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L’écologie dans la musique : rencontre avec David Caroll, créateur du collectif Slowfest

Juliette Labati 24 juin 2025
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Le collectif Slowfest regroupe des artistes et des techniciens engagés dans l’expérimentation de pratiques plus écologiques et moins énergivores pour les musiques actuelles et le spectacle vivant. Concerts sans amplification ou sur sono solaire, tournées d’artistes à vélo, micro-festival en autonomie énergétique. Le collectif regroupe une cinquantaine de membres, artistes, techniciens du spectacle et des énergies renouvelables, amateurs de bon son et de “low-tech”.

Nous avons rencontré David Caroll, le créateur du collectif Slowfest, pour faire le point à l’occasion de ce 10e anniversaire marqué par la sortie d’une compilation proposant les artistes du label ainsi que par de nombreux événements tout au long de cette année.

Comment est né le collectif Slowfest ?

En 2015, au moment de la COP21, Live Nation voulait organiser un énorme concert place de la Concorde avec plein d’artistes venus en avion de partout dans le monde pour dire qu’il fallait se mobiliser pour sauver la planète, sur une scène gigantesque transportée par une armada de camions. Une énorme débauche de moyens et de CO² pour faire de la “sensibilisation”. Cela m’a inspiré à faire exactement le contraire : une mobilisation qui soit exemplaire dans ses actes, pas uniquement dans son discours. Avec quelques amis du label Milk Music et la collaboration des Vivres de l’Art, nous avons organisé un micro-festival sans électricité, sous une yourte sur le port de Bordeaux. Tous les artistes sont venus à vélo ou en transport en commun et se sont produits sans amplification, éclairés à la bougie. Live Nation a finalement renoncé à son projet absurde et Slowfest était né. Depuis, le collectif a grandi, nous sommes une vingtaine de membres très actifs, avec une asso qui organise une saison culturelle bas-carbone et produit des spectacles qui tournent en mobilité douce.

Comment votre démarche est-elle accueillie ?

Notre démarche est accueillie avec enthousiasme partout. À part Valeurs Actuelles et Le Figaro qui nous ont critiqué car nous sommes de vilain.e.s wokes qui menacent l’ordre carbo-patriarcal établi.

Sur une tournée, quels sont les postes sur lesquels on peut faire des économies d’énergie ?

Sur une tournée, comme dans toutes les activités humaines, les principaux postes d’émission de CO² sont le transport, l’énergie et la nourriture. Sur nos événements, nous nous déplaçons principalement en mobilité douce (vélo, train), nous sommes autonomes en électricité grâce à notre parc de remorques solaires vélo-tractées et les repas des équipes sont tous végétariens. Grâce à cette approche simple et accessible, nous réduisons les émissions de CO² de nos événements de 50% par rapport à une production qui se déplacerait en camion, se brancherait sur le secteur et proposerait des repas carnés. Ça tombe bien, 50% c’est l’objectif de réduction des émissions que nous devons atteindre pour respecter les accords de Paris !

Peut-on imaginer dans un futur proche un “grand festival” qui soit écologiquement viable ?

La question de l’échelle est déterminante. Ce qui pèse le plus dans l’impact environnemental d’un festival, c’est le transport des publics. Il suffit que 1% du public prenne l’avion pour venir et le bilan carbone de l’événement sera plombé. Plus on programme de grosses têtes d’affiche internationales, plus le public vient de loin. Donc d’un point de vue strictement écologique, il vaut mieux multiplier les petits événements locaux que les gros événements internationaux. Il ne s’agit pas pour autant de se renfermer culturellement. Publics et artistes ont besoin d’échanger, de rencontrer des ailleurs. De plus en plus de festivals, lieux et collectivités développent des résidences, des projets de territoire, qui donnent la possibilité aux artistes de s’immerger plus longtemps. Ce type d’approche permet de mieux amortir l’impact environnemental de la venue d’un artiste que la programmation de dates isolées. La coopération entre diffuseurs est également une piste qui se développe, via des initiatives comme Cooprog ou “Sur la route”, un projet de cartographie open source des itinéraires de tournée en mobilité douce, porté par Slowfest et le réseau Armodo.

Quel est le point commun entre les artistes présents sur la compilation des 10 ans ?

Iels ont tous.tes participé à des événements organisés par Slowfest. La plupart sont des projets portés par des membres du collectif. Certain.e.s n’en font pas partie mais sont engagé.e.s dans des démarche d’écoconception.

Peux-tu nous parler des instruments de musique faits à base de récupération ?

En Europe, la lutherie sauvage a été conceptualisée dans les années 80 par Max Vandervorst. Je l’ai découvert avec les ateliers de la Lutherie Urbaine à Bagnolet, où intervenait notamment l’excellent Nicolas Bras.

Mais les maîtres absolus de cet art sont les congolais. Toute une scène a émergé depuis Kinshasa avec Staff Benda Bilili, Fulu Miziki, Konono N°1 et Kokoko ! Le mouvement est également étendu aux arts plastiques et à la mode. L’Afrique de l’ouest a été très sévèrement polluée par les activités extractivistes coloniales et post-coloniales. L’Europe continue d’exporter massivement ses déchets vers le continent africain. De cette situation désastreuse, les artisan.e.s, ingénieur.e.s, inventeur.euse.s et artistes africain.e.s ont développé un génie sans égal pour la low tech. Aujourd’hui toutes les communautés low-tech du monde regardent vers l’Afrique et s’inspirent. N’en déplaise à Elon Musk, Jeff Bezos et consorts, l’avenir de l’humanité, c’est le génie low-tech africain, pas la conquête spatiale par des ultra-riches transhumain.e.s.

Que penses-tu de Shakaponk qui arrête les tournées pour être en phase avec leur engagement écologique ?

Je soutiens toutes les initiatives qui visent à préserver et régénérer l’environnement, dans le respect des droits humains. La décroissance est inévitable. Elle peut être un chemin joyeux si nous le décidons.

Quels sont les événements prévus cette année ?

Il y en a moult ! Paradoxalement, alors que nous prônons la décroissance, les activités de notre collectif sont en plein développement. Après avoir participé aux carnavals de Bègles et Bordeaux en début d’année, nous avons fêté nos 10 ans au printemps avec la sortie de la compilation Slowfest Sounds #2 et la création de notre label. Au mois de mai, nous avons participé à Traverses, un nouveau festival autour de la Garonne. Slowfest Orchestra, l’orchestre résident du collectif, est parti en tournée en train et vélo en région parisienne. Du 5 au 7 juin, c’était à la célèbre Fête de la Morue à Bègles, un festival dont nous assurons la co-direction artistique et sur lequel nous programmons des spectacles éco-engagés. Tout l’été nous allons programmer des spectacles aux quatre coins de la Gironde, notamment via le dispositif des Scènes d’Eté en Gironde.

Du 27 août au 7 septembre aura lieu la 2e édition de notre cyclo-festival “Les Furtives”, qui se déroulera en itinérance entre Marmande et Bordeaux. Toutes les équipes artistiques, techniques, bénévoles et publics pédalent ensemble. Ça va être une grande aventure ! Et enfin le 31 octobre nous organiserons à Bordeaux un Bal Vaudou à l’occasion de la fête des morts, en collaboration avec l’ensemble Afro-Cubain Irawo et le collectif Rick Huntertainment. Bref, on ne va pas s’ennuyer côté événements !! Côté label, nous avons sorti le 1er juin un EP de Welcome Wendy et à paraître en octobre, un album de Moïra Conrath.

Quels sont vos objectifs dans les 5 ans à venir ?

Abattre le capitalisme à coups de pédales !

Veux-tu ajouter quelque chose ?

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Propos recueillis par Juliette Labati

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