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Dans la luge d’Arthur Schopenhauer à La Scala

© Pascal Victor

Ils sont quatre comédiens. Quatre personnages qui abordent tant bien que mal la question de la vieillesse en dissertant à tour de rôle. Tout le talent de Yasmina Reza glisse sur les duretés du temps avec la saveur croustillante des mots.

Le quatuor est interprété par Jérôme Deschamps, André Marcon, Christèle Tual et Yasmina Reza elle-même. Dans un dispositif tri-frontal, ils se succèdent sur le plateau occupé par deux fauteuils et un guéridon, tandis qu’un épais rideau de verdure scintillante occupe le fond de scène. Sans jamais dialoguer, ni même que leurs regards se rencontrent, les protagonistes énoncent leurs réflexions amères et comiques en longues partitions de soliloques. L’épouse, le mari, la psychanalyste et l’ami qui rend visite à celui qui est en maison de retraite, tous se confrontent au vieillissement avec l’humour parfois féroce qui cache poliment le désespoir qui vient avec l’âge. De truculentes considérations permettent ainsi de parler longuement du concept de la robe de chambre, de commenter avec une raillerie désopilante le mariage industriel de Renault et Nissan, de fulminer avec une fantaisie irrésistible contre une femme qui encombre le trottoir avec ses larges sacs qu’elle peine à porter ou de moquer celui qui couvre le corps de son épouse qu’il vient d’étrangler avec un bout de rideau.

© Pascal Victor

La plume de Yasmina Reza a cette acidité reconnaissable qui slalome joliment entre les cruautés de l’existence et le charme dont il est néanmoins conseillé de la parer. Sans concessions aux réalités incontournables, l’auteur parvient à manier tout autant les références à Spinoza, Althusser ou Deleuze que les anecdotes terre-à-terre qui parsèment le quotidien. Entre philosophie et légèreté sarcastique, elle dégage au final une jolie plongée qui nous divertit en dépit des ravages du temps et la tendresse remonte doucement à la surface de l’exercice fort brillant. La composition du texte initialement littéraire et sans visée théâtrale demande un rythme scénique en compensation. Le choix du minimalisme offre un plateau gris et un peu triste, sans conduire les acteurs vers la pétulance qui a fait en partie le succès d’une pièce telle que Art. Les variations sont subtiles, la causticité reste feutrée, la précision se fait sans angles et le spectacle prend son temps, les quatre tonalités des personnages se répondent discrètement avec un sens finement musical, sans cris mais bien accordés.

Emilie Darlier-Bournat

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