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Christine Lemoine : “On offre ce qui existe : nous sommes des passeuses”

Christine Lemoine et Catherine Florian ont fondé en 2004 une librairie française ayant pour thématiques principales le féminisme et l’homosexualité, la première en France, semble-t-il, à réunir ces deux questions. En plus d’une sélection pointue et informée, elles organisent de nombreuses rencontres et évènements qui rassemblent un public varié intéressé par les questions liées au genre. Christine Lemoine nous a parlé des spécificités de l’organisation de la librairie et de ce qu’elle reflète du féminisme en France aujourd’hui. 

Comment décidez-vous des livres que vous mettez en vente ? 

Dans tous les rayons que l’on propose, nous sélectionnons des ouvrages féministes ou qui traitent des questions LGBT. On est aussi particulièrement attentives aux livres écrits par des femmes, bien que bien entendu, ce ne soit pas le seul critère qui nous décide à les sélectionner. Il y a également des livres qui ne sont pas forcément dans nos thématiques mais qui ont des personnages de femmes intéressants, ou des livres qui traitent des questions de la discrimination de manière générale. On choisit aussi des romans d’auteurs ou d’autrices qu’on aime bien et qu’on a envie d’avoir.

Par ailleurs, nous ne souhaitons pas être la librairie d’une tendance unique et les livres sont choisis indépendamment de nos opinions personnelles. On propose des livres qui peuvent se contredire entre eux. On offre ce qui existe : nous sommes des passeuses. 

Quels sont les enjeux auxquels les libraires indépendants qui plus est féministes, doivent faire face ? 

Pour nous, tout l’enjeu est dans le maintien de l’équilibre entre, d’une part, la dimension commerciale avec la nécessité de vendre les livres pour perdurer, pour payer le loyer, pour vivre et puis d’autre part la partie engagée : la défense des livres qui ne sont pas forcément mis en avant ailleurs que nous avons envie de promouvoir. Parfois cela consiste à défendre des petits éditeurs, ou à choisir des livres pour leur qualité littéraire. Le défi consiste donc à conserver ces deux aspects parfois contradictoires qui sont fondamentaux. L’identité de la librairie n’existerait pas s’il n’y avait pas la notion d’engagement qui reflète aussi nos positions mais pour continuer de perdurer il faut maintenir l’autre dimension, plus terre à terre, commerciale. 

Quel impact le confinement a-t-il eu sur votre activité ? 

Je pense que le confinement a le même impact pour tout le monde. Le premier mois, notre chiffre d’affaires était de zéro. On a un peu repris les commandes sur internet avec un retrait à la librairie en plus des envois postaux. L’enjeu pour nous est surtout pour l’après réouverture. Notre clientèle ne vient pas uniquement du quartier, elle vient de toute la région, de toute la France et même de l’étranger. Comme les déplacements vont encore être arrêtés pour quelque temps je pense qu’il y aura plus de commandes à envoyer. Notre travail va être plus ingrat et moins intéressant puisqu’on sera moins dans la librairie pour conseiller alors que cela constitue une partie très importante de notre travail. 

À ce propos, quels ouvrages conseillerez-vous à des personnes qui veulent avoir une première approche du féminisme ? 

Il y en a toujours plusieurs. Pour conseiller, on essaie toujours de savoir quel type de lectrice ou de lecteur on a en face de nous. Cela dépend beaucoup des habitudes de lecture de chacun, certains préféreront un ouvrage grand public d’autres un article plus universitaire… Pour celles et ceux qui préfèrent les bandes dessinées le livre d’Anne-Charlotte Husson et Thomas Mathieu qui s’appelle Le Féminisme présente un bon panorama et une première approche complète. Sinon, il y a aussi King Kong Théorie de Virginie Despentes qui reste toujours depuis des années une très bonne référence. 

Avez-vous remarqué un changement dans la fréquentation de la librairie depuis le mouvement #MeToo ? 

Cette évolution avait commencé avant en réalité, depuis presque six ans maintenant. Je pense que #MeToo n’est pas arrivé par hasard : il y avait quelque chose de mûr qui avait évolué les années précédentes, il y avait déjà une sensibilité et une sensibilisation qui avait été faites avant. Il y a un réel mélange d’âges dans la fréquentation de la librairie mais c’est vrai qu’il y a une clientèle de jeunes qu’on a vu arriver de plus en plus nombreuse. L’augmentation de la fréquentation de la librairie n’a fait que se confirmer après #MeToo. 

Plus d’informations sur la librairie sur le site internet.

Propos recueillis par Valentine De Gobbi 

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