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Dix spectacles à découvrir dans le théâtre privé

Hélène Kuttner 23 octobre 2019
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© J. Stey

Classique ou contemporain, cérébral ou boulevard, les théâtres privés rivalisent de spectacles en tous genres et pour tous les goûts en cet automne 2019. Nous avons sélectionné pour vous 10 créations particulièrement réussies, pour vous aider à faire votre sélection et à passer de bons moments.

N’écoutez pas, Mesdames

© Céline Nieszawer

Un Sacha Guitry servi par Michel Sardou dans le rôle de l’auteur, entouré de Lisa Martino dans le rôle de l’épouse et de Nicole Croisille dans celui de l’ex-modèle de Toulouse-Lautrec, revenue pour vendre son portrait d’époque. Cette fois, c’est Sacha Guitry lui-même qui raconte son histoire en s’adressant aux spectateurs, et Michel Sardou, en vieux matou revenu de tout, l’œil brillant d’ironie, nous régale de son intelligence et de sa perfidie à l’égard des femmes, mais aussi des hommes. Dans un décor débordant d’imagination et d’objets insolites se croisent des amants infidèles, une ex-épouse perchée et un bellâtre à l’instabilité légendaire. Un vrai bonheur de vérité humaine, drôle et très bien joué.

Théâtre de la Michodière, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h30


La Dame de chez Maxim

© Jean-Louis Fernandez

Zabou Breitman s’attaque à l’un des chefs-d’œuvre de Georges Feydeau et c’est Léa Drucker qui endosse le rôle incroyable de la Môme Crevette, danseuse du Moulin Rouge par qui le scandale arrive. Seize acteurs servent à un rythme effréné cette course folle du Docteur Petypon, auquel Micha Lescot prête son immense corps désarticulé, depuis le réveil jusqu’au cauchemar total, avec une femme bigote et totalement allumée (Anne Rotger), un Général au militaire grivois (André Marcon) dans un décor loufoque et végétal d’Antoine Fontaine. Entre burlesque et fantastique avéré, un spectacle réjouissant pour tous les âges.

Théâtre de la Porte Saint-Martin, horaires variables, dimanche à 16h


7 ans de réflexion

© Céline Nieszawer

C’est le temps qu’il faut pour décider Richard Sherman, incarné par l’excellent Guillaume de Tonquédec, pour savoir s’il peut ou non tromper son épouse, partie en vacances, avec une ravissante comédienne qui fait tomber un pot de fleurs sur son balcon. Immortalisée par Marilyn Monroe dans le film de Billy Wilder, la pièce de George Axelrod (1952) retrouve dans la mise en scène de Stéphane Hillel et l’adaptation de Gérald Sibleyras une saveur particulière grâce à la ravissante Alice Dufour, totalement craquante et savoureuse dans le rôle de la voisine. L’homme et ses fantasmes, la difficulté du passage à l’acte, les faux-semblants et la brûlure du désir sont les ingrédients de ce dialogue aux petits oignons qui paraît décidément indémodable.

Bouffes Parisiens, du mardi au samedi à 20h30, samedi à 16h30 et dimanche à 15h


Palace

© Pascal Chantier

La série avait fait un malheur sur Canal Plus dans les années 80, l’histoire de clients remplis aux as envahissant un palace de bord de mer, échangeant leurs névroses et histoires de sexe, mais aussi leurs théories sur la politique ou les conversations de bistrot. Valérie Lemercier, Jean Carmet, François Morel, Ged Marlon, Jean Yanne ou Pierre Arditi y faisaient des apparitions mémorables et la série a bien failli être rachetée aux États Unis. Aujourd’hui, Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio remettent le couvert pour rassembler et adapter les sketchs à l’époque actuelle, sur le plateau du Théâtre de Paris. Dans un décor hallucinant de kitch et de ridicule, une vingtaine d’acteurs chanteurs et danseurs réinventent cette chorégraphie vitale de nos déboires matériels et humains. On rit beaucoup, les jeux de mots et les calembours pétaradent, et on est ébahi par la virtuosité des ballets de soubrettes sexy et de garçons de café délirants. On est chez Dalida et Michael Jackson, en passant par la Castafiore ou Jean d’Ormesson. Un régal d’esprit et de panache.

Théâtre de Paris, du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30


L’Heureux stratagème

© Bernard Richebé

L’une des plus complexes comédies de Marivaux à l’affiche d’un des plus beaux théâtres de Paris qui nous a habitués à des créations contemporaines ! À croire que le virtuose auteur du 18e siècle, spécialiste des affaires de cœur, a encore de quoi nous séduire. L’excellent metteur en scène Ladislas Chollat dirige un casting de rêve : Sylvie Testud dans le rôle de la Comtesse et Éric Elmosnino forment un couple assez libéré pour n’en faire qu’à leur tête, imités en bonne intelligence par leurs valets dont la seule crainte est de perdre leurs avantages financiers. Peut-être est-ce en raison de la violence des sentiments et du féminisme avéré de la Comtesse que la pièce se déroule ici dans les années 1920, dans une villa luxueuse avec terrasse ombragée et musique jazzy ? L’individualisme et le rôle de l’argent sont déjà des moteurs et l’on suit avec ravissement l’évolution de ces personnages qui luttent pour leur vie, toutes griffes dehors et dans un français superbe.

Théâtre Édouard VII, du mardi au samedi à 20h, samedi et dimanche à 16h, à partir du 12 décembre à 21h


En garde à vue

© Lot

C’est un huis clos tiré du roman Brainwash de John Wainwright et dont Claude Miller avait réalisé le film adapté par Michel Audiard, avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider. L’histoire est remarquablement écrite et évolue autour de trois personnages pris dans l’étau de leurs certitudes ou de leur vérité. Bergerot, le maire d’une petite ville du Nord de la France, bien sous tous rapports, est convoqué au commissariat le soir de Noël par le commissaire Toulouse et son adjoint Berthil à la suite d’une série de viols et de meurtres de jeunes filles. Comme par hasard, le maire était à chaque fois sur place en découvrant leurs corps et il fait un suspect évident, malgré ses dénis successifs. Charles Tordjman dirige au cordeau un trio d’acteurs épatants, dont Thibault de Montalembert, égaré et abasourdi dans le rôle du maire, compose un formidable bouc émissaire. Autour de lui, Wladimir Yordanoff est le commissaire porté sur la bouteille et Francis Lombrail l’inspecteur revanchard et brutal. Marianne Basler, seule femme dans ce jeu de massacre, fait des apparitions mémorables en épouse ambiguë. Réfrigérant et édifiant exercice théâtral sur la justice.

Théâtre Hébertot, du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h30


Madame se meurt

© Pascal Victor / Artcom

Quelle belle idée ont eue Marcel Bozonnet, acteur et metteur en scène, et Olivier Beaumont, claveciniste, de porter à la scène l’oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre, jeune femme de 26 ans fauchée brutalement par un empoisonnement, dans la splendeur de sa jeunesse et de son épanouissement. Bossuet, qui connaissait Henriette, première femme de Philippe d’Orléans, frère cadet de Louis XIV, écrit une oraison d’un lyrisme fou, débordant de douleur et d’éloges. “Vanité des vanités, et tout est vanité ! C’est la seule parole qui me reste ; c’est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur.” Marcel Bozonnet prête à Bossuet son talent de comédien tragique, vibrant et charnel, tandis qu’Olivier Beaumont joue les compositeurs de l’époque, Purcell, Marin Marais, Charbonnières, mais aussi le très contemporain Thierry Pécou, pièces que la soprano Jeanne Zaepffel interprète en toute simplicité et dans la grâce de sa jeunesse. Un trio lumineux et inspiré, une plongée dans la beauté tragique.

Théâtre de Poche Montparnasse les lundis à 19h


L’un de nous deux

© J. Stey

En juin 1944, deux hommes partagent le même appartement, une prison pour des otages du gouvernement nazi qui peut à tout moment les expédier vers la mort. Léon Blum, le socialiste, et Georges Mandel, le ministre de Clemenceau, homme de droite, doivent se côtoyer chaque jour malgré l’opposition de leurs idées et de leurs croyances. Un seul trait d’union les réunit, ils sont tous deux ennemis farouches de Pétain et du gouvernement de Laval. C’est l’objet de cette mise en quarantaine au seuil de la mort. L’historien Jean-Noël Jeanneney a composé un dialogue d’une intensité inédite, riche de références et d’histoire rétrospective, entre deux hommes d’une valeur étonnante. Sachant que la victoire est désormais acquise en 44, ils refont le passé, le colmatent en passant en revue leurs failles et leurs succès, et pariant sur un monde meilleur. Christophe Barbier, ex-directeur de L’Express et éditorialiste, se révèle un comédien impressionnant de vérité et de combativité dans le rôle de Mandel, face à Emmanuel Dechartre d’une bouleversante humanité dans celui de Blum. Quelle joute intellectuelle ! Quel combat d’idées et de vies confrontées à l’Histoire ! C’est tout simplement magnifique.

Petit Montparnasse, du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h


Rouge

© J. Stey

Le grand comédien Niels Arestrup joue le peintre Mark Rothko dans son atelier de New York, alors qu’il vient d’accueillir un étudiant qui doit l’assister dans la réalisation de ses toiles. “Il y a une tragédie dans chaque coup de pinceau”, clame l’artiste au jeune homme dans un accès de rage passionnelle. Dans une scénographie somptueuse, un camaïeu de rouges signé Jacques Gabel, Arestrup est un lion en cage, fulminant d’intelligence et d’exigence artistique, injuste et pédagogue vis-à-vis de son jeune assistant qu’incarne avec beaucoup de talent et de modestie Alexis Moncorgé. Il faut courir admirer cette bête de scène, fiévreux et incandescent dans le rôle de l’artiste, dans cette pièce passionnante de John Logan que met en scène Jérémie Lippmann.

Théâtre Montparnasse, du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h30


Je pionce donc je suis

© Michaël Hirsch

Après Pourquoi ?, son premier spectacle, Michaël Hirsch a décidé de poursuivre sa quête artistique en inventant un double de lui-même, non pas “homo sapiens” mais “homo ça pionce” puisque comme chacun sait “l’homme descend du songe” ! Le jeune humoriste n’a rien perdu de son talent de manipulateur des mots et des images et il poursuit, à la manière d’un Magritte de la scène, une quête de vérité et de sens qui embarque son public dans des degrés insensés. Dans un monde toujours plus nerveux, rapide et technique, son personnage, Isidore Beaupieu, nous enjoint à la paresse, au rêve, au sommeil réparateur. Totalement à contre-courant des humoristes frénétiques et hystériques, l’acteur aux yeux d’enfant nous fait pénétrer, grâce à une succession d’oreillers qui font office de décor, dans des couches d’histoires et de théories scientifiques parfois délirantes et souvent savantes. C’est drôle et délicieusement apaisant.

Lucernaire, du jeudi au samedi à 21h30, dimanche à 19h

Hélène Kuttner

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