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Le duo Max et Flo : “On part de l’intime pour raconter quelque chose d’universel”

Elise Marchal 17 juillet 2020
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D.R

À la frontière des genres et des disciplines, ces comédiens ne manquent pas d’inspiration. Maxime et Florian nous font découvrir leur univers ainsi que leurs spectacles improvisés Tu Rêves et Frère.s, à retrouver pendant l’année à Bordeaux et à Lyon.

Vous avez une très belle complicité sur scène, comment vous êtes-vous rencontrés ?

Flo : On s’est rencontrés à l’école d’improvisation la LUDI ; la ligue universitaire d’improvisation d’Île de France, où Maxime était l’un de mes profs.
Un soir où je suis allé voir un match d’improvisation à Paris, dans lequel Max jouait ; j’ai gardé le flyer en me disant “c’est ça que je veux faire”. Je lui ai raconté pendant le week-end d’intégration et tout de suite, il y a eu une espèce d’alchimie, une sorte de coup de foudre amical.

Vous avez tous les deux une manière d’exprimer les émotions qui est vraiment forte. Comment vous êtes-vous formés ?

Flo : J’avais déjà fait du théâtre de rue en colo artistique quand j’étais vraiment plus petit, après j’en ai fait dans la ville où j’étais et je me suis aussi formé au conservatoire.

Max : Ça faisait très longtemps que je savais que je voulais faire comédien. Quand j’étais jeune, j’ai eu quelques expériences, puis j’ai commencé le théâtre en terminale avant d’aller au conservatoire à Nantes pendant un an. J’ai fait 3 ans au conservatoire du 18e arrondissement à Paris, et deux écoles d’impro aussi. Ça fait 8 ans que je ne suis plus en école et pourtant, avec 13 ans de théâtre je me forme encore.

Selon vous, le théâtre est-il assez intégré dans le système ?

Max : D’après moi, non c’est évident. De manière générale il y a de moins en moins de moyens pour l’art et culture, et notamment dans l’éducation et l’animation. Je pense que ça change la vie d’un jeune de trouver la discipline artistique qui l’éclate et effectivement il en faudrait mille fois plus, mais on a beaucoup de retard. En France, on met beaucoup en avant deux types d’intelligence : l’intelligence linguistique, le rapport aux langues, et l’intelligence mathématique, le rapport aux sciences. Mais un jeune qui a une intelligence spatiale, musicale, corporelle… Ce n’est pas mis en avant. On n’est pas le pire des pays mais selon les endroits les budgets ne cessent de régresser ou d’être gelés année après année.

Vous sortez tout juste de résidence avec un seul en scène improvisé, Tu rêves ;  pouvez-vous nous en dire plus ?

Flo : Ça me traversait l’esprit de faire un seul en scène alors je suis naturellement venu voir Max pour qu’il me mette en scène : il a une façon de diriger extraordinaire. Après s’être posés les bonnes questions, on est partis sur le thème de la nuit puis on a dérivé, en testant sur le plateau, sur ce concept de rêve d’enfant.

Max : Ce spectacle, c’est le fruit d’une longue gestation. C’est un format long avec une histoire d’une heure mais c’est aussi un spectacle pluridisciplinaire, à la croisée du théâtre avec une intro très travaillée, de la danse, du chant, de la poésie… Mais c’est un spectacle d’improvisation avant tout. Il y a aussi deux registres ; c’est un road trip et c’est un film de Revenge (comme avec les films de Tarantino, ceux qui réécrivent l’histoire).

Florian Bresler – D.R

La thématique de la folie, de cette petite voix dans notre tête, est très présente dans la pièce Tu Rêves, pourquoi ce choix ?

Max : Il y a plusieurs thèmes traités, ce personnage traite de la folie mais sous un angle complètement positif.
L’idée que notre part la plus folle de nous est parfois, voire souvent, celle qu’on tait le plus. Alors qu’au final, c’est celle qui est le plus nous-même. De manière générale, je pense qu’au-delà de la folie, il y a la dualité ; c’est quelque chose de très beau dans le spectacle. Il y a les rêves d’enfants et les mécanismes qui font qu’ils ne se réalisent pas.

Flo : Il y a plusieurs références dans le spectacle, dont Jim Carrey. J’aime jouer des multi perso, c’est comme un défi et ça m’éclate en tant que comédien. J’ai envie de travailler la précision sur le corps, la voix, les ancrages corporels et faire des tableaux incroyables avec des personnages partout. Le personnage de Joe, le double du héros, est totalement inspiré de choses comme la série Big Mouth sur Netflix. Les hormones Monsters peuvent apparaître n’importe quand et de manière complètement folle pour emmener l’enfant et l’encourager à faire ses expériences tout en lui expliquant la vie. Ils ont donc un rapport parental… C’est aussi la frontière entre la poésie et le trivial avec ce truc du clown qui peut être très ridicule mais qui d’un coup va faire quelque chose de magnifique.

Est-ce déjà arrivé d’être confronté à une situation où la partie écrite ne va pas pouvoir être introduite comme prévu ?

Flo : Non, c’est la première fois qu’on intègre ensemble une partie écrite à un spectacle improvisé. Pour que ce soit une rampe de lancement, on y a mis le plus d’éléments moteurs qui me mettent sur les rails tout en étant aussi explicite auprès du public. On met en place la situation initiale : le héros dans sa bulle, bloqué dans sa routine et sa mélancolie avec une espèce de nostalgie sur le rêve d’enfant et la manière de se le réapproprier ; Joe, son double, peut apparaître à tout moment. Pour condenser tout ça, on a créé cette scène écrite ; on vous donne toutes les clés mais le reste, tout ce qui va suivre, c’est improvisé.

Du coup, Max pour toi ce n’est pas la première fois que tu mélanges le théâtre écrit au théâtre improvisé ?

Max : Non effectivement, c’est un peu ce que je fais avec le collectif Les Parvenus. C’est de l’improvisation qui cherche à théâtraliser la discipline et à être à la frontière impro-théâtre. Ce mélange apporte des spectacles puissants. C’est quelque chose qui manque même si ça tend à profondément changer depuis cinq ans. Je pense que c’est nécessaire pour que la discipline décolle davantage, là on est qu’à 15/20 % du développement de l’improvisation.

Maxime Robert – D.R

Est-ce que vous cherchez à véhiculer un message en particulier quand vous montez un spectacle ensemble ou est-ce plus en rapport avec le quotidien et le plaisir de jouer ?

Flo : C’est intéressant, les deux en fait. On va dire que quand on est en phase de création, ce n’est pas le moteur premier, ça va d’abord être du plaisir. Après, vu qu’on s’inspire de notre quotidien, on part de l’intime pour raconter quelque chose d’universel. Plus on va prendre du plaisir, plus on va ouvrir notre univers au public qui sera alors content.

Max : Au fur et à mesure du travail, tu finis par affiner de multiples envies et tu précises ce que tu veux raconter. Je ne sais pas s’il y a un message mais en tout cas, il y a quelque chose qu’on veut raconter.

Depuis que vous avez commencé, pensez-vous que le rire ait changé ? Peut-on encore rire de tout ?

Max : L’art de manière générale va forcément être reflet de l’évolution de la société. Chaque époque amène de nouvelles choses à prendre en compte, mais je ne crois pas qu’on puisse rire moins qu’avant. Il faut essayer de rire de tout, après il faut savoir où on se situe lorsqu’on le fait. Par conséquent, à la formule parfaite de Desproges : “on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui”, j’ajouterai “et pas n’importe comment”.
D’après moi, le rire c’est aussi le droit à l’erreur. C’est faire des sketches où tu essayes et si derrière tu vois qu’une vanne amène à débat ou polémique, il ne faut pas pour autant ne plus rien faire. C’est aussi l’un des rôles de l’art d’ouvrir le débat.

Flo : Je ne trouve pas que le rire ait changé. En revanche, ce que je trouve dommage c’est qu’on se concentre sur un travail oratoire au détriment de l’engagement corporel et du rapport à la scène. Je respecte le travail sur le texte, par contre il n’y a aucun travail sur l’espace lors de la plupart des stands up. Pour en revenir au sport, j’aime bien quand ça mouille le maillot. Quand on sent que l’humoriste s’éclate et y va à fond. Au moins, il n’y a pas ce phénomène de mode où tu prends un sujet parce qu’en ce moment il est un peu tendancieux. C’est intéressant de voir comment on peut creuser mille fois autour d’un sujet. Néanmoins je trouve que ça manque de diversité, de nouveauté.

Quels sont vos futurs projets ?

Flo : Avec Martin Arnoux, on veut croiser jazz et improvisation. C’est un rêve d’enfant vu qu’on s’est connus en colo artistique à 13/14 ans ; il faisait déjà de la guitare et moi du théâtre et maintenant on en fait nos métiers, c’est incroyable. On a aussi d’autres projets à venir avec Max. Déjà perpétuer ceux qu’on a ensemble, et puis Max va sortir un film. C’est un projet qui a déjà été réalisé, c’est abouti et je suis dedans.

Pour finir, qu’est-ce qui compte pour vous en tant qu’artiste ?

Max : Ce qui compte c’est que ton œuvre rencontre un écho auprès des gens. Il faut que ça apporte quelque chose aux spectateurs, que ça les touche et qu’ils aient envie d’échanger, parce que sans eux, il n’y a pas d’art.

Flo : Pour moi, jouer ça me permet de conserver mon âme d’enfant. Le cadeau à la fin, c’est quand les gens te font leur retour. En tant qu’artiste, ce qui compte c’est l’énergie que je vais pouvoir mettre et qui va m’être rendue après.

Propos recueillis par Elise Marchal

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