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Artymori, quand le voyage se transforme en échappée onirique

Au départ, Artymori était un pseudonyme de voyage, emprunt de l’univers littéraire et vagabond de Jack Kerouac. Aujourd’hui, c’est le nom d’une artiste peintre qui, avec une poésie infinie, illustre la mythologie autochtone et questionne notre humanité en la reliant au vivant.  

Quand et comment ta sensibilité à l’art s’est-elle développée ?

Même si cette réponse est tout sauf inattendue, je pourrais dire “depuis toujours”. J’ai été élevée par un père qui avait le temps de pratiquer le dessin, mais aussi de m’initier, très tôt, à cette approche artistique. L’expression orale n’a jamais été mon fort, c’est le dessin, les coups de crayon, qui élèvent ma voix et véhiculent mes émotions. Les études en Arts Appliqués et en Communication Visuelle, que j’ai naturellement suivies, étaient un moyen d’associer ma passion à une orientation qui me semblait plus concrète. Si cette voie m’a extrêmement plu, cela m’a manqué, d’expression artistique pure.

© Artymori

Tu as fait un périple de sept ans à travers les Amériques ; qu’est-ce-que le voyage t’a apporté en termes d’inspirations ?

Avant tout apport artistique, ce voyage répondait davantage à un désir profond de reconnexion avec moi-même ; une sorte d’aventure initiatique, une recherche identitaire à l’autre bout du monde. Je m’accompagnais toujours de carnets de voyage qui me permettaient de créer spontanément, au gré des rencontres et des paysages peu importe où je me trouvais.

Pourquoi l’Amérique spécifiquement ?

Certains sont attirés par l’Afrique ou l’Asie. Quant à moi, ce sont les grands espaces et l’imagerie des peuples amérindiens qui me fascinent. Je m’inspire énormément de la façon dont ces tribus autochtones sont reliées à la nature et aux esprits, mais également de leur cosmogonie (ensemble de mythes relatant de la naissance de l’univers) et de leurs traditions totémiques. Toute chose est sacrée et la notion de communauté est fondamentale ; ce sont des valeurs qui m’ont toujours parlée. Je m’intéresse notamment aux légendes prophétiques ; chaque élément, qu’il soit végétal ou animal, a une âme et une histoire singulière.

© Artymori

D’ailleurs, tes portraits mêlent souvent l’humain à l’organique ; pourquoi cette hybridité ?

C’est en recréant une unicité entre les êtres végétaux et humains que je parviens à revenir aux origines du vivant, tout en illustrant les grands mythes cosmogoniques que j’évoquais juste avant. Avec ces formes hybrides, je replace les êtres vivants dans un rapport d’égalité ; les éléments se répondent et une synergie planétaire transparaît ainsi dans mes œuvres. Je pense également que les composants végétaux et animaux représentent certains aspects de la psychologie humaine ; tout est une question de symbolique. Le monde organique est autant de forces et de signes qui me permettent de décrypter les natures humaines. Les oiseaux correspondent aux élans oniriques, les animaux marins aux émotions enfouies…

Dans ce cas, pourquoi la nature que tu exposes semble dévitalisée ? Avec des ossements ou des racines. 

Les ossements, du fait qu’ils résistent au temps et qui ne peuvent être retirés à l’être, constituent l’âme du vivant. Ils nourrissent aussi toute cette dimension sauvage que j’apprécie beaucoup. En associant des figures d’enfants à des matières mortes, je mets en avant le caractère cyclique de la vie. C’est lorsque se côtoient de tels contrastes qu’émergent d’intéressants questionnements chez le spectateur.

© Artymori

Tes personnages ont généralement l’air attristé ; cherches-tu à critiquer des réalités ?

Je me concentre plus sur la psyché mais, puisque c’est un thème qui nous lie universellement, mes dessins évoquent des thèmes plus globaux et historiques. À défaut d’être engagé, mon art témoigne d’une quête d’humanité et de ma propre identité. Lorsque je dessine, j’accorde une grande importance à la profondeur du regard de mes sujets afin de saisir celui du spectateur, de l’inciter à s’identifier.

© Artymori

Quel est ton processus artistique ? 

Ma pratique se fonde sur le travail de la composition, de la beauté de la forme et sur l’utilisation d’un registre essentiellement figuratif. Ce sont mes études en graphisme qui influencent ma manière de composer. Finalement, l’atmosphère poétique de mes visuels est, je pense, ce qui caractérise le mieux mon art. Elle fait appel au vécu individuel du spectateur, autant qu’à sa libre interprétation.

Des projets à venir ou de nouvelles envies de voyages ? 

Le voyage ne cessera jamais de m’inspirer ; je pense surtout au Népal, à l’Himalaya ou au Brésil également. D’ailleurs, je retourne régulièrement au Chili pour un important projet de fresques murales. J’ai beaucoup travaillé sur du petit format, plus commode lors de mes escapades, mais le dessin sur de grandes surfaces, que j’exploite en ce moment, me plaît extrêmement. Le confinement se prêtant idéalement à l’introspection, j’ai ressenti le besoin de créer autour d’un thème nouveau : la figure féminine. De la place qu’on lui accorde en société, de la conscience de son genre à l’expression de son corps, ce sont des images que je voulais valoriser.

Pour découvrir le travail de l’artiste : son site internet et son Instagram. 

Propos recueillis par Jade Vigreux 

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