Avant que le ciel ne nous tombe sur la tête !
© Nicolas Martinez
Optraken est le premier tir groupé du Galaktik Ensemble. Engagements physique et politique avec des moyens poétiques : du cirque comme on l’aime, créatif et percutant !
Après le masque, le casque ? Ici, le sol se dérobe et il pleut des objets de toutes sortes. Le mobilier ne tient pas le choc non plus. Jusqu’aux pendrions qui s’écroulent. Bref, le danger est omniprésent et c’est le chaos le plus total. Dans ce milieu hostile, cinq individus doivent donc ruser. D’astucieux panneaux mouvants servent à la fois de boucliers et de rampes de lancement, de tableaux noirs et d’écrans. Sauf que la machine s’emballe.
L’art de l’esquive
Projectiles, déflagrations, effondrements… Les séquences absurdes s’enchaînent sans temps mort. La cadence devient vite infernale. Cette profusion de plâtre, de pétards et de plastique (sacs, plantes artificielles, bâche…) en dit beaucoup de nos excès : surproduction, surconsommation, bétonisation, pollution… Alors, ces héros des temps modernes font comme ils peuvent : ils jouent leur survie. Rien de moins. Après une multitude de chutes, quelques comas, de nombreux coups et plusieurs décès, le danger plane toujours, jusqu’à la libération de la parole nous incitant à sortir couverts. Oui, casqués !

© Nicolas Martinez
Cette injonction surprend, après l’impuissance manifeste de ces personnages, leur impossibilité à tenir debout, à éviter un obstacle et même à aligner deux mots. Cette prise de parole de circassiens, a priori davantage plutôt portés sur le mouvement, revêt une haute portée symbolique.
Postures et positionnement
Ce collectif d’artistes, dont la complicité a débuté il y a une dizaine d’années à l’École nationale de cirque de Rosny-sous-Bois, invente justement ce qu’ils nomment une « acrobatie de situation », qu’il définit comme le « rapport direct et concret entre un environnement accidenté et la capacité de l’homme à s’y ajuster ».
Si le danger est le moteur de l’écriture dramaturgique, les interprètes jonglent avec les risques pour déjouer le danger. Individuellement puis en groupe, ils finissent par s’organiser et trouver des solutions. En effet, comment faire face à l’imprévisible, mais surtout, résister, au-delà de la nécessaire adaptation ? C’est une vraie prise de position : « L’espoir, nous le convoquons à travers la résistance à l’oppression dans toutes ses stratégies et dans notre indéfectible solidarité », expliquent-ils.
Quant aux postures, elles sont instinctives, animales. Malgré les apparences, la concentration est toutefois extrême. Dérapages, amortis, rebonds, flexions et extensions sont de judicieux stratagèmes pour éviter la chute, rétablir l’équilibre. La performance requiert un réel engagement physique : agilité, souplesse et réactivité. Toutefois, l’exploit ne consiste pas ici à maîtriser un savoir-faire. La qualité du mouvement du Galaktik Ensemble se mesure à l’aune des répercussions dans les publics. Or, Optraken est très percutant.

© Nicolas Martinez
Difficile de sortir indemne d’un tel spectacle, surtout en cette période si particulière ! L’homme moderne est une menace à prendre au sérieux. On le savait, mais on en ressort malgré tout secoué. Heureusement, l’humour nous sauve. La série de situations précaires et drôles s’appuie sur un irrésistible comique de répétitions.
Et tout concourt à la réussite du spectacle : rythme et chorégraphie très bien réglés, bande-son amplifiée, utilisation parfaite de l’espace, lumières ciselées. Bravo, donc, pour tous ces exploits, y compris acrobatiques, cette créativité débordante (dans tous les sens du terme), et à l’équipe technique qui suit une partition réglée comme du papier à musique ! Avec de la compassion pour le régisseur plateau qui doit transformer ce champ de bataille en nouveau terrain de jeu.

© Nicolas Martinez
Créé en 2017, ce spectacle vient d’être repris à Points Communs, nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et Val d’Oise, où des représentations étaient initialement prévues en novembre 2020. Ne pas rater les prochaines (tournée ici) !
Sarah Meneghello
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