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Don Pasquale bluffé par le sex-appeal de Nadine Sierra

Hélène Kuttner 12 juin 2018
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©Vincent Pontet

Dans un espace qui ressemble à un terrain de jeu, le metteur en scène Damiano Michieletto monte le dernier opéra-bouffe de Donizetti avec la superbe Nadine Sierra dans le rôle de la fausse fiancée. Un divertissement pétillant mené à un tempo d’enfer sous la baguette experte d’Evelino Pido et incarné par des chanteurs qui savent tout autant jouer la comédie, si cruelle qu’elle soit.

Une bombe en plein coeur

©Vincent Pontet

La bombe en question, c’est la jeune soprano américaine Nadine Sierra que commencent à s’arracher tous les producteurs d’opéra et qui incarne dans ce spectacle enlevé Norina, fiancée d’Ernesto, mais que le docteur Malatesta, sorte de Figaro respectable, parvient à faire passer pour sa soeur bigote. Dotée d’un corps de rêve et d’une voix fantastique, volubile, qui plonge dans les aigus fruités de quoi tenir dix bonnes minutes en trilles acrobatiques, la belle s’amuse avec une bonne dose d’humour et de facétie à se déguiser en bonne soeur sortie du couvent puis en vamp assoiffée de sexe, puisque le stratagème est de berner un vieillard et d’en soutirer la fortune.

La belle et le barbon

©Vincent Pontet

Damiano Michieletto, qui avait signé la mise en scène du très réussi Barbier de Séville à l’Opéra de Paris, propose de se jouer du vieux Don Pasquale, fort bien incarné par Michele Pertusi, en poussant le bouchon de la farce de manière très cruelle. Point de tendresse ni de compassion pour l’avare barbon qui souhaite prendre femme à soixante ans passés et se teint les cheveux ! Il n’est pas sain de se marier tard et Gaetano Donizetti, qui à composé aussi le livret, lui donne en paroles et en musique de quoi nourrir la satire. En robe de chambre poussiéreuse et charentaises démodées, Pasquale compte ses sous et rudoie son neveu, un gamin à la casquette à l’envers et en baskets branchées qui lui tague en rouge sa vieille Fiat. Quelle belle prestation nous offre la basse italienne Michele Pertusi dans ce rôle ingrat, voix chaude, projection parfaite et diction d’airain, qui devient la risée de tous !

Des jeunes gens très en verve

©Vincent Pontet

Laurence Brownlee campe un Ernesto vibrionnant, avec une belle voix mélodieuse qui manque encore de puissance, mais qui ne demande qu’à s’affirmer. Dans le rôle de Malatesta, le docteur Folamour, le jeune baryton Florian Sempey est étonnant de virtuosité et de précision, la technique « donizetienne » exigeant une dextérité de métronome, notamment dans les duos qui ne pardonnent rien. Drôle et inventif, il prouve qu’il peut être aussi à l’aise dans le répertoire italien que dans le français. Il faut dire que la scénographie ouverte Paolo Fantin, qui a dessiné une charpente de toit en suspension sur un plateau à jouer, sans parois de réverbération, n’est pas pour faciliter les choses. Cette exhibition constante de l’intimité, qui passe aussi par la vidéo incrustée permettant à Norina de prendre des poses de mannequin international, participe d’un show permanent facilité par le plateau tournant. Reste qu’Evelino Pido dirige cet opéra injustement négligé depuis 1843 de manière parfaite, extrayant la gaieté mousseuse et délicate de cette musique aux tempi surprenants et aux lignes mélodiques inventives. Un vrai bonheur.

Hélène Kuttner 

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