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Filer la mémoire : deux femmes, deux récits entremêlés à la Sainte Anne Gallery

Anaïs Pedro 15 juillet 2025
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Valentine Prissette, "Rosalie's handkerchiefs" © Nicholas Opfermann

La Sainte Anne Gallery réunit deux générations de femmes pour l’exposition “Threads”, dans le IIᵉ arrondissement de Paris. Les artistes Béatrice Kohler Starakis et Valentine Prisette forment un Duo Show tendre, à la frontière de l’intime.

Vue d’exposition Threads © Nicholas Opfermann

Un dialogue intergénérationnel

Béatrice Kohler Starakis, née à Athènes en 1938, et Valentine Prissette, née à Libourne en 1998, entretiennent toutes deux un rapport intime au textile et créent des œuvres empreintes de mélancolie. Les deux artistes produisent des objets fragiles, modelés par les aspérités du temps. Valentine collecte et réutilise des objets porteurs d’un vécu, tandis que Béatrice fabrique des sculptures de papier qui semblent avoir été transformées par l’érosion du temps.Valentine est encore en pleine construction de sa pratique, tandis que Béatrice présente le travail d’une vie. Deux regards et deux temporalités différentes sont réunies au sein d’un même espace.

La simplicité du geste

Béatrice se définit comme une artisane, et non comme une peintre : elle fait jouer la peinture elle-même et la laisse s’exprimer. Ce qui en émerge ressemble à un rêve à interpréter, livré au regard du spectateur. Rebutée par la grande peinture occidentale, elle est, en revanche, subjuguée par la peinture japonaise sur papier, dont la fragilité et la dignité tranquille la touchent profondément. Ces œuvres douces n’oppressent pas le regard ; au contraire, elles apaisent l’âme et résonnent dans nos petits mondes intérieurs. Ainsi, elles instaurent un rapport sensible et direct, entre l’œuvre et celui qui la contemple.

Valentine intervient sur les draps et les objets qu’elle récupère, sans toutefois les dénaturer. En effet, la jeune femme est sensible à la mémoire des objets et dialogue avec les matériaux bruts. l’artiste reproduit en cire le cou d’un cygne, ancienne tête de lit, qu’elle assemble avec les restes des rambardes de sa cage d’escalier. Par ailleurs, elle poursuit également les traces d’usure et les trous présents sur les draps dont elle hérite, les considérant comme autant de témoignages du temps qui passe. Ainsi, on se trouve touché par les histoires morcelées de ses objets, qui, finalement, nous laissent plus de questions que de réponses.

Tisser des histoires

Chacune des œuvres des artistes nous enveloppent de leur tendresse. Valentine crée de petites installations, Crown Thief, Pour Beaks, qui deviennent des petites prières. Le spectateur est invité à s’y recueillir, comme face à des fragments de mémoire.

L’artiste plasticienne  compose ses petits théâtres semblables à de petites cabanes à oiseaux à partir de fils de cuivre sertis de perles, fragments de couronnes mortuaires.

Elle fait jaillir le vivant de la mort en donnant une seconde vie à ces artefacts. En effet, la couronne mortuaire, bouquet de fleurs éternelles, repose sur les tombes où les oiseaux viennent parfois faire leur nid. Ainsi, Valentine tisse et reconstitue de petites histoires qui nous immergent dans une douce nostalgie.

Valentine Prissette, “Crown thief, pour beaks” © Nicholas Opfermann

Béatrice compose des petits paysages intimes qui saisissent par leur sincérité. Ses œuvres évoquent des fleurs fanées, dont chaque pliage et chaque ligne peuvent se lire comme une trace : le sillage d’une larme, une cicatrice, le creux d’une ride, une fissure…autant de signes du temps qui glisse sur la peau.

Ainsi, le travail de l’artiste est un journal intime sans mots, dont la délicatesse bouleverse. En assumant pleinement cette fragilité, elle affirme un art vivant et non immuable : le papier s’effrite doucement, comme les souvenirs qui s’étiolent.

La justesse et la pureté de ses sculptures de papier rappellent que la vie est éphémère, et que même la mémoire est vouée à s’altérer.

Béatrice Kohler Starakis, “Sans titre 6” (1980)  © Nicholas Opfermann

Un héritage de femme à femme

Valentine a d’abord hérité des draps de sa grand-mère, puis de ceux de Micheline, une femme rencontrée dans une brocante. Depuis, elle poursuit cette démarche : elle récupère les draps d’autres personnes et noue, à travers eux, de nouveaux liens. Valentine puise dans le quotidien domestique, ce qui confère à son art une intimité absolue. Des femmes lui lèguent les draps dans lesquels elles ont dormi. Ainsi, le tissu conserve la mémoire du corps et devient, à son tour, un corps vivant. L’oeuvre de Valentine est un art de la transmission.

Laissez-vous envelopper par l’atmosphère feutrée de la Sainte Anne Gallery et vivez une expérience au cœur des œuvres.

Valentine Prissette, “Joe’s grandmother’s nap” © Nicholas Opfermann

Anaïs Pedro

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