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Une femme de Philippe Minyana – La Colline

27 mars 2014
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lacollinelafemme

Une femme de Philippe Minyana

Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

Avec Catherine Hiegel, Marc Bertin, Raoul Fernandez, Helena Noguerra et Laurent Poitrenaux
   
Jusqu’au 17 avril 2014
Du mercredi au samedi à 21 h

Durée : 1h30

Tarifs : de 9 à 28 euros

La Colline
15, rue Malte-Brun
75020 Paris
M° Gambetta

www.colline.fr

Jusqu’au 17 avril 2014

Elle déambule dans les souvenirs, les morts, le chagrin et néanmoins le sens du grotesque. Sa mémoire est un dédale sombre et captivant, seule la nature qui borde la maison de cette femme triste jette de brusques éclairs.

L’auteur Philippe Minyana a écrit cette pièce pour Catherine Hiegel avec laquelle il va d’aventure en aventure théâtrale toujours avec la même inspiration. L’actrice est entourée de comédiens qui savent s’ajuster à son rayonnement tout en dépliant richement le leur. Même si le texte se déroule autour du personnage de Catherine Hiegel, tous ceux qui surgissent en son intimité trouvent leurs propre voix, leurs propres déchirements ou tonalités. Marc Bertin, Raoul Fernandez, Helena Noguerra et Laurent Poitrenaux interprètent deux voire trois personnages, glissant de l’un à l’autre avec une sorte de virtuosité volontairement discrète, reléguant la maîtrise derrière les rondeurs. Qu’ils incarnent les douleurs de la jeunesse ou les affres de la vieillesse, qu’ils tanguent dans la déliquescence ou sous le charme d’une amie bienveillante, ils montrent les disparitions, les maladies, les chutes, sans heurts ni folie. Ils jouent une tragique partition sans aucune volonté d’appuyer ce caractère, laissant place à une musique de chambre fluide, parfois fantaisiste et par instants risible sans extravagance. L’ensemble décline un univers empli d’une troublante mélancolie, laissant une place feutrée aux ricanements et aux traits de farce. Un goût funèbre serpente sans pour autant appesantir l’atmosphère, laissant la langue de Minyana installer sa langueur et sa tessiture irréelle et fantomatique, bruissante de tendresse décalée ou de douce moquerie.

Une épopée secrète

De cette femme nommée Elisabeth, Philippe Minyana montre les errements dans sa maison adossée à une forêt. Les murs ont été retirés, pour que le spectateur soit à la fois dans le domaine privé et dans l’espace du monde. Le grand lit se trouve ainsi près des arbres et la table où la tourte de viande est posée, jouxte le sentier des joggeurs. Le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo est, tout autant que Catherine Hiegel, l’inspirateur et complice pour lequel l’auteur a écrit cette pièce. Il parvient à décloisonner les lieux en imbriquant la forêt et l’intimité du personnage. Les effets de la nature qui se déchaine, -arbres qui tombent, éclairs –paraissent s’infiltrer sans bruit dans les méandres de la mémoire d’Elisabeth. Le tonnerre gronde, mais sans fracas. Et ce tissage particulier que créé le metteur en scène offre une musicalité qui absorbe le spectateur, comme si les ruptures se donnaient à voir sans casser le déroulement de l’intime, et comme si, inversement, les foudroiements de la vieillesse et de la mort martelaient l’existence sans que s’en émeuve le monde extérieur. Elisabeth vagabonde dans le passé et laisse revenir les morts et les agonies, tout en s’asseyant calmement vers l’amie, celle dont la voix distille le fil de la vie au milieu du labyrinthe décomposé. Le temps se disloque  sans frontières ni césures. Même le père en déchéance physique extrême prend tranquillement place dans ce climat à la fois calme et apocalyptique, croisant les bercements de la vie aux inévitables morsures de la décrépitude de toute chose humaine. Marcial Di Fonzo Bo semble avoir volé longtemps au-dessus des enfouissements secrets d’Elisabeth, les regardant de haut et avec application, en une attention prolongée tout en situant chaque détail dans son environnement. Il les a survolés, cernés, vus en tous leurs cheminements difficiles et au milieu de tous les paysages fondateurs de cette géographie embrumée du souvenir. Il nous restitue cette observation avec une scénographie et un décor qui s’imposent comme le tempo décisif.

Pour tous ceux que la langue de Philippe Minyana séduit ou fascine, Une femme ajoute une nouvelle résonance à cet univers. La pièce ainsi évolue en cadence modérée tandis qu’elle brasse les figures –mari, enfants, parents, amie, qui  ont jalonné la vie d’une femme. Tous s’en vont et reviennent, tous hantent Elisabeth, tous la maintiennent aussi en vie et constituent le puzzle d’une intimité que le plateau harmonise.

Isabelle Bournat

[Visuel : ©Elisabeth Careccio]

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