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Cédric Fassenet : “L’essence même des Scènes du Jura c’est son projet multi-sites”

25 juin 2020
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© Steeve Cretiaux

À la tête des Scènes du Jura, Cédric Fassenet ne cesse de s’investir pour satisfaire un public toujours plus fidèle.  Cette scène nationale multi-sites promet des spectacles ludiques et conviviales, en favorisant le rayonnement de la culture sur tout le territoire. 

Quel est votre parcours professionnel ? 

J’ai fait de l’animation socioculturelle puis j’ai fait une licence maîtrise de conception et mise en œuvre de projet culturel. Je suis arrivé dans ce métier pas du tout par héritage familial mais vraiment par découverte personnelle. J’avais plutôt envisagé de faire une carrière scientifique mais ça a été un échec alors je me suis redirigé vers ce qui m’attirait vraiment. J’ai réalisé ma maîtrise à Aix et il y avait un module en parallèle qu’on appelle aujourd’hui master. C’était des maîtrise sciences et techniques. J’étais dans la première promotion puisqu’un partenariat entre le Ministère de la Culture et l’université venait de se faire. Nous étions alors sept, ce qui permettait d’avoir un suivi très personnalisé. Mon premier stage a été en Auvergne dans une association appelée Spectacles Vivants qui dépendait du parc régional. C’est à ce moment là que je me suis dis c’était vraiment ça que je voulais faire. Puis j’ai fait un stage à la scène nationale de Marseille. Je suis parti aussi à l’étranger. J’étais adjoint attaché culturel à l’ambassade de France à Jakarta en Indonésie pendant 2 ans. En revenant j’ai intégré la scène nationale de Châlons-en-Champagne. Je suis ensuite venu aux Scènes du Jura en tant qu’administrateur, puis directeur adjoint et maintenant directeur. 

Quelles sont les enjeux auxquels vous faites face en tant que directeur ? 

Les enjeux dépendent des missions des scènes nationales. C’est une mission de service public puisqu’on dépend de fonds publics. Le label est octroyé par le Ministère de la Culture. Il réunit les collectivités territoriales sous trois enjeux principaux : le soutien de la création contemporaine, la diffusion de spectacles et l’éducation artistique et culturelle. L’enjeu, en tant que Directeur, est de faire vivre cela. Il faut également avoir un projet qui soit lié à ces missions mais qui s’applique pour ma part à un territoire comme le Jura. Mon projet s’appelle ‘‘Faire Corps, des sensibilités à l’écoute des espaces de vie’’. Le constat que je fais du Jura, c’est que c’est un vrai puzzle. Il y a des identités fortes par secteur et les Scènes du Jura sont un moment où l’on peut fédérer tout cela. Mon enjeu aujourd’hui c’est ce fameux adage seul on va plus vite, ensemble on est plus forts. 

Benjamin Biolay à la Commanderie de Dole © Steeve Cretiaux

Qu’est-ce qui vous anime dans ce métier ? 

Ce qui m’anime c’est le rapport à l’art et principalement au spectacle vivant. Comment l’art nourrit son quotidien, comment il nous déplace, comment il vient poétiser une journée… À partir d’idées que l’on peut avoir, comment un artiste nous déplace et nous emmène ailleurs, nous émerveille. Tous les jours je me dis si je peux à mon endroit et à mon niveau permettre à un population de vivre cela c’est le principal ! 

Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement des Scènes du Jura ?

L’essence même des Scènes du Jura c’est son projet multi-sites. Nous avons deux lieux principaux : le théâtre de Lons-Le-Saunier et le théâtre de Dole. On déploie sur ces lieux deux tiers de la programmation et principalement tous les projets. Nous nous installons sur d’autres sites dans le département, principalement pour des spectacles, pour le dernier tiers. C’est une vraie particularité, nous sommes la seule scène nationale à avoir plusieurs lieux avec autant de distance. Nous répondons à une politique publique de chaque ville en englobant une politique de mission de service public. Sur Dole et Lons-Le-Saunier, dès la création des scènes du Jura l’idée a été que le public soit mobile. Nous organisons des bus tous les soirs de spectacle entre Dole, Lons-Le-Saunier et Champagnole pour densifier l’offre. Nous en sommes capables car certains spectacles peuvent réunir plus d’un millier de personnes comme à la Commanderie de Dole. En revanche sur les villes plus petites, le spectacle tourne entre Morez, Salins-Les-Bains, Poligny et Saint-Amour car nous sommes sur des capacités d’accueil plus petites. En fait c’est une réelle alchimie que l’on met en place.

Commanderie de Dole © Steeve Cretiaux

Quel est le secret pour proposer un programme culturel touchant un maximum de gens et de générations ?

Le secret c’est d’avoir des possibilités d’entrées complètement différentes, de faire à la fois des grands écarts et des choses plus fédératrices. Par exemple on peut recevoir des gens connus autour d’Homme de théâtre ou de chanson en entre coupant avec des sujet qui peuvent questionner. C’est cet aller-retour constant entre spectacles plutôt enjoués, qui amènent aux rêves et des spectacles à choix plus politique où il y a débat et qui peuvent questionner. Nous invitons les gens à s’ouvrir à toutes les thématiques et non pas qu’à celles qu’ils connaissent et aiment déjà. On l’a vu avec le nouveau cirque où il y avait un petit peu de réticence parfois mais ça s’est débloqué avec le temps. L’accès aussi par la famille permet de fidéliser le public, on a vu des familles venir dans le théâtre ou dans des salles en disant je viens pour mes enfants mais finalement ils se sont aperçus qu’ils pouvaient totalement bénéficier aussi de la culture pour eux. Je pense que les habitués ont vraiment une extrême confiance en la programmation et viennent voir des choses qu’ils ne seraient sûrement pas venu voir la première fois. 

Pensez-vous qu’il est plus compliqué de faire rayonner la culture dans un lieu rural ?

Je ne pense pas. En tout cas pour Les Scènes du Jura, nous avons fait le calcul : tous les habitants peuvent venir voir un spectacle à moins de 20 mins de chez eux. Personnellement pour écrire mon projet de direction je me suis beaucoup inspiré d’un géographe Michel Lussault qui dit qu’il faut arrêter d’avoir ce rapport antinomique entre les villes et la campagne, il peut avoir autant de misère culturelle voir plus au plein cœur d’une ville et autant de créativité en milieu rural. C’est certain que le rapport au quotidien et à la vie sont différents ! Les salles se remplissent aussi plus facilement en ville mais en tout cas dans le Jura il y a une réelle dynamique. Certes, il existe encore des gens qui peuvent passer une année entière sans croiser de spectacles, aller dans une exposition ou une médiathèque car ils n’ont pas cette nécessité là. Aujourd’hui dans le Jura, si on suit toutes les programmations qu’il existe, nous sommes beaucoup plus fournis que certaines plus grosses villes. Aussi, j’ai des amis qui vivent en grandes villes et qui sortent beaucoup moins que des jurassiens ! Déjà parce qu’ils savent qu’ils ont cette possibilités là, mais aussi parce qu’ils sont pris dans leurs transports et dans des horaires beaucoup plus contraints. Nous, en 10 mins nous pouvons effectivement être dans une campagne à s’aérer la tête mais nous pouvons aussi en 10 mins être dans une salle de spectacle. 

Marion Lévy, danseuse et chorégraphe, à la Fabrique de Dole © Steeve Cretiaux

Vous êtes présent sur les réseaux sociaux. Est-ce un moyen de communication essentiel pour Les Scènes du Jura ? Est-ce que vous attirez de nouveaux spectateurs comme ça ? 

Des nouveaux je ne sais pas, mais des gens qui nous suivent et qui vivent le projet et comprennent ce qu’il se passe à l’intérieur de la maison oui ! C’est une manière de créer une dynamique et de garder un lien entre eux et nous. Je me questionne aussi beaucoup sur la multitude de tout cela. On voit bien que toute cette génération qui utilise les réseaux zappe énormément. Ce flux est compliqué à gérer. Cela m’amène vers une autre question qui est la fracture sociale, ce n’est pas forcément une question d’âge mais d’accessibilité technique : nous devons garder un lien qui n’est pas uniquement numérique, surtout en région rurale où cette accessibilité n’est pas à son paroxysme. Pour moi, cela en fait donc un tout, il faut être présent car cela vient confirmer des choses. C’est un outil intéressant certes, mais il n’est que complémentaire.

Quelle est la situation actuelle des Scènes du Jura suite à la pandémie ?

Nous avons essayé de garder le cap. La saison 2020/2021 était écrite avant le confinement, le programme avait été bouclé début mars. Nous avons donc eu à gérer les annulations des spectacles puisque tout a été supprimé de mars à début juillet. Nous nous sommes mis à travailler sur la saison d’après avec un rapport un peu différent. Nous avons approfondi la relation avec les artistes dans un premier temps et en ce moment, nous sommes en train de faire des rencontres entre artistes et partenaires. Nous organisons chaque semaine une rencontre avec l’un des artistes complices de la maison. Nous avons 5 équipes artistiques complices pour la saison prochaine. Nous vivons avec eux un moment où l’on a une expérience pratique avec eux, en plus des présentations de leurs projets artistiques. Ça nous permet d’aller plus loin. Bien sûr, j’attends les nouvelles annonces et directives pour savoir ce qu’il va se passer dans les mois à venir mais en tout cas nous sommes prêts. Nous avons décalé l’impression de notre brochure de saison et notre communication à fin août. Nous avons beaucoup d’espoir.

La médiathèque de Dole © Steeve Cretiaux

Dans la mesure où tout se passe bien, quels sont les projets à venir ? 

Cela va s’axer autour de mon nouveau projet, ‘‘Faire corps des sensibilités à l’écoute des espaces de vie’’. L’espace de vie se définit par des lieux d’habitation et de travail : là où la création et les interconnections se font. Il faut savoir ce qu’il se passe dans ces espaces-là. Nous n’allons pas intervenir de la même façon sur les territoires car les acteurs culturels sont différents. Je souhaite que les gens viennent aux Scènes du Jura pour vivre des expériences artistiques. On a vécu pendant 10 ans avec une thématique forte autour des écrivains de théâtre. Maintenant je souhaite qu’on s’ouvre à d’autres disciplines et à des croisements de disciplines. Je pense à la danse, au cirque, nous allons aussi avoir de l’opéra, des marionnettes… Finalement d’autres formes artistiques qui font la force du spectacle vivant aujourd’hui. Enfin, nous vous donnons rendez-vous le 2 et 3 octobre pour la réouverture des lieux, si tout va bien, avec ‘‘En toute complicité’’ : c’est un événement avec les artistes complices associés à la scène nationale pendant plusieurs années. L’idée est de faire rencontrer les artistes et le public de nouveau. Ainsi, ce sera le lancement de notre nouvelle saison ! 

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Propos recueillis par Charlie Egraz

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