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“Art” au Théâtre Montparnasse : une recréation totalement réussie

Hélène Kuttner 14 septembre 2025
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©Manuelle_Toussaint

François Morel embarque ses deux vieux camarades, Olivier Broche et Olivier Saladin, dans la pièce mythique de Yasmina Reza créée il y a trente ans. Dans cette dispute entre trois égos masculins autour d’un tableau blanc très cher, c’est surtout la force de l’amitié qui en ressort, blessée mais victorieuse, donnant à cette formidable pièce une vitalité toujours actuelle. Une totale réussite.

Le retour des Deschiens

On les retrouve quelques décades après, la joyeuse équipe des Deschiens, avec quelques rides et cheveux gris, mais le talent et la vitalité intactes ! François Morel a eu l’excellente idée de réunir son ancienne équipe, ce trio de choc resté amis dans le vie comme sur la scène, pour recréer la pièce culte, traduite dans le monde entier, de Yasmina Reza. L’histoire toute simple de Serge, Olivier Broche, dermatologue de profession et amateur d’art contemporain, qui vient d’acheter pour 40.000 euros une grande toile toute blanche, où courent de fins lisérés blancs, que l’on peut apercevoir en clignant les yeux. Tout content de lui, ce dernier s’empresse de révéler avec fierté sa dernière acquisition à son ami Marc, campé par François Morel. Mais contrairement à Serge, Marc lui oppose une incrédulité teintée de surprise : comment son ami de trente ans, avec lequel il a partagé tant de moments complices, a t-il pu se faire berner au point de mettre une telle somme d’argent dans ce qui pour lui ne relève pas de l’art ?

Un trio épatant

©Manuelle_Toussaint

De fait, Marc est aussi péremptoire, négatif, tranchant que Serge est conciliant et heureux de vivre. Reste à convaincre le troisième larron de la bande, Yvan, joué par Olivier Saladin, qui ne semble pas vraiment avoir d’avis sur la question. Plus en retrait, moins tranché et moins assuré que ses deux camarades, Yvan se préoccupe davantage de son futur mariage et de la gestion de sa papeterie que de la toile blanche et hors de prix de Serge. Et voilà que ces trois personnages, si différents et si complices de tous les coups, en viennent à se disputer, à s’étriper pour l’achat d’un tableau ! A sa création, la pièce avait été fraichement accueillie dans le milieu des marchands et des critiques d’art, bien que son propos dépasse largement cette querelle au sujet du prix de l’art contemporain. Et c’est bien d’amitié, du lien qui unit les êtres et qui passe par la proximité des passions, proche de l’amour, dont parle cette pièce ici magnifiquement interprétée par les trois comédiens. 

Je t’aime moi non plus

©Manuelle_Toussaint

Dans l’élégant décor moderne d’Edouard Laug, chacun d’eux déploie un talent lumineux pour nous faire saisir avec émotion les non-dits, les liens, les attaches sentimentales qui se dissimulent derrière le fait d’aimer ou ne pas aimer un tableau. François Morel, Olivier Broche, Olivier Saladin y vont à fond dans la bonne foi de leur mauvaise foi, entre mensonges et vérité, se cognant au sens propre et au sens figuré à tout ce qui bouscule une amitié de longue date. Est-ce qu’un vrai ami se doit d’aimer tout ce qu’aiment ses amis ? Faut-il aimer pour exister ? Ou du moins tolérer la différence d’appréciation ? La réponse est dans ce beau spectacle qui célèbre l’art de l’amitié autant que celui du jeu théâtral, l’humour autant que la sincérité.

Helène Kuttner 

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