“Il Trittico” à l’Opéra Bastille : un spectacle splendide où triomphe Asmik Grigorian
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Lors de la première, la soprano Asmik Gregorian a provoqué autant de larmes dans le public qu’elle n’en a versées, les yeux sanglants, dans la scène finale de « Suor Angelica ». Cette artiste phénoménale triomphe dans les trois courts opéras présentés dans le triptyque de Puccini que met en scène, avec une belle élégance, Christof Loy. Le chef d’orchestre Carlo Rizzi dirige royalement l’orchestre et les autres chanteurs : c’est une triple merveille.
L’étoile de la Bastille

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Elle se nomme Asmik Grigorian, elle est originaire de Lituanie, et c’est peut-être la voix la plus originale, la plus marquante qu’il nous a été donné d’entendre jusqu’à présent à Paris. Dans cette production qui a été présentée en 2022 au Festival de Salzbourg, la soprano interprète trois rôles radicalement différents. Dans Gianni Schicchi, comédie sordide qui réunit tous les membres d’une famille florentine autour d’un défunt fortuné, elle est Loretta, une jeune fille toute simple qui doit épouser le fils de cette famille d’aristocrates guettant avidemment l’argent de l’héritage. Dans Il Tabarro, elle est Giorgetta, la jeune épouse malheureuse du batelier Michele, et console la perte de leur jeune enfant dans les bras de son amant Luigi, lui-même employé par Michele. Fraîche et piquante, alerte et sexy, c’est un rayon de soleil dans la pénombre de cette nuit parisienne au bord de la Seine, où éclatera un drame. Enfin, dans Suor Angelica, elle incarne la douleur de cette jeune none, cloitrée depuis sept ans dans un couvent en raison du préjudice qu’elle a fait subir à sa famille aristocrate, depuis qu’elle a donné la vie à un garçon hors mariage. Dans ce personnage pétri d’une immense douleur, qu’elle va faire éclater lors de l’entrevue avec sa tante en apprenant soudain la mort de son fils, la soprano déploie progressivement une rage dévastatrice, sa voix devient une vague ardente qui emporte tout, des graves aux aigus, suspendue à une gamme d’émotions frémissantes.
Une mise en scène réjouissante

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Tout colle, tout vit dans ce triptyque dont Christof Loy, le metteur en scène, a habilement modifié l’ordre des œuvres, épousant par là-même les trois parties de la Divine Comédie de Dante, grand inspirateur de Puccini. L’Enfer, avec la cupidité des Florentins avides d’héritage, le Purgatoire avec le trio amoureux prisonnier de ses démons et le Paradis grâce à la libération de la Vierge et l’expérience du sacré, débarrassé des scories de l’existence. Il faut dire que le reste de la distribution est de haut vol, autant du point de vue vocal que de l’incarnation dramatique. Misha Kiria, baryton géorgien a la voix puissante et au physique imposant, est un génial Gianni Schicchi, autoritaire et roublard, qui se retrouve dans le lit du défunt pour contrefaire le mort et modifier l’héritage. Dans l’espace dénudé d’une immense chambre trône un lit monumental, véritable pot de confiture autour duquel tous s’agitent. La vieille Zita, incarnée par la formidable Enkelejda Shkoza, que l’on retrouve également dans les deux autres œuvres, et son neveu Rinuccio, que chante le merveilleux ténor russe Alexey Neklyudov, mais aussi Lavinia Bini, Manel Esteve Madrid, Scott Wilde ou Theresa Kronthaler, emportés dans un tourbillon scénique à la vivacité trépidante, véritable comédie à l’italienne qui déraille joyeusement et cruellement, pour notre plus grand plaisir.
Péniche et pénitence

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Il Tabarro nous transporte sur les quais de la Seine, avec une péniche installée sur le plateau, dans un espace ouvert et fluide. Les décors signés Etienne Pluss, les lumières au cordeau de Fabrice Kerbour, font circuler et vivre les personnages. Le Michele de Roman Burdenko est déchirant de violence et de gravité, timbre sombre et profond comme la nuit, tandis que face à lui Joshua Guerrero se révèle un Luigi déchirant, passionné et désespéré. Quel beau duel ! Du côté féminin, Karita Mattila, soprano finlandaise, fait une apparition souveraine dans le personnage de la Zia Principessa du dernier opus. Le duel psychologique entre Zia et Angelica est sans doute le moment le plus magnétique, le plus poignant de l’opéra. Dans la fosse, le chef italien Carlo Rizzi déploie une direction orchestrale à l’ampleur majestueuse sans jamais en oublier la précision du phrasé, les délicates nuances de tonalité que fait subir le génial musicien, déjà épris de modernité. Comme toujours, les chœurs dirigés par Ching-Lien Wu frisent la perfection et pour une fois, on ne boudera pas son plaisir en saluant l’ensemble de cette production coproduit avec le Salzburger Festspiele. Quelle réussite !
Helène Kuttner
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