0 Shares 1254 Views

Stabat Mater, au Lucernaire

17 mai 2010
1254 Vues
Stabat_mater_Lucernaire

 

La maternelle et gouailleuse révolte de Marie dénonce violemment l’arbitraire d’une justice dévoyée par la raison d’Etat. Tarantino, homme touche à tout, délaisse l’image traditionnelle du Nouveau testament pour revisiter le mythe chrétien avec fougue et rage, soutenu par une actrice, Annie Mercier, qui bouleverse et subjugue, accomplissant une performance époustouflante… Les propos de Stabat Mater sont forts, dérangeants sans doute pour beaucoup, cruellement quotidiens pour d’autres. Un renvoi à l’amour maternel pour tous.

 

Stabat mater est une séquence, pièce de la liturgie catholique romaine, évoquant la souffrance de Marie lors de la crucifixion de Jésus Christ. C’est la mère qui se tient debout devant la douleur. C’est un texte puissant d’Antonio Tarantino, qui déverse, au rythme diabolique de la répétition au hachoir, l’impuissance, la cruauté d’une vie, le désespoir que personne n’entend, que personne n’écoute car il met mal à l’aise. C’est Marie, cette femme disgracieuse, mangée par la vie des bas-quartiers de Turin. Cette ancienne prostituée à qui on a refusé l’amour, à qui on a donné puis repris un fils, cette femme qui contemple sa solitude misérable avec un désarroi, une vague de panique et parfois une surprise hagarde insoutenables.

Tarantino nous renvoie avec brutalité et impudeur un texte qui a le goût du réel, de ce réel que chacun porte en soi en puissance, de se faire avoir par la vie.

Une mise en scène qui sort des entrailles mêmes du texte, évoque une cuisine de rez-de-chaussée, avec sa table en formica et sa cafetière italienne, ses interludes musicaux faussement joyeux, qui ne font qu’accentuer les thématiques de la solitude et de la misère silencieuse.

La voix sifflante d’Annie Mercier, tonitruante parfois, glace le sang dès les premières minutes. Le souffle lourd, la taille épaisse, la blouse passée, elle est majestueuse, et personnifie la douleur d’une femme qui a perdu sa beauté, d’une mère qui a perdu son fils. Une violente spontanéité se manifeste alors dans ce flot de paroles mêlant à des références religieuses injures, obscénités et jargon provincial.

Une femme qui demande peu, et qui n’a rien. C’est un monologue à verser des larmes d’impuissance devant celle qui en symbolise tant d’autre. La reprise du thème religieux lui donne une dimension de martyre, tandis que le spectacle dans son ensemble, le langage utilisé surtout, nous offrent une réalité cruelle. De ces femmes dans l’ombre dont on parle si peu, dans la vraie vie ou au théâtre.

Un spectacle troublant, donc, dans lequel les mots vomis par Annie Mercier transpercent les entrailles grâce à une plume sincère et sans pitié pour le spectateur.

 

Sophie Thirion
 

 

Stabat Mater

D’Antonio Tarantino

Avec Annie Mercier

Mise en scène : Eric-Gaston Lorvoire

Traducteur : Michèle Fabien

Décor : Alain Denize

Lumières : Christian Mazubert

 

A partir du 10 Mars

Du Mardi au Samedi à 21h30

 

Théâtre le Lucernaire

53, rue Notre Dame des Champs

75006 Paris

Métro Notre-Dame des Champ (ligne 12)

www.lucernaire.fr

 

Articles liés

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Elle ne m’a rien dit” traite le féminicide
Agenda
64 vues

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Elle ne m’a rien dit” traite le féminicide

Ce spectacle est né de la rencontre entre Hager Sehili et Hakim Djaziri, auteur et metteur en scène de la pièce. Elle ne m’a rien dit furent les premiers mots qu’Hager a confié au metteur scène en parlant de...

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Le Cabaret de Carolina” présente l’art de l’humour musical
Agenda
60 vues

Dans le cadre du Festival Off Avignon, “Le Cabaret de Carolina” présente l’art de l’humour musical

Artiste multifacette, Carolina est tout à la fois chanteuse, comédienne et animatrice. Mais, c’est dans la chanson et le spectacle vivant qu’elle atteint son plaisir paroxystique. De concert en concert, elle a développé un répertoire populaire qui touche toutes...

Dans le cadre de Festival Off Avignon, Pierre Notte présente “J’ai raté ma vie de tapin en voulant faire l’acteur”
Agenda
74 vues

Dans le cadre de Festival Off Avignon, Pierre Notte présente “J’ai raté ma vie de tapin en voulant faire l’acteur”

“Il s’agit d’un récit, ou d’une confession, comme une ultime part dévoilée, la plus sensible et terrible, la plus vraie de toutes. La prostitution, les métiers d’acteur, d’auteur, les prostitués et ceux qui les emploient, ce paradigme (ou protocole)...