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« Cendrillon » et « Peau d’Âne » au bal des princesses

Hélène Kuttner 16 décembre 2018
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©Julien Benhamou

A l’Opéra Bastille et au Théâtre Marigny nouvellement réouvert, le ballet de Prokofiev chorégraphié par Noureev et la comédie musicale de Jacques Demy composée par Michel Legrand ravissent les jeunes et les adultes, venus en famille pour un moment de rêve sublimé par le talent d’interprètes accomplis. La Cendrillon de Noureev rêve de Hollywood et Peau d’Âne de liberté, toutes deux enfermées dans une prison misérable ou dorée. Deux magnifiques spectacles pour les fêtes.

Cendrillon et le rêve américain

Une maison bourgeoise transformée en studio de cinéma, un prince charmant devenu acteur vedette d’Hollywood, un producteur au cigare qui négocie des contrats en or massif, tandis que King Kong et des starlettes aux rêves XXL s’animent en cadence sur le podium d’un décor hallucinant, telle est la vision cinématographique du danseur russe Rudolph Noureev quand il crée le ballet à l’Opéra de Paris en 1986. 

©Sebastien Mathe

L’héroïne de Perrault, malheureuse souillon, est ici entourée d’un père timoré et alcoolique, de soeurs envieuses et égoïstes et d’une mère tyrannique. Sur la superbe composition de Prokofiev, le chorégraphe fait du rêve princier de Cendrillon un rêve de jeune fille d’aujourd’hui qui rencontre, en guise de bonne fée, un producteur de cinéma. La métaphore fonctionne parfaitement et les superbes décors de Petrika Ionesco, qui oppose les couleurs bleutées et ocres de la maison de Cendrillon aux éclats vifs, flashy et vintage des studios de cinéma où des silhouettes dénudées et géantes de pin up nous offrent leur postérieur rebondi.

©Yonathan Kellerman

Les costumes d’Hanae Mori, les lumières de Guido Levi sertissent à merveille les danseurs étoiles. Dorothée Gilbert, éblouissante de grâce et d’élégance lors de la première dans le rôle-titre, fragile et forte à la fois dans sa triste robe toute grise, divine dans ses fourrures ; Valentine Colasante et Myriam Ould-Braham, insupportables de méchanceté et de jalousie féroce, incarnent les deux soeurs et Hugo Marchand, le fiancé séduisant et séducteur, explose dans ses sauts et ses jetés spectaculaires, magiques. François Alu, danseur à la forte personnalité dramatique, est un producteur parfait. Mais tous les tableaux, les douze heures de l’horloge fatale personnalisés par des danseurs, les plateaux de tournage, la taverne espagnole, révèlent de très beaux moments avec des scènes de groupes ou duos. Même si l’inventivité chorégraphique cède ici la place à l’aspect visuel, fantasmagorique de l’histoire, le spectacle est un vrai bonheur.

Une Peau d’Âne inspirée directement du film

Le nouveau directeur du Théâtre Marigny s’y connait en féeries musicales. Celle qu’il nous propose actuellement est mise en scène par l’Espagnol Emilio Sagi, le créateur de « The Sound of Music », formidable comédie musicale qui enflamma le Châtelet il y a quelques années. Entouré de ses fidèles collaborateurs, Daniel Bianco pour les décors et Pepa Ojanguren pour les costumes, il adapte le film de Jacques Demy dont Catherine Deneuve avait créé le rôle titre face à Jean Marais (le Roi) et Delphine Seyrig (la Fée). La jeune Marie Oppert, qui jouait Geneviève dans « Les Parapluies de Cherbourg », est une princesse parfaite, visage poupin et fraîcheur lumineuse, technique vocale et interprétation sensibles et vives. 

©Julien Benhamou

L’ex-danseur étoile Michaël Denard, par ailleurs excellent comédien, incarne le Roi bleu, possessif et perdu d’amour pour sa fille, quand Emma Kate Nelson, remarquée dans « Singing in the rain » au Châtelet, est la Fée des Lilas et la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, qui vient de faire ses adieux à l’Opéra de Paris, apparaît pour la première fois en tant que comédienne pour le rôle de la Reine rouge, tenu dans le film par Micheline Presle. Du beau monde donc, venu de la danse et du chant, pour incarner ces personnages mythiques, hauts en couleurs, mais aussi des médias avec la présence de Claire Chazal pour camper la  rose et la narratrice. On notera l’interprétation spectaculaire de l’actrice Christine Gagnieux (la vieille femme), yeux charbonneux et tignasse de feu, qui nous plonge dans le fantastique inquiétant des contes de fées.

©Julien Benhamou

Le travail sur les décors, arbres fantastiques de la forêt, campagne rêvée, rideau de scène en perles fines et miroirs infinis pour dessiner la campagne environnante, avec de somptueux éclairages, est formidable d’invention et d’efficacité. Les scènes ont été actualisées, telles la trottinette de Peau d’Âne qui déambule dans des robes totalement sublimes. Moment divin et très attendu, celui du gâteau d’amour dans lequel le personnage glissera un anneau d’or et que Marie Oppert mitonne avec gourmandise et coquetterie. Le public chantonne les paroles de Perrault mises délicieusement en musique par Michel Legrand, et que Thierry Boulanger ou Patrice Peyrieras dirige, avec les choeurs et l’Orchestre du Théâtre Marigny. Nostalgie quand tu nous tiens !

Hélène Kuttner

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