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Obvious : “Travailler avec l’intelligence artificielle dans l’art est un terrain de jeu à l’inspiration infinie”

© Obvious

Il est question d’articuler création et histoire humaine. Hugo Caselles-Dupré, membre du collectif Obvious, nous explique le rôle que pourrait avoir l’intelligence artificielle dans l’univers de la création en réalisant des œuvres inédites.

Hugo, pourrais-tu présenter l’équipe ainsi que votre parcours ?

L’équipe est composée de trois amis d’enfance. Après avoir chacun suivi un parcours différent, notamment en économie, entreprenariat et en intelligence artificielle, nous avons décidé de poursuivre notre fascination pour la technologie et plus particulièrement pour l’intelligence artificielle en nous lançant dans un projet artistique.

Quel était votre objectif en créant Obvious ?

L’envie de se lancer dans ce projet nous a frappé au moment où nous avons découvert l’existence des GANs – Generative Adversarial Networks – algorithmes capables de générer des visuels entièrement nouveaux en analysant un très grand nombre d’exemples. Cet algorithme nous a fasciné, et nous avons alors pensé que ces technologies mériteraient d’être connues de tous. Notre but était donc de rendre accessible la compréhension de ces technologies ainsi que leur utilisation.

Pourquoi avoir choisi l’art comme champ d’intervention en rapport avec l’intelligence artificielle ? 

L’art est selon nous le meilleur moyen de s’adresser universellement à la population planétaire. Il n’est pas limité par le langage, et chacun a un rapport personnel et intime à cet univers. Il s’agissait, selon nous, du meilleur moyen pour faire passer notre message et notre vision. De plus, l’art est un terrain d’expérimentation particulièrement intéressant lorsque l’on travaille avec de l’intelligence artificielle, un terrain de jeu à l’inspiration infinie et qui n’est régi par aucune règle. L’idée d’allier science et art nous semble particulièrement intéressante car cela représente le plus grand challenge créatif pour une machine.

Comment vous différenciez-vous par rapport à d’autres créations d’art numérique ?

Nous avons tout de suite décidé d’avoir une approche différente de celle de la plupart des artistes qui travaillent avec de la technologie pour la création d’art. Nous voulions créer des œuvres qui résonnent dans l’imaginaire collectif comme des œuvres classiques, pour que le spectateur puisse se rattacher à quelque chose de connu, et dispose de ce fait d’un point de comparaison. C’était selon nous la meilleure manière de montrer l’état de la recherche en IA et des découvertes qui avaient été faites.

Peux-tu nous décrire le processus de création d’une œuvre ?

La création d’une œuvre commence par le choix d’un sujet, qui doit avant tout correspondre au message que nous souhaitons faire passer. Nous nous renseignons ensuite sur ce sujet en cherchant à rencontrer les différents experts, et en effectuant des recherches par nous-même. Nous récoltons ensuite des données visuelles, via l’établissement de partenariats avec des institutions, ou en récupérant des images libres de droit lorsque le sujet nous le permet. Après avoir trié ces données, nous codons l’algorithme ou utilisons des versions open-source de ceux-ci pour qu’il ait le comportement souhaité vis-à-vis de ces données. Ce processus fait souvent l’objet d’essais et d’erreurs, entre lesquels nous effectuons des modifications sur le code et sur la base de données. Une fois arrivés à un résultat satisfaisant, nous sélectionnons les visuels qui servent au mieux notre démarche et notre message. Nous nous penchons ensuite sur la production matérielle des œuvres en essayant de correspondre au mieux aux codes du mouvement artistique que nous traitons.

Comment est venue l’idée de votre première collection des 11 portraits de la famille Belamy ?

Nous avons pensé à ce que nous souhaitions transmettre : des algorithmes capables de faire preuve d’inventivité ont été découverts. Nous avons sélectionné l’art comme le meilleur moyen de l’exprimer. Nous avons donc pensé à la forme d’art la plus universelle, et la plus évidente pour nous. Probablement biaisés par le fait d’avoir grandi en France et en Europe, nous nous sommes naturellement orientés vers des portraits classiques.

© Obvious, Le Cardinal de Belamy

Combien de portraits ou données fallait-il montrer pour arriver au portrait d’Edmond de Belamy ?

Nous avons utilisé 15 000 portraits, qui s’étalent du 14ème au 20ème siècle.

Les débats sont vifs sur la conception d’une œuvre d’art calculée par un algorithme. Comment réagissez-vous aux critiques ?

Nous sommes très reconnaissants d’avoir des critiques, car elles signifient que nous avons réussi à lancer le débat que nous souhaitions partager. Nous y répondons majoritairement en détruisant les préjugés quant au fonctionnement de l’intelligence artificielle, pour amener les critiques à considérer l’IA comme un outil artistique de plus, certes fascinant par sa capacité intrinsèque de créer, mais aussi comme un outil qui ne dispose pas encore d’intention ou de conscience de soi.

Depuis la vente spectaculaire chez Christie’s quelle a été la suite de vos projets ?

Nous avons sorti une nouvelle série de 22 œuvres japonaises, en entraînant une nouvelle génération des GANs sur un très grand nombre d’estampes japonaises, représentant des portraits ou des paysages. Nous avons également participé à un grand nombre d’événements pour présenter notre démarche, et nous avons travaillé avec des marques telles que Nike, HBO, Serviceplan, et nous sommes approchés par des institutions telles que le musée du Quai Branly, Semitour qui gère le patrimoine des grottes de Lascaux, ou encore les Musées de Paris dans le cadre de projet de réinterprétation de leurs collections respectives, et la création de nouvelles pièces réalisées par l’IA.  Enfin, nous avons présenté nos œuvres dans diverses expositions dans des musées prestigieux notamment au Québec  au Musée de la civilisation, aux États-Unis en Floride au Art Fort Lauderdale, en Chine au National Museum à Beijing, en Russie au Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg, et en Arabie Saoudite au King Fahd Cultural Centre à Riyad.

©Obvious, Bulma of the High Red Pines

Quels sont vos projets futurs ?

Nous travaillons en ce moment sur notre prochaine collection qui s’intitule Facets of AGI, et qui sera composée de 22 masques africains créés à l’aide des GANs. Cette série parle de l’Intelligence Artificielle Généralisée, et des pistes de recherches pour l’atteindre, en faisant le parallèle avec une société secrète fictive qui vénère l’intelligence au travers de différents masques rituels. Nous travaillons également à la réalisation d’une paire de Nike dont les couleurs ont été déterminées par un algorithme, via le projet Nike By You Workshop. Nous travaillons également sur différents projets à long terme impliquant de la 3D, la création d’une nouvelle Marianne en utilisant l’intelligence artificielle, ou encore de permettre à une intelligence artificielle de rêver.

Suivez le travail du collectif Obvisous sur leur site.

Propos recueillis par Eleftheria Kasoura

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