noble Comte perclus dans son orgueil, atteint des sommets dans l’art lyrique tant sa noble réserve laisse exploser une furieuse jalouse et maladie : le baryton témoigne d’une pleine vigueur vocale qui laisse entendre un éventail musical impressionnant. Autre pointure vocale féminine, Ekaterina Semenchuk en vieille gitane échevelée, dont la voix puissante, aux graves telluriques, aux abîmes profonds, s’avère totalement bouleversante. Sensibilité, tragique, puissance et intelligence vocale qui valurent, comme ses trois camarades, de chaleureux applaudissements pendant la première. Des blocs de terre surgis d’une scénographie aux teintes sépias pour figurer une atmosphère de tranchées durant la Guerre 14-18, des lumières ténébreuses aux contrastes jaunes sont le décor d’une mise en scène qu’Alex Ollé, de la Fura dels Baus, a voulu efficace. Tombes militaires et fort sont ainsi symbolisés par une géométrie abstraite, comme pour casser le naturalisme mélo d’une improbable histoire et redonner aux chanteurs la chaleur de leurs personnages. Soit. On retiendra en revanche la belle direction d’orchestre de Daniele Callegari, haute en couleur et respectueuse, ainsi que les merveilleux choeurs dirigés par José Luis Basso qui font des prodiges. Viva l’opéra ! Hélène Kuttner [ Crédit Photos: © Charles Duprat-Opéra National de Paris] |
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