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Une télévision française : dans la guerre des images

Hélène Kuttner 9 janvier 2022
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©PierreGROSBOIS

Au Théâtre de la Ville, l’auteur et metteur en scène Thomas Quillardet propose une formidable saga autour de la privatisation de TF1 et la guerre des images que provoque la naissance des chaines d’information. Un petit air de nostalgie qui part de la télé de papi aux transformations modelées par le désir du public. Une joyeuse troupe de onze comédiens nous embarque sans un temps mort : à découvrir d’urgence.

Le nuage de Tchernobyl


©PierreGROSBOIS

Tout commence par « l’incident » de l’explosion de la centrale ukrainienne de Tchernobyl qui va « contourner l’Europe et épargner la France ». La rédaction de TF1 s’interroge, le service économique élude la question, le service d’informations générales reprend le communiqué lapidaire du gouvernement, tout ceci vient de très loin, d’une vieille centrale située en URSS en 1986 et tout le monde s’en fout. Mais comme dans toutes les rédactions, les suivistes sont dépassés par les lanceurs d’alerte et l’une d’elle, sensible à l’écologie, décide tout de même de partir à la frontière franco-allemande en s’interrogeant, avec deux salades montrées à l’écran, sur le fait que les Allemands ont déclaré leurs salades contaminées par la radio-activité. Le spectacle écrit par Thomas Quillardet et interprété par de pétillants comédiens nous raconte tout cela, la paresse de certains journalistes, la ténacité des autres qui parfois sont encore pigistes, la place de la séduction d’une « une » dans des débats souvent houleux où il faut découvrir sans déranger ni affoler les téléspectateurs. Bref, le quotidien de nombreuses rédactions.

Trente années d’archives

©PierreGROSBOIS

Une télévision française s’offre comme une comédie ironique et caustique qui plonge à travers l’histoire de la chaîne française la plus populaire, TF1, durant les deux septennats de François Mitterrand, de 1986 à 1994.  Le travail de création s’appuie sur des archives INA et des entretiens avec une trentaine de journalistes. Le résultat est réjouissant car drôle, enlevé, vrai et faux à la fois, car tout reste théâtre sans aucun écran ni archive filmée. On reconnaît Michèle Cotta, PPDA, Francis Bouygues, Bernard Tapie, Anne Sinclair, mais tous les autres personnages sont composés avec fantaisie et une bonne dose de réalisme. Et c’est ce mélange, au fil du rasoir, entre réalisme et fiction, qui fait le sel du spectacle. On assiste, en direct, aux conférences de rédaction du jour, à l’examen collectif des sujets, à la compétition des journalistes pour faire passer leur projet ou encore à la jalousie des reporters qui sont choisis pour être correspondants à Washington. Comme dans toute entreprise, les jeux de séduction et de pouvoir dominent, au détriment parfois de la recherche ardue d’une information véritable et avérée. 

Le basculement des années 1990

©PierreGROSBOIS

Cette course à l’audimat, aux sujets qui vont plaire dans la proximité géographique des téléspectateurs, c’est la dérive subtile provoquée par le surgissement des gros entrepreneurs comme Francis Bouygues pour palier le déficit des budgets de l’Etat et le manque d’idées novatrices. A travers la présence de Bernard Tapie qui conseille Bouygues pour l’attribution de la chaîne la plus populaire, c’est aussi une autre idée de l’information qui se teinte de divertissement, de publicités colorées, jouées en direct sur le plateau, en même temps que débarque la série Dallas. Mais le spectacle, qui dure trois heures avec un entracte, déroule les scènes avec une tendre empathie pour les protagonistes, pour certains reportages biaisés ou des informations déguisées. Comment maintenir une indépendance et une authenticité de l’information quand on travaille dans de magnifiques locaux, avec de bons salaires, du matériel et des ordinateurs flambants neufs, payés rubis sur l’ongle ? C’est tout cela que cette pièce évoque, avec humanité et humour, vivacité et un engagement percutant de comédiens caméléons jouant plusieurs personnages. Un régal de création qui amuse tout en nous faisant beaucoup réfléchir.

Hélène Kuttner

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