Saïgon : nostalgie et déchirures de l’exil
© Jean Louis Fernandez
Comment parler de l’exil et des traumatismes de la décolonisation ? Comment évoquer ces déchirures, cette mémoire trouée de larmes et de rires, qui est le fruit du croisement d’histoires dans des pays qui se sont mariés un temps, pour divorcer ensuite ?
Dans le restaurant nommé Saïgon, comme 900 autres restaurants en France, Marie-Antoinette, la patronne, joviale et dynamique, mène son monde et sa cuisine avec une énergie communicative. Marie-Antoinette, c’est le nom français d’Anh Tran Nghia, une vietnamienne arrivée en France en 1954. La scène commence par un dîner d’anniversaire, celui organisé par Antoine pour sa mère Lyn, mariée à un soldat français, son père, parti défendre l’Indochine française contre le Viet Minh. Dans ce décor de restaurant de la Porte de Choisy, la scénographe Alice Duchange a reconstitué dans les moindres détails ce qui constitue le parfum exotique de ce genre d’endroit, vaste et accueillant comme une grande famille : les lumières rosées du karaoké, les nappes d’une blancheur éclatante, les fleurs et les bouddhas dans leurs niches, les chaises au métal argenté que l’on peut empiler à l’infini. Face aux spectateurs, à jardin, une vraie cuisine où l’on prépare de vrais rouleaux de printemps.

© Jean Louis Fernandez
Un lieu authentique, abritant des destins mystérieux et uniques et dont nous allons découvrir, au chapître suivant, une autre époque : Saïgon en 1954, lors du retour des Français en métropole, qui deviendra vingt ans plus tard, en 1975, Hô-Chi-Minh-Ville. Même décor, même lumière rosée (Jérémie Papin) et mêmes personnage à quarante ans de distance. Caroline Guiela Nguyen, elle-même fille de « Viet kieu », a écrit ces scènes avec les comédiens et les amateurs qui interprètent leurs personnages dans la pièce. Elle les dirige avec une extrême douceur, de manière naturaliste et cinématographique. Le temps du spectacle est un temps du réel, durant lequel les émotions, les non-dits, les quiproquo et les colères qui surgissent sont terriblement justes. Ce souci du détail, de la justesse d’un dialogue ou d’un costume (Benjamin Moreau) est soutenu par une création musicale très présente et des chansons de Christophe ou de Sylvie Vartan, jouant à fond sur la corde du mélo et de la nostalgie. « Paradoxalement, plus la mémoire que l’on a de l’autre est en péril, plus nous avons besoin de nous souvenir ». Dans ce spectacle, la quête des souvenirs est communicative et les larmes aussi.
Hélène Kuttner
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Avignon 17, premier épisode : destins croisés entre Shizuaoka, Paris et Saïgon, Hélène Kuttner
Articles liés

Myriam Boukrit : une artiste de la scène émergente aux Beaux-Arts de Paris
Actuellement étudiante en quatrième année aux Beaux-Arts de Paris, Myriam Boukrit est une jeune artiste pleine d’ambition qui mérite toute notre attention. Âgée de 25 ans, Myriam Boukrit est une artiste franco-marocaine issue de la banlieue parisienne. Elle parvient...

“Solo Arts martiaux” : un spectacle entre le théâtre et le dojo de Yan Allegret à voir au Musée Guimet
À mi-chemin entre le théâtre et le dojo, le Solo Arts martiaux est un voyage entre deux mondes. Sur une scène vide, un homme se raconte, un sabre de bois à la main. L’espace de la scène se fond...

“Rolling Stones – At the Max” : le premier et le seul long métrage de concert filmé en IMAX en salle le 10 décembre
Pathé Live, en association avec IMAX et Mercury Studios, diffuse en exclusivité au cinéma le film du concert emblématique “Rolling Stones – At the Max” dans les salles IMAX du monde entier (dont 29 en France), à partir du...





