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Chris Pillot : “La peinture a toujours été une nécessité pour moi”

12 mars 2021
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© Chris Pillot

Des toiles hypnotiques, une passion pour l’art depuis toujours, des séries évoluant au fil de ses épreuves, une grande sensibilité pour la personne humaine, une vie agrémentée de voyages et de rencontres… Bref, c’est l’artiste peintre Chris Pillot qui nous raconte ici son parcours de combattante, toujours motivée par un but : exister par sa peinture.  

Bonjour Chris, vous êtes aujourd’hui peintre à Bordeaux, comment en êtes-vous arrivée là ? 

J’ai toujours peint et j’ai toujours voulu être peintre. Dès l’âge de 5 ans je peignais à fond, j’adorais ça et j’avais le sens des couleurs. C’était comme une évidence. Puis, j’ai fait sept ans d’études que je n’ai pas finies. J’ai fait des études d’arts plastiques à Bordeaux car mes parents voulaient que je sois prof. Ce que j’aimais, c’était peindre librement et notamment les modèles vivants. J’ai connu Paulette Expert, une spécialiste en gravure renommée sur Bordeaux, je l’aidais à manipuler sa presse à gravure car elle était âgée et en échange, elle me donnait des cours d’ombres et de lumières. J’ai aussi fait les Beaux-Arts de Toulouse mais je n’ai pas du tout aimé donc j’en suis partie pour faire un BTS communication. Dans le cadre du BTS, j’ai fait un stage de graphisme au Sénégal et finalement, je suis partie m’installer là-bas, j’avais mon atelier dans l’espace du céramiste Mauro Petroni. J’ai participé à l’évolution du lieu et au fil du temps, c’est devenu un lieu important de création, d’échanges artistiques, de rencontres et d’expositions. Parallèlement, j’ai enseigné pendant 10 ans au lycée français de Dakar où j’ai pu transmettre ma propre compréhension de l’art. Durant cette période, mes deux enfants sont nés. Puis, j’ai eu trois malarias qui m’ont durement éprouvée et j’ai dû arrêter l’enseignement. Ensuite, la vie m’a amenée à quitter ce lieu. Pendant mes trois dernières années au Sénégal, j’ai continué à peindre, j’ai travaillé au Samu social et dans un hôpital psychiatrique… C’était comme une nécessité d’être proche des habitants. En 2008, je suis rentrée en France où je n’avais plus d’identité. Je n’avais que mon passeport en poche et mon container de toiles. J’ai installé mon atelier à Bordeaux et ont alors commencé trois ans de galère. Je ne recevais pas d’aides et j’existais par ma peinture. Toutes mes expositions ont été des initiatives personnelles, jamais dans les galeries de la ville, et je n’avais aucune visibilité sur le plan institutionnel. C’était dur mais je n’ai jamais eu de doute quant à mon engagement vis-à-vis de la peinture. Je partais souvent exposer à Luxembourg, où j’étais invitée notamment pour des “live paintings”. En 2015, j’ai créé l’association La Spirale avec l’artiste Magalie Darsouze, qui m’a permis de créer des projets d’exposition en invitant des artistes. J’ai aussi fait une résidence, une réalisatrice a monté des courts-métrages sur mon travail, j’ai été invitée pour des expositions, j’ai ouvert un second atelier que j’ai malheureusement dû fermer à cause de la COVID. Aujourd’hui, je viens de finir une exposition à l’Artichaut et une autre est en cours, organisée par la SAFFCA chez Maxwell-Baynes Christie’s International. En ce moment je me consacre pleinement à ma série Indigo que je prépare pour une exposition à la Maison Galerie Laurence Pustetto, à Libourne.

Triptyque de la série Weavings
© Chris Pillot

Quelles sont vos principales inspirations ?

En fait, j’évolue en permanence et chaque jour est un jour nouveau donc tout ce que j’ai vécu m’a construit et constitue mon bagage. D’ailleurs quand je voyage, je peins rarement pour vivre pleinement ces moments. Tous ces voyages et ces rencontres s’ancrent en moi et ont un impact sur ma peinture. 

Laissez-vous au spectateur la possibilité d’interpréter vos œuvres ? 

Bien sûr car l’interprétation est un point de vue qui est propre à chacun, c’est l’autre qui va me montrer ce qu’il voit et qui parfois même, reconstitue mon histoire. Mon travail n’est pas abstrait mais figuratif. Souvent, lorsque je revois mes œuvres chez des collectionneurs, je les découvre.

Que pouvez-vous nous dire de votre dernière série, Indigo ?

La série Indigo fait partie d’une série dont le thème est “White turns black”, ce qui signifie “Le blanc devient noir”, c’est un passage où le fond blanc est peint en noir et chaque acte se transforme avec le fond. C’est le thème de l’altérité. Indigo me permet de réaliser mon rêve de travailler cette couleur en monochrome. L’indigo est une couleur ancestrale aux qualités uniques que l’on retrouve dans des traditions millénaires, porteuse de symboles et de vertus protectrices. Au départ, en installant les toiles sur les murs de mon atelier, mon lieu de vie, j’ai eu peur de m’entourer d’obscurité, de renvoyer une énergie sombre. En fait, je les découvre comme des entités qui me subjuguent. Les toiles deviennent des surfaces ondulantes qui se meuvent au rythme de la nuit et du jour, elles se révèlent par l’intensité changeante d’une lumière réfléchie. L’éclairage agit sur la surface et exacerbe plus ou moins le passage de l’ombre à la lumière. Le cerveau en même temps qu’il se repose, travaille en permanence.

Laurence Pustetto & Chris Pillot à l’atelier pour la série Indigo   © Marie Houssay

Comment la COVID-19 a-t-elle impacté votre projet ?

J’ai l’habitude de travailler en lieu clos donc sur le plan de la création, la COVID n’a rien changé. En revanche, le nombre de ventes a été impacté mais heureusement, j’ai pu recevoir des aides. Puis, invitée par la SCAFFA, je devais partir en Afrique du Sud faire une résidence artistique mais tout a été reporté.

À travers vos différentes expériences, notamment lorsque vous avez travaillé à l’hôpital psychiatrique, on note que la peinture est toujours présente, même lorsqu’il y a de la souffrance et des périodes difficiles. Peut-on dire que l’art est thérapeutique ?

Je pense qu’une thérapie participe aussi à apprendre à se connaître et à s’accepter, ce n’est pas seulement médical. Peindre c’est aussi un moyen pour communiquer. Je pense qu’un peintre ne fait pas de l’art thérapie. Il y a le médecin et la thérapie au sens médical pour soigner la maladie et il y a l’artiste qui peut aider à s’exprimer en faisant peindre, en redonnant confiance à l’autre, en lui donnant les outils pour communiquer. L’art peut être une thérapie si c’est utile à la personne, si celle-ci accepte de se réapprendre. C’est un moyen de sortir d’un enfermement. Quand la peinture est un engagement total, c’est une voie pour vivre sa liberté, mais il faut répondre à une grande exigence envers soi-même. Dans mon travail, chaque série est liée à ce que j’ai vécu, même si c’est difficile de le raconter. Par exemple, ma série Arbres, que j’ai réalisée au moment de mon installation en France, m’a fait beaucoup de bien et je pense que cela avait un lien avec ce retour à mes racines. La peinture n’existe que par le regard de l’autre et nous aussi d’ailleurs. On ne se voit que par le regard de l’autre, même devant son miroir, d’où le manque de confiance en soi par exemple. Pour garder un équilibre, il est nécessaire de sortir de la peinture. Sans l’extérieur, tu ne peux pas rester en équilibre. La peinture te fait résister mais il y a une balance à trouver, une altérité. Il ne peut pas y avoir l’un sans l’autre. Se construire un cadre et sortir du cadre.

Peinture de la série Arbres
© Chris Pillot

Quels sont vos prochains projets ? 

Pour l’instant, je me consacre entièrement à la série Indigo pour l’exposition à la Maison Galerie Laurence Pustetto, qui aura lieu à partir du 10 avril. Et puis j’espère pouvoir partir en novembre en Afrique du Sud mais rien n’est sûr à cause de la situation sanitaire actuelle. 

En 3 mots, comment définiriez-vous votre univers artistique ? 

Cinétisme, altérité et engagement.

 

Retrouvez le travail de Chris Pillot sur son compte Instagram et son site web.

Pour la prochaine exposition Indigo, cliquez ici pour plus d’informations.

Propos recueillis par Marie Houssay

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