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Francois Dombret : “On porte un masque sans en avoir un”

Maria Krasik 10 juin 2020
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ⒸMaria Krasik

Francis Dombret, comédien et metteur en scène partage son expérience théâtrale avec nous.

Pourquoi avez-vous choisi le métier de comédien ?

J’ai commencé le théâtre un peu par défi, par rapport à la timidité, à l’image qu’on a de soi, on voudrait en avoir une qui ne nous représente pas, je pense que c’est ça la difficulté et c’est ça qui m’a attiré dans le théâtre. On est dans cette recherche de l’image : est-ce que je corresponds à mon image ? Et plus on vieillit, plus on se dit qu’on correspond de moins en moins à l’image qu’on se fait de soi même.

J’ai pris la voie artistique qui me permettait de m’exprimer, de me dépasser, de refuser le monde dans lequel je vivais, et d’essayer par la scène de changer les choses et de voir que c’est très compliqué de changer les choses. J’ai eu la chance de rencontrer une troupe de théâtre professionnelle avec laquelle j’ai pu travailler. Je ne voyais que ça, j’avais quitté mes études, il y avait une chose qui me plaisait, et c’était le théâtre.

Qu’est-ce que pour vous le théâtre ?

C’est une discipline encadrée. On a des gens qui regarde, on a un plateau vide et une possibilité d’exprimer son imaginaire mais on doit aussi respecter des codes, ou en trouver d’autres, c’est ça qui m’a fasciné à l’époque. Il y a des règles, et il y a des remises en question. On pense faire des choses justes et puis c’est surtout une certaine tolérance qui se passe, on peut se permettre sur scène de modifier des choses, de se tromper et de rectifier ou au contraire de se dire, j’ai fait une erreur mais c’est peut être là où il fallait aller.  

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans l’art de la scène ?

Il y a ce côté éphémère dans l’art, et ce qui me plaisait dans le théâtre était ce côté éphémère, quelque chose qui est assez sadien, dans le sens où ça ne reste pas. Sade voulait que ses cendres soient dispersées, il ne voulait pas rester dans la postérité, il y a quelque chose comme ça que j’aime bien, moi. Maintenant il y a des vidéos, mais dans le spectacle en lui même, on ne pourra jamais retrouver ce qui c’est passé sur scène, c’est ce côté éphémère et unique qui me fascine.

Quelles pièces préférez-vous?

Je préfère jouer que de regarder des pièces, ces moments-là sont plus forts. Il y a évidemment des pièces de Pommerat qui restent importantes, à une époque j’ai connu les pièces de Peter Brooke, j’ai été fasciné par sa démarche artistique complète et ses spectacles. J’ai aussi lu ses livres et on reste marqué par ses moments de théâtre. Mon univers est entre Giorgio Strehler et Peter Brooke, très marqué des années 80. Ce que j’aime bien chez Brooke c’est le dépouillement et chez Streller c’est la montée contraire, le côté ronflant du théâtre.

ⒸMaria Krasik

Vous avez fait du jeu ainsi que de la mise en scène, qu’avez-vous préféré ?

Je me suis épanoui dans les deux. À l’heure actuelle, mettre en scène quelque chose est un grand plaisir. Je trouve qu’il y a une triangularité texte-metteur en scène- comédien, et ce produit donne quelque chose de supérieur à ce qui se passe dès le départ.

Mais ce que j’aime aussi dans le théâtre c’est pas me demander ce que je vais dire à la prochaine réplique, mais c’est de le vivre vraiment. J’ai jamais vécu aussi fortement les choses que sur scène. C’est assez épatant de se dire que je vis vraiment sur scène, je le partage avec les autres, je peux être moi même car il y a le regard des autres, on porte un masque sans en avoir un.

Quel a été le plus gros défi auquel vous avez dû faire face?

Le plus grand défi du comédien c’est le choix qu’on fait de toi. On va plutôt vers ce qu’on aime faire, mais le metteur en scène peut décider pour toi. On m’a proposé de jouer Polichinelle dans un spectacle “le rôle du passeur”,  j’étais donc le rôle principal, mais j’ai pas voulu le voir ce cadeau, c’était beaucoup sur mes épaules. J’avais cette illusion que la troupe est une communauté, mais en fait c’est une locomotive, il y a un nom et tout le monde vient pour le nom. Un metteur en scène ça ne fait pas que la mise en scène, il faut aussi diriger les gens, les emmener là où ils n’auraient pas pensé aller.

Je ne connaissais rien de Polichinelle, j’ai tout appris sur ce rôle, et il a fallu que je découvre ce qu’avait vu le metteur en scène, mon côté Polichinelle. C’est ça le vrai défi, de faire quelque chose dont je ne pensais pas être capable de faire.

Que pensez-vous de la violence qu’il y a au théâtre contemporain ?

Historiquement, le théâtre jésuite est d’une violence remarquable, pour ce qui est de la violence tout vient de là. Les romains étaient beaucoup plus violents que nous et je ne parle même pas des arènes.

Je pense que le théâtre évolue comme la société, il essaye de se défaire de quelque chose qui prend des proportions qu’on n’attendait pas. La violence a toujours été là, l’homme n’a pas changé, elle prend des formes différentes, elle évolue. Se servir de litres de sang au théâtre, ça fait son effet spectaculaire, on fait quelque chose de démesuré mais c’est absolument inutile. Au départ le théâtre c’était pour conjurer la violence inexplicable de l’homme.

Il n’y a pas pour moi une grande différence entre un délinquant et un artiste. Il faut vivre en marge de la société pour pouvoir s’exprimer. J’ai commencé à voir que ce n’est pas si simple de remettre en cause une société car qu’est-ce que tu vas mettre à la place ?

Propos recueillis par Maria Krasik

 

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