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Festival Paris Cinéma – Eugène Green et fin de la compétition

12 juillet 2010
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Eugène Green est un être à part : un poète, un dramaturge, un passionné, un baroque, un metteur en scène, un écrivain et un cinéaste. Avec sa moustache poivre et sel et ses cheveux en bataille, il incarne à sa façon la modernité du monde contemporain et s’amuse avec la langue française tout en créant un style esthétique qui lui est propre. À travers quatre longs-métrages et trois mini-films, il s’est imposé comme un cinéaste iconoclaste, privilégiant l’absence de psychologie chez ses personnages, à la recherche de la vérité et ancré dans le présent par le biais de la fiction. La passion semble le guider. S’il s’amuse autant avec l’histoire et la langue française, c’est pour mieux prendre de recul sur ce qui nous entoure et ce qui caractérise autant l’être humain. L’absence de rhétorique en est la preuve même.



La musique adoucit les mœurs


Ses personnages ne cherchent pas à convaincre, mais se placent dans un monde parfois mélancolique, romantique et/ou baroque. Il ne faut pas prendre les films d’Eugène Green au premier degré mais se laisser guider par ses images et le regard de ses acteurs. La lenteur, l’aspect minimal qui se dégage de ses œuvres ne doivent pas gêner ou ennuyer le spectateur mais au contraire l’interpeller comme s’il faisait aussi partie de l’action. Ne sommes-nous pas aussi des êtres statiques au regard fixe face à un écran de cinéma ? Cet effet de miroir est le sens même de chacun de ses films et La Religieuse Portugaise en est le meilleur exemple.


De la musique baroque au fado, du monde de la musique à celui du cinéma, son message critique n’est pas une attaque contre une certaine pensée ou une certaine école mais un regard ironique à l’égard de certaines personnes. Sa représentation du monde baroque dans Le Pont des Arts est à ce titre criante de vérité. Ce sarcasme ne cherche pas à blesser ou à dénoncer mais tout au contraire s’impose comme une ode à un univers qu’il connaît bien, apprécie et respecte.

Le public peut éprouver du mal à entrer dans l’univers d’Eugène Green. Mais tout être pourvu d’une certaine poésie et qui a suffisamment de recul pour y déceler l’humour et le charme qui y réside aura la chance de découvrir un artiste décalé, intelligent et féru d’histoire. À ce titre, il incarne comme nul autre les racines de l’Europe : pour un artiste d’origine américaine, c’est un comble. On attend donc avec impatience d’en savoir plus sur son travail à travers une leçon de cinéma organisée par Paris-Cinéma. A compléter par la lecture de son essai, Poétique du cinématographe publié chez Acte Sud où Eugène Green se dévoile enfin et nous invite à lire ses notes de travail. Indispensable.


Fin de la compétition officielle


Avec la projection des trois derniers films en compétition officielle, c’est du côté de l’Autriche, du Japon et des Etats-Unis que s’est conclue une sélection plus ou moins engagée : de l’absence de communication japonaise à la crise économique américaine en passant par la situation politique thaïlandaise  et les questions d’identités roumaines et coréennes.


Seul film en langue allemande, Le Braqueur de Benjamin Heisenberg, second film du cinéaste, est une œuvre que l’on voudrait apprécier mais qui déçoit par son absence de message et de narration. Si on est capté par l’énergie qui se dégage de cette chasse à l’homme tirée d’un fait réel, l’histoire ne tient pas en haleine et ne provoque aucune attention particulière. Est-ce la faute de cette histoire d’amour que ce braqueur éprouve pour une conseillère sociale  ou la première partie qui traîne en longueur ? Il reste que le film jouit tout de même d’une excellente bande-son parsemée de coups de timbales puissants et nerveux. Une musique qui colle parfaitement à la course-poursuite de la deuxième partie. Les kilomètres parcourus par cet ancien détenu poussé à reprendre son passe-temps favori, braquer des banques, au lieu d’essayer de se réinsérer au mieux dans la société autrichienne. Le film fait étrangement échos à l’autre film roumain de la compétition If I want to whistle, I whistle pour l’entêtement et l’impulsivité que portent leurs deux protagonistes.

Deuxième film japonais présenté dans la compétition, Sweet little lies de Hitoshi Yazaki n’a malheureusement pas fédéré. Cette histoire de couple se veut à la fois originale et unique en son genre mais ne parvient pas au bout de son objectif en raison d’un manque d’intérêt pour ce couple qui s’aime et ne s’aime pas tout à fait. Ruriko et Satoshi mènent une vie paisible dans un quartier résidentiel de Tokyo mais ne se parlent pratiquement jamais et communiquent dans le même appartement par téléphone portable. Il faudra que chacun aille voir ailleurs pour finalement mieux se retrouver. Du déjà-vu dans ce qui apparaît comme une fiction encore une fois lente et minimaliste, parsemée de plans à répétition et de situations aussi basiques qu’ironiques. La magie ne prend pas cette fois-ci. Dommage…



Déjà présenté à Cannes cette année à La Quinzaine des réalisateurs, Cleveland contre Wall Street part d’un très bon sentiment que l’on soutient mais n’atteint pas son objectif tant le sujet est vaste, compliqué et, pardonnez l’expression, casse-gueule.  Cette docu-fiction unique en son genre reconstitue un procès que la population de Cleveland attend désespérément contre les banques de Wall-Street responsables de la saisie de milliers de maisons suite à la crise des subprimes. Si vous n’y connaissez rien à la finance et à l’origine de cette crise financière, alors ce film est fait pour vous et vous apprendra quelques notions économiques. Etait-ce suffisant pour aller jusqu’à simuler un faux procès avec les vrais protagonistes dans un vrai tribunal américain ? A qui la faute ? Les créanciers ? Les assurances ? Les habitants ? Les politiciens ? Les banquiers ?

Ce film tente de répondre à cette question tout en prenant parti pour la population délaissée par tous et vivant dans la misère. Plus qu’un constat, il s’agit d’une volonté noble de faire bouger les choses, réglementer les systèmes bancaires pour éviter le nombre d’inégalités. On est donc à la fin de projection partagé entre ce désir de dénoncer un monde capitaliste proche de la dictature tout en se gardant bien de prendre ses réserves face à ce monde impitoyable. Ressort une œuvre pouvant apparaître comme dangereuse, partant d’un bon fond mais qui se mord la queue à force de trop vouloir en faire. On félicitera pourtant son réalisateur pour sa détermination et pour le début de son film où il présente les deux partis.


Paris-Cinéma touche à sa fin. Malgré la grève qui a eu lieu au MK2 Bibliothèque samedi dernier, le festival est indéniablement une réussite. Entre ses hommages, ses rétrospectives et sa compétition, la manifestation a offert au public parisien comme chaque année une belle plongée dans le monde cinématographique. En attendant le verdict du Jury lundi soir, nous vous invitons à vous déplacer le 13 juillet à partir de 21h30 au 104 à l’occasion de la fête de clôture du festival pour un ciné-karaoké et un bal orchestré par la rédaction des Inrockuptibles.


Edouard Brane



www.cinedouard.com



Festival Paris-cinéma 2010


[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=thxoj_jxzhc[/embedyt]


Du 3 au 13 juillet 2010


www.pariscinema.org

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