“Débris”, fantasmagorie avec bébé mais sans Dieu
© Romain Kosellek
Sur un plateau empli de jouets d’enfants, Julien Kosellek et Viktoria Kozlova sont de grands enfants perdus en quête de maternité, de tendresse et d’enfance. Ils s’emparent du beau texte de l’Anglais Dennis Kelly avec une rage féconde et une folie qui appelle la vie à dépasser la mort avec des bandes musicales nostalgiques.
Éclats entre rêve et cauchemar

© Romain Kosellek
“Comme les champignons, les enfants poussent sur les déchets. Ils se construisent peu à peu à partir de feuilles pourries, de cannettes de Coca, de seringues usagées et d’emballages de Monster Munch. Ils attendent ensuite que leurs parents les trouvent” explique Michael en découvrant un nouveau-né moribond dans une poubelle. Entre la dramaturge aujourd’hui disparue Sarah Kane, l’autrice Caryl Churchill et le cinéaste Ken Loach, Dennis Kelly dessine des univers volontairement provocateurs où le réel sordide se mue en fantasme surréel, avec des mots et des images adolescentes qui innervent, donne vie et jouissance à une réalité trop laide. Le metteur en scène et acteur Julien Kosellek et la comédienne Viktoria Kozlova sont les deux ados à la recherche de leur enfance et de leurs morts, complices d’une humanité perdue qu’ils se mettent à réinventer. L’un, Michael, en survêtement d’athlète, nous raconte calmement et avec un humour plus noir que ses baskets, comment son paternel s’est crucifié involontairement dans le salon de leur appartement, le jour de son seizième anniversaire, en tirant les ficelles d’un mécanisme ingénieux, perché sur une table et contemplant d’un oeil torve le sang qui dégoulinait de ses membre. Puis c’est au tour de Michelle, sa soeur, en short de jean et collants noirs, de nous conter par le menu le détail de la mort de leur mère, étouffée par un os de poulet alors qu’elle se trouve en train d’accoucher se sa petite fille.
Le talent vivifiant des comédiens
Des parents crucifiés à cause de leurs enfants ici présents, des bébés récupérés sur des tas d’ordure, qu’il faut réchauffer avec son propre sang, les scènes en forme de BD et leurs dialogues surréalistes soufflent en permanence le chaud et le froid, l’horreur et la douceur, le désespoir et la cocasserie. Les deux comédiens jouent avec ces émotions, ces affects poussés à l’extrême, avec une aisance en forme de chorégraphie musicale, décalée et poétique. Des chansons entraînantes, tubes des années 80 et 90, libèrent leur énergie salvatrices qui contrastent avec la gravité et le pathétique de leurs histoires. On navigue ainsi, grâce à la belle énergie des acteurs et leur rage de vivre, dans des eaux troubles où le réel et l’imaginaire tricotent des couches de poésie, tendre et absurde. Les deux personnages disent-ils la vérité ou s’inventent-ils des vies, sont-ils les orphelins de parents réels ou fantasmés ? Quel âge ont-ils donc ? Ces questions ne peuvent bien sûr avoir de réponse, le spectacle nous les projette comme une énigme pour mieux nous interpeler.
Hélène Kuttner
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