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Riv : “J’utilise la nudité féminine comme un outil d’émancipation de la femme”

Salomé Guez 23 mai 2020
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© Le white fox

D’origine toulousaine mais aujourd’hui parisienne, Riv, 20 ans, peint (littéralement) le corps féminin à découvert. Rencontre avec la renaissance de la performance artistique.

Lors de la manifestation du 8 mars 2019, tu as marqué les esprits avec une performance dénonçant l’exploitation du corps féminin par certaines marques. Ça te plait d’être perçue comme une artiste féministe ?

Je ne me considère pas féministe. Je ne pense pas que l’utilisation de ce terme fasse avancer la cause des femmes. Dénommer le mouvement sous-entend que c’est une prise de position politique, alors que c’est normal. On ne dit pas d’un homme qui n’est pas raciste : “il est super multiculturaliste”. Je pense donc que l’emploi du terme “féministe” légitime le sexisme. Être pour le patriarcat n’est pas une position politique, c’est juste anormal. J’ai un peu cherché à être perçue ainsi mais ce n’est pas quelque chose que je revendique.

Manif du 8 mars 2019

© Océane Clsn

Tu peins exclusivement des femmes, c’est un choix ?

Oui et non. Je trouve que l’esthétisme du corps féminin dégage quelque chose de très particulier, entre la fragilité et la prise de pouvoir. J’utilise la nudité féminine, en la sexualisant parfois, comme le dernier outil d’émancipation de la femme. J’aimerais traiter aussi de masculinisme mais j’ai peur de froisser, je suis une femme donc je ne connais que ma condition de femme. 

Tu pratiques également le body painting, le corps c’est une toile comme une autre ?

Complètement. Le body painting est inspiré du mouvement « body art » qui est extrêmement intéressant car il ne différencie pas l’auteur du propos. Mais, ce n’en est pas car je ne suis pas le modèle, pour des raisons de praticité mais pas exclusivement. Je pense que pour évoquer certains sujets, c’est le média le plus adapté. En fonction de la morphologie du modèle, j’adapte évidemment l’oeuvre afin que ce soit le plus joli sur elle et qu’elle se sente bien.

© Antoine Favier

Qui sont tes références artistiques ?

J’en ai plein ! Celle qui saute aux yeux c’est bien sûr Marina Abramovic, que j’admire pour son engagement et son courage. Sa performance Rest Energy avec Ulay est absolument incroyable, c’est mystique. Le peintre Roman Opalka m’intéresse aussi beaucoup dans son rapport au temps. Le photographe Koto Bolofo m’a également vachement marquée esthétiquement, car il travaille avec des couleurs très vives. En s’éloignant de la peinture et de la photo, j’ai été inspirée par Camus, Amy Winehouse ou encore Virginie Despentes.

Tu travailles où et comment ?

En ce moment je suis à Toulouse alors je travaille dans ma chambre d’ado mais, dans mon appartement parisien, j’ai une petite pièce qui me sert d’atelier. Cette année j’ai beaucoup voyagé en Europe alors j’ai travaillé où j’ai pu, le lieu m’intéresse très peu. En revanche, je travaille toujours avec la musique à fond, n’en déplaise aux voisins, et je danse ! Le trait n’est pas le même en dansant.

La couleur est ton métier, tu en as une préférée ?

Le bleu. Surtout le bleu roi ou Klein ; c’est une couleur hypnotisante, qui marque sans la vulgarité du fluo. En fonction de la nuance de bleu employée, le message varie totalement. Dans le bouddhisme c’est la couleur du cinquième chakra, elle symbolise la communication, l’expression et le partage. Mais c’est aussi la couleur du rêve, de l’évasion et de la sincérité.

Corps

© Riv

Avant la peinture tu faisais du théâtre, quel est le lien entre les deux ?

Oui j’en ai fait pendant 1000 ans, ou plutôt 10… J’aime le théâtre car il agit sur moi comme une catharsis. Quand je joue un personnage très énervé, j’ai tendance à être très calme dans la vie. Je me vide de mes émotions pour les exprimer dans le jeu ou dans la peinture. Dans les deux disciplines, l’idée est de traduire des émotions.

Elle et l'autre

© Riv

Des projets en cours ?

J’ai plusieurs projets en cours, certains ont été malheureusement repoussés en raison des frontières fermées. Mon objectif a toujours été de démystifier l’art contemporain, de montrer que ce n’est ni élitiste ni intellectuel. Je voulais donc faire un reportage visuel portant sur l’écologie et la femme, la cause qui me touche le plus, afin de vulgariser la notion d’écoféminisme et qu’elle soit accessible au plus grand nombre. L’idée est de visiter des cultures drastiquement différentes des cultures occidentales pour étudier leur rapport à la féminité et déconstruire le mythe du “patriarcat naturel”, à travers la confrontation des religions. Je ne soutiens pas le pouvoir aux femmes, mais il existe. Au Mexique notamment on retrouve des tribus matriarcales au sein desquelles les femmes gèrent les finances tandis que les hommes s’occupent des enfants. Cet été je devais aller en Bulgarie, rencontrer le peuple des Pomaks (Bulgares musulmans qui vivent dans les montagnes du Rodhope). Ils sont issus de l’Islam mais pratiquent la religion très différemment. En parallèle, je travaille également sur un projet de body art qui devrait se faire avant la fin de l’été, il traitera des violences sexuelles.

Ton réseau social préféré et le compte à suivre ?

Instagram car c’est le seul que j’ai. J’adore @culturexdead qui relaie beaucoup d’art contemporain, c’est assez inspirant et très accessible. J’aime aussi @unitlondon qui m’a fait découvrir plusieurs artistes.

Retrouvez Riv sur Instagram et sur son site. Si vous souhaitez poser pour Riv : riv.contactpro@gmail.com

Propos recueillis par Salomé Guez

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