0 Shares 3715 Views

Takeshi Kitano – Fondation Cartier

29 mars 2010
3715 Vues
kitano_-_fondation_cartier

kitano_-_fondation_cartier::

 

Cinéaste iconoclaste, mais aussi artiste plasticien, peintre, poète, Takeshi Kitano sonde le terrain de l’image dans l’horizon de sa profonde équivocité sans hésiter à en briser la figure sacrée. Signée « Beat Takeshi », l’exposition de la Fondation Cartier sacrifie le célèbre Kitano, plus connu en Occident pour être le sombre réalisateur de Sonatine, Hana-bi, ou Dolls, en faisant pour la première fois toute la lumière sur le travail d’un artiste déjanté dont l’œuvre éclatée n’est que le reflet d’une identité atomisée.


Paradigme explicite du motif affiché de l’exposition, la statue de cire de Beat Takeshi Kitano dressée au cœur du dispositif, exhibant à crâne ouvert sa masse cérébrale sans que l’on sache lequel des deux – de la tête ou du cerveau, du dedans ou du dehors – adresse la parole à l’autre : « Qui es-tu toi qui me regardes ? ». Dédoublement de la pellicule psychique ; Kitano pratique à vif une incision à double tranchant dont l’opération vise à vide l’injonction delphique « Connais-toi toi-même ». Non loin de là, émane d’un théâtre traditionnel Ô-Edo, la musique folklorique du Kabuki, derrière les masques des marionnettes se cachent plusieurs Takeshi.


En un dialogue ininterrompu entre vérité scientifique et esthétique, logos savant et artistique, Kitano désarticule le corpus du sens commun en l’exposant aux limites de sa raison logique : l’installation « Probabilité du hasard », séparée en deux hémisphères agitant sous cloche les pièces d’une horloge démontée, métaphorise, au-dessus d’un chronomètre affichant l’âge de Kitano en temps réel, l’improbable création de l’univers. Au rez-de-chaussée, « Monsieur Pollock », une sphère mobile crachant de la peinture, reproduit par le truchement de ses déplacements mécaniques et aléatoires des toiles évoquant le travail du célèbre peintre américain, Jackson Pollock. Provocation sibylline de l’œuvre d’art par l’œuvre du hasard.


Mise en scène plus satirique que sadique de la peine capitale – pratiquée encore aujourd’hui au Japon , l’exécution ratée d’un criminel condamné à mourir par pendaison, dévisage avec une ironie grinçante la violence d’un régime dont le pouvoir de mort est lui-même à l’agonie. Au sous-sol, à l’instar du laboratoire d’un savant fou, une chambre noire cernée de rideaux rouges diffuse en boucle les expériences loufoques réalisées par Beat Takeshi pour la télévision japonaise. De l’autre côté, taillé aux dimensions d’une baraque foraine des années 50, un cabinet de curiosités abrite de singulières chimères comme autant de crases fantasmées par l’artiste-créateur, n’ayant en commun que leur hybridité, toutes esquisses d’une genèse aux contours redessinés, tel l’éléphant à queue de poisson.


Plus qu’une aire de récréation dans l’espace de création de l’art contemporain, Takeshi Kitano fabrique de toutes pièces une véritable machine de réflexion qui, telle la tour de Hanoï – sommet perplexe de l’exposition – déroute le réel dans sa vocation à la réalisation.


Nora Monnet




Lire aussi sur Artistik Rezo, Takeshi Kitano, l’iconoclaste au Centre Pompidou.

Et Kitano à Art Basel.



Beat Takeshi Kitano – Gosse de peintre


Du 11 mars au 12 septembre 2010

Du mardi au dimanche de 11h à 20h

Nocturne le mardi jusqu’à 22h

Renseignements / Réservations au 01 42 18 56 50

Plein tarif : 7,5 euros / Tarif réduit : 5 euros


Fondation Cartier

261, boulevard Raspail 75014 Paris

Métro : Raspail ou Denfert-Rochereau (lignes 4 et 6)

Bus : 38, 68, 88, 91


www.fondation.cartier.com


 

Articles liés

Le Petit Palais ouvre ses portes aux artistes d’art urbain avec l’exposition événement “We Are Here”
Agenda
3665 vues

Le Petit Palais ouvre ses portes aux artistes d’art urbain avec l’exposition événement “We Are Here”

À partir du 12 juin 2024 et pour la première fois, le Petit Palais ouvrira ses portes aux artistes d’art urbain, les invitant à engager un dialogue subtil avec ses collections permanentes et son architecture. Une véritable exploration d’art...

“Symfolia” : une ode à l’art, à la musique et à l’environnement à voir à la Philharmonie de Paris
Agenda
74 vues

“Symfolia” : une ode à l’art, à la musique et à l’environnement à voir à la Philharmonie de Paris

À l’occasion des Jeux Olympiques 2024, la Philharmonie de Paris dévoile la sculpture monumentale de l’artiste américaine Rachel Marks. Visible jusqu’au 8 septembre, cette œuvre s’inscrit dans le cadre des Olympiades Culturelles, une initiative visant à faire dialoguer l’art...

Ne manquez pas la 15e édition du Point Virgule Fait l’Olympia le 19 juin !
Agenda
247 vues

Ne manquez pas la 15e édition du Point Virgule Fait l’Olympia le 19 juin !

Pour la 15e fois, la plus petite des grandes salles parisiennes investit la salle mythique de l’Olympia avec toujours le même plaisir de vous livrer la meilleure sélection des humoristes, les plus drôles de leur génération. Plus de 40...