Boris Godounov en fauve blessé à l’Opéra Bastille
©Agathe Poupeney
Le metteur en scène Ivo van Hove, dont on a pu admirer « Les Damnés » à la Comédie Française, monte l’opéra magnifique de Moussorgski dans sa version originale, dépouillée des ballets et des histoires d’amour. Une fable implacable sur le pouvoir, portée par de formidables chanteurs.
Cinéma et gigantisme en direct

©Agathe Poupeney
Ce qui frappe avant tout dans cette production du Flamand Ivo van Hove, c’est le dépouillement du plateau surmonté en son milieu par un monumental escalier rouge sang. De part et d’autre, des draps noirs, au dessus desquels sont installés des écrans géants, projetant avec un effet de loupe les personnages en action en bas. L’heure n’est pas au folklore, et si Modeste Petrovitch Moussorgski (1839-1881) fut un compositeur très attaché à la valorisation de la culture russe, l’histoire qu’il nous conte, d’après Pouchkine et l’historien Karamzine, est celle du désespoir d’un homme valeureux, rongé par la culpabilité et le poids des responsabilité face au peuple russe exigeant et affamé de pain et de justice.
Esclave du peuple et de ses fantômes

©Agathe Poupeney
Il y a du Macbeth dans ce personnage de tsar élu, dans un empire rongé par la corruption et la famine, qui attend son seigneur comme un messie. De Shakespeare que le metteur en scène a monté abondamment, nous voyons la violence sourde, avec la récurrence de la mort du tsarévitch assassiné, et dont la légende russe veut que l’assassin soit Boris. Dès lors, le choix de la scénographie de Jan Versweyveld et des vidéos de Tal Yarden agissent pour souligner l’isolement, la solitude du jeune tsar, humaniste pris au piège de ses idéaux, et finalement victime du peuple injuste et de religieux intrigants et fielleux. La démultiplication des choeurs à l’écran, innombrables visages et corps pesant sur la couronne, et surtout celle des enfants blonds, en sweat rouge, incarnés ensuite sur le plateau, injectent un réalisme obsessionnel et tragique.
Des interprètes magnifiques

©Agathe Poupeney
Incarnant Boris pour la première fois, mais certainement pas pour la dernière, la basse russe Ildar Abdrazakov est un bouleversant héros, qui allie subtilement autorité naturelle et fragilité. Timbre chaleureux et puissant, modulation précise des harmonies et projection parfaite, le chanteur se pose aussi en comédien accompli avec une simplicité et une présence tout à fait remarquables. A ses cotés, l’ensemble des interprètes ne dépareille pas. Sous la baguette précise du chef Vladimir Jurowski qui connait son livret, la Xenia de Ruzan Mantashyan est subliment veloutée, Evdokia Malevskaya prête sa voix cristalline à Fiodor, Maxim Paster compose un Chouïski diablement ambivalent et Ain Anger un Pimène à la voix ténébreuse et ensorcelante, du haut de son mètre quatre vingt dix. Evgeny Nikitin, magnifique Varlam et Dmitry Golovnin, Grigori, sont poignants. Les choeurs de l’Opéra de Paris, s’ils semblent noyés au début dans l’immensité de la scénographie, se rassemblent rapidement en se concentrant au second acte pour être au diapason de ce très beau spectacle.
Hélène Kuttner
Articles liés

Ce week-end à Paris… du 19 au 21 décembre
Art, spectacle vivant, cinéma, musique, ce week-end sera placé sous le signe de la culture ! Pour vous accompagner au mieux, l’équipe Artistik Rezo a sélectionné des événements à ne pas manquer ces prochains jours ! Vendredi 19 décembre...

“Avatar 3 : De Feu et de Cendres”, un tournant majeur pour la saga ?
Avatar 3 : De Feu et de Cendres arrive en salles trois ans après le succès de Avatar 2 : La Voie de l’Eau. Avec de nouveaux territoires, de nouveaux clans et des tensions inédites, James Cameron ouvre un...

“Un autre monde” : un seule en scène de et avec Christelle Korichi au théâtre La Boussole
Christine a longtemps suivi la voie que les autres traçaient pour elle. A force, elle en a presque oublié son rêve : devenir artiste. Mais comment trouver le courage de sortir du cadre et tracer son propre chemin ?...





