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Sherman : “J’ai envie de me sentir utile dans l’écriture”

Clémentine Michel 10 mai 2021
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La rédaction d’Artistik Rezo est partie à la rencontre de Sherman, un jeune rappeur bordelais en quête de sens. Il nous parle aujourd’hui de son rapport à l’écriture et nous partage sa vision de la musique. 

Avant Sherman, on trouve Quentin Ferlay, que rien ne semblait prédestiner au rap : les seules ambiances musicales qu’il connaissait étaient celles de la pop française qu’écoutaient sa mère et sa grand-mère. Pour autant, il a toujours beaucoup écrit, partout et tout le temps, sous la douche ou en marchant. Lorsqu’il déménage à Bordeaux et rencontre Broww, c’est le déclic. Broww c’est son ami et beatmaker, c’est également lui qui gère toute la partie mix et mastering. Pour Quentin, qui a étudié l’art et l’illustration, l’écriture est comme le dessin, ce sont deux pratiques exutoires qui l’ont toujours accompagné : “Je me suis rendu compte que ça m’a vraiment fait du bien de créer, créer, créer”.

N’ayant presque pas de références en rap avant de se lancer, Sherman a su créer un univers bien à lui, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. “Avec le recul, je pense que c’était pas plus mal de pas avoir forcément de “matière” dans ma tête ou de grosses influences, parce que quand on écoute ce qu’on fait Chris et moi, ce n’est pas quelque chose que l’on va entendre partout. C’est peut-être brouillon et ça nécessiterait d’être mieux taillé, mais on se dit qu’on a un petit truc à nous, c’est cool.”

L’artiste s’attache à revendiquer le rap comme exutoire et déplore l’unification que l’on tend à retrouver de plus en plus dans les tendances actuelles : les plus gros succès musicaux semblent pour lui aborder en majorité les thématiques des femmes, des flingues et de la drogue, tant musicalement que dans l’esthétique des clips. Pour Sherman, il faut créer car ça apporte quelque chose et que ça fait du bien : “J’essaie de ne pas faire du déjà-vu, ce qui est difficile aujourd’hui. J’ai beaucoup de mal à produire un rap qui parle d’un truc que je ne vis pas. Je pense qu’on gagnerait peut-être en diversité si les gens s’écoutaient un peu plus”. Reconnaissant volontiers les influences d’Orelsan dans sa manière de romancer un quotidien pourtant ordinaire, Sherman caractérise son univers comme “un mélange d’innocence et de construction, au fil des différentes étapes de la vie”.

Les étapes, ce n’est pas ce qui a manqué, à commencer par le premier confinement. Contre toute attente, celui-ci s’est pourtant avéré productif, puisque c’est à cette occasion que le duo sort son premier EP, Rush One, qui vient célébrer leur première année de son à deux. Un premier projet qui, pour Sherman, “représente bien cette année d’évolution et marque le coup”.

Mais le 2 Juillet 2020, un drame se produit : Quentin subit un violent choc électrique et passe un mois dans le comas. À son réveil, son corps n’est évidemment plus le même, il lui faut apprendre à se reconstruire. Faisant preuve d’une résilience admirable, il nous raconte ses galères : “Il m’a fallu un gros temps d’adaptation parce que j’ai dû réapprendre, et c’est encore le cas aujourd’hui, à travailler avec ma nouvelle voix, mon souffle, réapprendre à me servir de mon corps… Et puis c’est délicat à dire mais maintenant j’ai envie de me sentir utile dans l’écriture. Je pense qu’on a le potentiel pour répandre du bien autour de soi, en fonction de ce que l’on a vécu. Plus on se rend compte de choses, plus il t’arrive des trucs, plus tu vas augmenter ton rayon d’action. Aujourd’hui j’ai envie de faire quelque chose de plus profond, de plus engagé.”

Car si l’artiste reconnaît que l’écriture a toujours eu une dimension cathartique pour lui, celle-ci s’est néanmoins retrouvée intensifiée depuis l’accident : “Déjà avant je n’écrivais pas pour le “plaisir”. Depuis toujours l’écriture m’apparaît comme un bon moyen de “poser” les choses, ça arrête d’aller de droite à gauche. L’accident a accentué ça.”

Interrogé sur le morceau dont il est le plus fier, il nous parle de Merci, son titre ayant remporté le prix régional de l’UGECAM. Ce concours national permettait aux patients du centre de rééducation dans lequel était Quentin d’exprimer par le biais de l’art leur ressenti sur l’accompagnement qu’ils avaient reçu. Quentin nous raconte que son morceau était déjà prêt aux ¾ avant même qu’il ne sache que le concours existait. C’était un moment crucial, en ce qu’il soulevait pour lui beaucoup de doutes et d’interrogations : allait-il pouvoir recommencer à chanter, après avoir été intubé, et avec des problèmes de diction ? D’autant plus que lorsqu’il est passé en hôpital de jour, trop pressé de reprendre, il s’est précipité et s’est fait peur en se disant qu’il n’arriverait plus jamais à chanter. Mais ces interrogations qui l’ont tenaillé pendant six mois se sont envolées devant le nombre de retours positifs après la sortie du morceau.

“Ce son, c’est ma réconciliation avec la musique, ça fait le pont entre ma vie d’avant et ma vie de maintenant. C’est génial d’avoir pu produire ça pour des gens qui m’ont aidé dans cette nouvelle vie.”

Pour autant, Sherman ne compte pas en rester là : “Ce son parlait de cette situation autour du handicap, j’ai eu énormément de retours, ça a été très gratifiant et ça m’a montré qu’il y avait beaucoup de gens derrière à qui ça parlait. Je me suis rendu compte que lorsque je connais bien le sujet, l’écriture est simple, beaucoup plus instinctive. C’est à double tranchant : un sujet comme le handicap, je suis le premier à dire que je n’en ferai pas 4 albums. Ça a bien marché sur ce son et c’est cool mais il faut s’ouvrir à plein de trucs si tu veux en parler correctement.”

Interrogé sur ses projets futurs, Sherman dit prendre son temps, déjà pour se retaper. Sa scène rêvée serait celle du Rocher de Palmer : “Ce que je kifferais, ce serait surprendre mes potes en passant là-bas un jour, vu qu’ils checkent souvent le programme, et qu’ils viennent juste pour me voir. Ce serait le kiff, et puis c’est la maison.”

En attendant la suite, découvrez la chaîne YouTube de Sherman juste ici.

Propos recueillis par Clémentine Michel

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