L’inattendu De Fabrice Melquiot
Dans cette boîte minuscule qu’est la scène du théâtre les Déchargeurs, la solitude malfamée du deuil prend peu à peu possession de l’espace. Un sol fait de vieux cartons accueille les lamentations de la jeune veuve errant misérablement entre la table, le lit et la chaise. De cette pauvreté du décor va naître la désolation de l’âme.
Comme des oublis, des flacons emplis de mémoire se dispersent dans le monde intérieur de Liane. Flacons après flacons la jeune comédienne seule en scène inonde les murs du souvenir de l’être aimé. La saleté du corps, du geste, du désir et de l’ivresse s’expose au regard du spectateur. De cette scénographie de la mémoire, naît le faux sentiment, celui qui n’est plus et que l’on recherche dans le désespoir. Faite de parfums irréels et candides, Liane joue sur le verbe.
Un jeu trop attendu
La comédienne, Eleonor Agritt exploite avec force l’espace de la scène. D’un phrasé rapide, qui se perd dans la théâtralisation et les cris, la performance peut sembler manquer de tensions, de chutes. Tout y est attendu. Le cri, la larme, la violence contenu, l’ivresse ne laissent malheureusement pas place au vertige que produit la réalité d’un corps blessé par l’absence. Le jeu ne semble que trop visible.
Cependant, c’est avec brio que la comédienne exécute la pièce. Brontis Jodorowski joue habilement avec sa comédienne sur la distance. Entre espaces imaginaires, souvenirs, voyage en Afrique, Liane pénètre les temps et les espaces invisibles d’un même pas et d’une même voix.
Du texte à la voix
Comme on enverrait un baiser à une personne loin de nous, le texte de Fabrice Melquiot se perd dans les méandres de l’adresse inconnue. Un texte fort, solitaire et désespéré.
Dans une Louisiane qui raconte encore les combats entre Noirs et Blancs, L’inattendu est avant tout l’histoire d’un deuil qui n’a pour pays que l’espace des bras du disparu. Loin du racisme et des milices, le souvenir tranquille du couple nous compte la violence du monde.
C’est en monologue que L’inattendu porte à la voix de Liane la souffrance et la lutte. Mais c’est dans un monde irréel, fait de poésie candide que l’auteur nous parle des horreurs du monde. Au milieu de cette politique la pauvre Liane perd, à l’œil de spectateur, de la crédibilité.
Bien que le texte et la scénographie soient en accord, L’inattendu de Brontis Jodorowski manque de chaos, de douleurs et de réalité. Il est cependant important de noter la générosité du jeu d’Eleonor Agritt, qui parvient tout de même à offrir une voix et un corps à Liane.
Livia Colombani
L’inattendu
Texte publié aux éditions de l’arche
Mise en scène : Brontis Jodorowsky
Avec Eleonor Agritt
lumières Rémi Nicolas / costumes Elisabeth de Sa uverzac / musique Edouard Ferlet
Jusqu’au 12 février 2011
Du mardi au samedi à 20h00
Les déchargeurs
3, rue des déchargeurs
75 001 Paris
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