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Rencontre avec la galeriste Pauline Pavec et Quentin Derouet

©P_HOTOARCH/IVE_ADAGP

Pauline Pavec, historienne de l’art, accompagnée de l’artiste, Quentin Derouet, se sont lancés dans la folle aventure d’ouvrir leur galerie à Paris. Depuis février 2018, la galerie Pauline Pavec présente de nombreux artistes et sillonne les foires européennes. Découvrons aujourd’hui ces deux passionnés. 

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ? 

Pendant mes études à l’École du Louvre, je me suis spécialisée sur la scène française des années 1960-1970. À partir de 2013, j’ai été membre active d’une association de jeunes commissaires d’expositions qui défend la scène émergente. J’ai ensuite rencontré mon compagnon Quentin Derouet qui est artiste, ensemble nous nous sommes mis à organiser nos premières expositions en duo. Nous avons créé la galerie Pauline Pavec, installée aujourd’hui dans le marais, afin de soutenir des œuvres qui nous touchent. 

Quelle relation entretenez-vous avec l’art ? 

Je ne sais pas si nous entretenons une relation avec l’art, c’est quelque chose d’essentiel. C’est ce qui nourrit notre âme. C’est aussi un “anti-destin” comme l’expliquait Malraux, ce qui nous permet de lutter contre notre destinée de mortels, de laisser des traces. L’œuvre d’art est l’endroit où nous prenons rendez-vous avec l’éternité. 

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être galeriste ? 

Je suis historienne de l’art et j’ai toujours été profondément touchée par les objets qui font notre histoire. Avec Quentin, j’évolue dans un monde entouré de créateurs, où les choses sont sans cesse remises en question, un monde de libertés. Il y a eu alors chez nous le souhait que ce monde là puisse se matérialiser, sous la forme d’un lieu où se confondent nos différentes inspirations. 

Exposition Robert Malaval, Joker, Galerie Pauline Pavec, 2019 © Sarkis Torossian

On a tendance à simplifier une galerie à un simple espace d’exposition. Quelles sont les coulisses de votre métier ? 

Les expositions sont des moments d’échanges importants, elles nous permettent de partager notre regard avec le public. C’est la face visible de l’iceberg. L’autre partie, c’est justement de façonner ce regard que nous proposons aux autres. Nous prenons le temps de nous nourrir d’art au quotidien, d’aiguiser notre œil, de lire et de nous informer, nous prospectons et apprenons à regarder. 

Pour vous donner un exemple, nos journées ne sont jamais vraiment les mêmes. Nous pouvons passer autant du temps dans les archives de Jacques Prévert avec sa petite fille, qu’à refaire le monde avec des amis artistes ou encore à discuter avec un collectionneur du coté punk de Robert Malaval ou de la poésie marginale de Gherasim Luca. Finalement, le vrai travail que nous faisons à la galerie, c’est de cultiver toute cette effervescence, du passé et du présent. C’est pour ça que nous aimons tant mêler les époques. 

Quelle identité cherchez-vous à donner à votre galerie ? 

Les projets que nous mettons en place à la galerie mêlent des œuvres et des artistes de différentes générations ou de différents mouvements. Nous aimons mettre en regard des pièces qui ont marqué une histoire, et des œuvres contemporaines ou de cultures différentes. 

Par exemple l’année dernière, nous faisions se côtoyer lors de l’exposition Les couleurs naissent et meurent une toile de Robert Rauschenberg, une sculpture Lumbo du Gabon, des œuvres contemporaines de Mathilde Denize, Quentin Derouet ou Erin Lawlor, et des laques chinoises du XVIIème siècle. 

À toutes époques, des hommes ont créé des formes, des fulgurances, qui nous renvoient finement au mystère de notre existence et il paraît évident, aujourd’hui de les faire se confondre. Je crois aussi que nous cherchons à saisir quelque chose d’intemporel dans l’art, ce quelque chose qui fait, qui a fait et qui fera vibrer les hommes. Nous tentons de défendre une certaine vision du monde à travers la galerie, à travers les artistes que nous représentons. Il y a chez Robert Malaval ou Gherasim Luca, opposés en tous points, une même manière d’être artiste, inconditionnelle.

Exposition Jacques Prévert, Feuilles Mortes, Galerie Pauline Pavec, 2020 ©SarkisTorossian

Nécessite-t-il d’entretenir des relations proches avec les artistes pour les exposer ? 

Nous sommes très proches des artistes contemporains avec qui nous montons des projets, ce qui nous intéresse le plus chez les artistes, c’est leur incarnation. Ce qui nous touche c’est leur engagement. Aussi, nous travaillons autour de plusieurs figures historiques, aujourd’hui disparues, et le rapport privilégié que nous entretenons avec leurs ayants droits est magnifique. 

Avec l’apparition de nouveaux procédés comme l’image numérique, on adopte une nouvelle manière de percevoir l’art. Pensez-vous qu’elle pourra, avec le temps, nous en faire oublier les galeries ? 

Évidemment, nous vivons avec notre temps, avec le numérique et les réseaux sociaux. Les manières de nous informer et de voir sont aujourd’hui si nombreuses et instantanées. Nous sommes convaincus que le numérique facilite énormément l’accès à la culture, mais sa contre partie est que la quantité d’informations est à trier considérablement, pour ne pas se noyer. Il existera toujours, et heureusement, des personnes comme des conservateurs, des penseurs, des philosophes ou des galeristes pour faire ce tri et guider nos regards. 

C’est une question assez subtile car, finalement, avons-nous besoin d’avoir eu l’occasion d’appréhender l’urinoir de Marcel Duchamp en 1917 pour véritablement le comprendre ? Est-ce qu’une simple reproduction dans un ouvrage, une image sur un écran ou ses rééditions suffisent ? Il est évident que certaines œuvres sont appréhendables sans un rapport physique, par leur histoire et leur mythe, mais finalement ce qui nous attire dans l’art, n’est-ce pas cette expérience magique ? 

Mais le numérique pose surtout la question de l’expérience que nous faisons de l’œuvre d’art, sur un écran ou dans une galerie. Certes, certaines œuvres se prêtent bien à une reproduction digitale, mais cela ne change pas cette petite chose imperceptible, l’aura que produit une œuvre ou un objet. Nous sommes persuadés que le rapport à l’œuvre est donc essentiel et qu’il sera difficile de s’en détacher. 

La période de confinement que nous vivons actuellement a-t-elle reconsidéré la vision que vous vous faites de votre métier ? 

C’est une période très complexe qui nous rappelle notre besoin à l’art, à la poésie et surtout notre relation aux autres. On se rend compte que partager l’art virtuellement ne nous suffit pas, il nous faut être dans la vie, en rapport les uns avec les autres. J’ai la chance de vivre dans mon quotidien avec des œuvres d’art, mais j’ai besoin de le partager ! 

Avec Quentin nous sentons depuis longtemps déjà que le monde de l’art est en pleine mutation, le confinement n’a donc pas véritablement changé la vision que nous nous faisons de notre métier. Il a, en revanche, intensifié ce sentiment et nous fait aujourd’hui voir le futur vraiment différemment. Ce que nous souhaitons pour la galerie, c’est accentuer le rapport magique que nous avons aux objets d’arts au sein de notre espace. Faire de notre galerie une chapelle qui a pour vocation de nous faire vivre des moments uniques avec des œuvres d’art. 

Plus d’informations sur la galerie & son Instagram.

Propos recueillis par Marie Coindeau-Mattei

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