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Cat Soubbotnik : “L’art permet de mettre de la beauté dans la société”

23 août 2021
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© Cat Soubbotnik

Cat Soubbotnik est une artiste et photographe spécialisée dans la sculpture de photographies. Prochainement exposée à Stockholm, elle nous raconte son parcours et partage sa vision de l’art.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Cat Soubbotnik, je suis artiste multimédia. Je travaille à Berlin, à Paris et en Suisse, à Fribourg. Je travaille surtout autour de la photographie mais je m’éloigne vraiment de la photo classique, en me tournant vers la photo sculpture et la vraie sculpture.

Peux-tu nous parler brièvement de ton parcours ?

J’ai commencé par faire une école d’art à Paris. Puis j’ai eu la chance de rencontrer un peintre photographe allemand, Frank Rheinboldt. Il m’a énormément apporté et j’ai appris beaucoup plus qu’à l’école grâce à lui car je pense que je ne suis pas du tout une personne scolaire. J’apprends sur le tas, dans la vraie vie. J’ai ensuite eu la chance d’être l’assistante de plusieurs photographes connus : Chico Bialas, un photographe de mode, Jean Larivière et enfin Hans Gedda, avec qui j’ai fini par me marier.
Ces trois photographes sont des légendes de la photographie, dans des genres vraiment différents, ce qui m’a permis de construire mon propre style. Souvent, les assistants photo font du copier-coller de leurs “maîtres” mais pour ma part, j’ai eu un échantillonnage vraiment différent. Le travail de Chico Bialas est un travail de mode avant-gardiste alors que celui de Larivière est assez statique, classique, avec des espèces de grands mannequins immobiles qui ressemblent à des statues. Quant au travail de Hans Gedda, c’est un travail de portraitiste hyper classique en noir et blanc. Tout ça mélangé donne à peu près ce que je fais en ce moment.

Peux-tu nous en dire davantage sur les différents supports sur lesquels tu travailles ?

J’aime beaucoup la photographie classique, je ne la renie pas du tout. Mais c’est là d’où je viens et je n’ai pas envie de la reproduire. Je souhaite aller vers un média innovant pour la photo : pas de papier, beaucoup d’aluminium brossé et même du bois, du béton… J’aime travailler selon les endroits où les œuvres seront placées, c’est-à-dire que le thème des expos change suivant le lieu où les œuvres seront exposées. Selon moi, c’est très important d’avoir une harmonie entre les œuvres et le lieu.

© Cat Soubbotnik


Quelle est ta vision de l’art ? Que permet-il selon toi ?

C’est une question très complexe et très intéressante parce que, surtout quand une société est en crise, à quoi sert l’art ? On se pose souvent la question en tant qu’artiste : à quoi je sers, puisque je fais des choses en apparence inutiles ? Mais je pense qu’au contraire, c’est essentiel ; l’art permet de mettre de la beauté dans la société, sur les murs ou dans les espaces publics, mais aussi de faire des critiques sociales qui ne sont pas nécessairement faites pour choquer les gens mais aussi rappeler des principes de base qui sont chers à chaque artiste. Un thème qui est particulièrement important pour moi est la liberté de chacun, surtout en ce moment où l’on essaie quand même de nous couper insidieusement de pas mal de libertés.

Qu’est-ce qui t’inspire dans ta création ?

Dans l’essentiel de mon travail, j’ai toujours été attirée par la matière sous toutes ses formes. Le panel des choses qui m’intéressent est très large. Le point commun, c’est la manière de l’étudier. J’étudie en ce moment le lien entre matière et géométrie. J’ai toujours été nulle en maths et en géométrie mais j’ai aussi toujours senti qu’à un moment donné, les mathématiques très élevées rejoignaient la philosophie et l’art. Je me rends compte qu’il y a des fractales partout, dans tous les éléments de la nature. Par exemple, le brocoli est une fractale, une équation. Tout est basé sur des équations. Cela a été une découverte un peu dérangeante. Je m’étais dirigée vers l’art pour échapper aux maths et à la géométrie et maintenant ça me rattrape et je cherche à les fusionner. Je travaille en ce moment sur les solides de Platon, avec des photos de nuages pour faire des sculptures.

© Cat Soubbotnik

Y a-t-il des personnes en particulier qui t’inspirent ?

Il y a beaucoup de travaux ou d’artistes que j’admire mais j’essaie de ne pas m’en inspirer pour ne pas copier et garder mon intégrité. Je visite beaucoup de musées, d’expositions et je lis beaucoup de livres quand je suis en phase de “non-création”. Puis j’attends toujours, pour que ça effectue son travail en moi et que cela devienne quelque chose de personnel. C’est trop facile de copier parce qu’il y a trop de choses vraiment superbes. Après, on copie tous sans faire exprès…

© Cat Soubbotnik

Travailles-tu parfois en collaboration ?

J’aime beaucoup les collaborations, elles apportent énormément. C’est plus sympa que de travailler tout seul, sauf qu’il faut d’abord travailler seul pour avoir une base solide de son propre travail, sinon on est trop parasité par l’autre. J’ai une collaboration en cours pour des méga-sculptures en ce moment, avec quelqu’un qui travaille avec la lumière. Dans un travail collaboratif, il faut vraiment s’apporter des choses mutuellement, pour grandir et être mieux ensemble. Il faut que les artistes soient complémentaires.

Comment aimes-tu qu’on interprète tes œuvres ?

Comme je travaille sur la matière, ce qui m’amuse n’est pas de reproduire la réalité. J’aime beaucoup les hyperréalistes mais dans mon travail, je m’intéresse à comment dénaturer la réalité, à produire autre chose avec mon œil. Souvent je ne mets pas de titre à mes œuvres, ou alors des titres qui veulent dire autre chose que la représentation de l’œuvre, ou encore parfois des numéros. Le but est de développer la créativité du spectateur car pour moi c’est important que ce ne soit pas seulement un trip égotique pour l’artiste de se faire exposer. Il faut que ça aille dans les deux sens et je pense que les spectateurs peuvent recevoir beaucoup d’une œuvre. Celle-ci peut jouer un rôle inspirant. L’œuvre est bien plus importante que l’artiste. À l’heure actuelle, on met les artistes sur un piédestal mais en réalité ce qui est vraiment important, c’est l’œuvre. C’est aussi pourquoi le nom et l’âge de l’artiste ne sont pas des éléments si importants et devraient passer au second plan. 

Quels sont tes projets futurs ?

Je fais partie d’une plateforme, Culture Key, pour l’instant basée en Allemagne et qui travaille avec des musées et artistes établis, ainsi que beaucoup d’artistes émergents. Leur concept me paraît très intéressant. J’ai aussi une exposition en préparation à Stockholm, By nature, qui regroupe des éléments de la nature que j’ai sublimés et transformés en sculptures, pour fermer le “cercle”. Nous on s’inspire de la nature mais moi, je prends la nature, je la mets sur un piédestal et cela crée une sculpture. J’ai également deux projets prévus pour 2022 et 2023, des méga-sculptures, mais je ne peux pas en dire plus car elles sont encore en conception…


Propos recueillis par Esther Bara

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