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L’interculturalisme de l’art asiatique avec l’occident : Les exemples chinois et japonais

Nolwenn Alzieu 27 novembre 2018
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De tout temps, le commerce a permis l’échange de technologies, philosophies, cultures et religions. L’ouverture de la route de la soie au IIe siècle avant J.-C marqua le commencement d’un commerce international des marchands de l’Antiquité jusqu’au milieu du Moyen-âge entre l’Orient et l’Occident. Cette voie sera peu à peu abandonnée au 15e siècle au profit des routes maritimes des épices ouvertes par les Européens. Ces rencontres de peuples différents eurent pour conséquences un enrichissement mutuel.

Les Chinoiserie ou un métissage artistique des arts chinois à l’occidentale

Si cet intérêt pour les Chinoiseries débuta en Europe dès l’Antiquité, notamment pour les soieries, celui-ci connu son apogée au 17e siècle par l’imitation des porcelaines chinoises telle que celles de l’époque Ming, bleues et blanches, reproduite à Delft en Hollande. Ce fût également le cas au 18e siècle par le mouvement Rococo (1740-1770). La chinoiserie est un modèle artistique européen influencé par un art chinois fantasmé tel que l’utilisation de matériaux laqués, de céramiques et décorations d’influence chinoise. Sous l’Ancien régime, on voit apparaître des pagodes dans les jardins, certaines résidences artistiques décorent leurs demeures de meubles chinois et de porcelaines. Des traces de ces échanges et marchandises vendues ou troquées alors à prix d’or sont aujourd’hui encore visibles de par la sensibilité artistique de notre société. Mais si la Chine a participé à ces échanges d’un point de vue commercial, le Japon quant à lui a internationalisé sa culture par l’invention du « japonisme ».

L’ouverture du Japon à l’Occident : l’invention du « japonisme » par le Japon

Si la culture populaire japonaise est aujourd’hui bien connue par notre société sous différents aspects, l’internationalisation de la production artistique du Japon n’a pas toujours été si simple. En effet, il faudra atteindre l’ouverture du Japon vers l’étranger durant la restauration de Meiji (1868-1912) qui marque la fin de la politique isolationniste japonaise (Sakoku). Période durant laquelle les contacts et échanges commerciaux entre le Japon et le monde étaient strictement contrôlés.

Si vous êtes intéressés par la découverte de cette période, en l’honneur du 160e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon, il vous sera possible de découvrir l’exposition « Meiji, splendeurs du Japon impérial » au Musée Guimet jusqu’au 14 janvier 2019. C’est une période clé qui va permettre au Japon de définir son identité culturelle en se tournant notamment vers le passé. Le japon va alors s’inspirer des arts de la Chine tels que les porcelaines, habits de soies, laques alors que celle-ci dépérit, sombrant dans de nombreux conflits intérieurs et extérieurs.

Dès lors la culture japonaise va se définir par la fabrication d’une image à l’international notamment par la diffusion de lieux célèbres qui deviendront des symboles du pays du soleil levant tels que des samouraïs, geishas, ponts, paysages de glycines ou fleurs de cerisiers. Conjointement à cela sera développé des musées, écoles d’arts et revues d’histoire de l’art permettant dès lors la perpétuation de l’art traditionnel japonais tel que l’art de la laque ou la vannerie qui, autrefois qualifié d’artisanat, seront reconnus comme art à part entiers. De plus, les expositions internationales et l’arrivée d’une nouvelle clientèle étrangère participa à la pérennité et l’évolution technique de ces arts qui alors étaient sur le point de disparaître au début de l’ère Meiji en raison d’un manque de commanditaires.

Un commerce transcontinental vieux de plusieurs siècles à nos jours

Cette hybridité des cultures qui semblait dans un premier temps n’être l’apanage que de l’occident va peu à peu s’exprimer dans les arts du Japon et de la Chine avec par exemple l’arrivée du bleu de Prusse dans les années 1820 (période Sakoku) par les Hollandais qui étaient alors les seuls autorisés à commercer avec le Japon. Ce bleu si caractéristique des estampes de Hokusai ou Hiroshige va notamment révolutionner l’art des estampes japonaises. Ce métissage culturel se caractérise également par un mouvement d’occidentalisation, notamment par la découverte des techniques du réalisme de la peinture européenne telle que l’utilisation de la perspective et du dessin fluide des vêtements. Le japonisme aura à son tour un grand impact sur les artistes occidentaux et sera une source inépuisable pour l’inspiration des peintres impressionnistes européens tels que Monet ou Van Gogh.

S’agissant de l’art chinois contemporain, prenons l’exemple du peintre Zao Wou-Ki, artiste d’origine chinoise et actuellement exposé jusqu’au 6 janvier 2019 au Musée des arts modernes de la ville de Paris. Henri Michaux disait, suite à l’une de ses collaborations avec le peintre abstrait, que « L’espace est silence ». Cette exposition vous permettra de découvrir l’évolution de l’artiste au cours de sa carrière. S’il tente dans un premier temps de s’éloigner de la tradition calligraphique chinoise en utilisant principalement de l’huile et en passant par de la figuration stylisée sur de grands tableaux, il reviendra à la fin de sa vie à l’encre de Chine, renouant dès lors avec ses origines. Ses créations seront également influencées par les œuvres de peintres impressionnistes tels que Monet et ses nymphéas.

Ainsi, on peut dire que l’ouverture commerciale est la résultante d’un échange interculturel multiséculaire. S’agissant de l’ouverture économique progressive de la Chine de 1979 à 1992, elle est la conséquence principale de la visibilité internationale d’artistes contemporains chinois tel Zao Wou-Ki permettant alors une hybridation et un épanouissement de la créativité artistique orientale et occidentale.

Nolwenn Alzieu

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