Modi, la vie tragique du peintre Modigliani au Théâtre de l’Atelier
La pièce retrace la fin tragique de la vie du peintre Modigliani. D’origine italienne et venu très jeune à Paris, il y mourut prématurément. Alcoolique, pauvre et malade, il est ici interprété par Stéphane Guillon.
L’humoriste aux coups de gueule sans concession se glisse dans la peau du peintre qui n’a alors même pas 35 ans. Bien que d’une impressionnante carrure physique qui a concouru à son prestige, il est néanmoins affaibli, le visage creusé et vieilli, la tuberculose le rongeant depuis des années. Il séduit et a de nombreux amis, artistes et poètes, mais son unique sujet artistique est la femme. Il peint inlassablement les figures et les corps féminins, les étirant selon un style qui fit sa renommée et l’a placé de nos jours au sommet du marché de l’art.
L’essentiel de la pièce se déroule dans son atelier, tandis qu’il a déménagé de Montmartre à Montparnasse. Il vit avec Jeanne Hébuterne, qui sera sa dernière compagne et qui est enceinte de leur deuxième enfant. Après s’être consacré à la sculpture, Amadeo Modigliani a définitivement opté pour la peinture, mais ses œuvres aux nus scandaleux ne permettent pas au couple de vivre confortablement. La mère de Jeanne s’inquiète pour sa fille et, interprétée ici par Geneviève Casile, elle fait souffler sur le plateau une formidable hargne mêlée de sollicitude, une énergie à la fois agressive et bien intentionnée, drôle quelquefois, qui happe le spectateur.
Cette mère préoccupée incarne la voix de la raison et du matérialisme ; en face, Jeanne, malgré les difficultés réelles, ne doute pas un instant des dons de son amant et de la reconnaissance qui l’attend. Elle est délicatement interprétée par Sarah Biasani, dont le jeu est empreint d’une grande douceur qui enveloppe joliment le plateau et la salle. Entre ces deux femmes, sa belle-mère et sa compagne, Modi, qui se sait gravement malade, ne cesse de railler, fulminer, désespérer, ironiser et hélas sombrer, sans pour autant cesser de peindre ses splendides portraits. Il s’en prend même à son marchand qui pourtant se démène pour convaincre les acheteurs de la grandeur de cette peinture et lui offre de se reposer avec Jeanne dans le sud de la France.
Écrite par Laurent Saksik, la pièce Modi se penche sur le dernier amour du peintre maudit sans l’enjoliver. On touche la misère qui se juxtapose aux éclats de la création, on sourit aussi grâce à l’humour qui souvent sauve la situation. La pièce ne cherche pas à malaxer toutes les couleurs et leur complexité, mais, tracée simplement au crayon, elle est une évocation bien dirigée. Le public comprendra sans nul doute les affres des créateurs soumis malgré eux à la bohême, et pour ceux qui ne connaissaient pas son œuvre, le désir d’admirer les célèbres tableaux aux formes allongées en sera renforcé.
Émilie Darlier-Bournat
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