Lokiss « The Soul », une exposition rétrospective et projective !
Avant de devenir un folklore emprunté et une posture, le writing est d’abord et avant tout une culture de la réappropriation.
Réappropriation de la ville, et donc du lieu et de l’espace, mais aussi du langage. Un langage codé pour initiés qui s’exprime presque de manière occulte et dont le sens ne se révèle que de manière implicite ou en filigrane. Le graffiti est aussi disruptif. Disruptif vis-à-vis de son environnement, de l’art et même de sa propre histoire. Cette culture ne demande pas à être validé et s’arroge alors le droit de ne pas être totalement défini. Rien n’y était explicite au début et tout était à construire ou plutôt à déconstruire.
C’est dans ce contexte, en l’an 0 de la vague européenne, dans la friche du terrain vague de la Chapelle, qu’est né Lokiss. Exit l’orthodoxie américaine où le slogan publicitaire est de mise, Lokiss, en véritable précurseur, fait alors voler en éclat les fondamentaux de la lettre et définit une nouvelle grammaire et des codes esthétiques singuliers qui posent les fondations du graffiti européen.
Spray Can Art et Paris Tonkar vont alors essaimer dans toute l’Europe, et polliniser, l’exégèse d’un graffiti libéré et libérateur, affranchi de ses propres codes. Lokiss mêle au writing son attrait pour la physique quantique et les sciences, son intérêt pour la conquête spatiale et les nouvelles technologies qui se télescopent, s’enchevêtrent et s’interpénètrent dans le fracas et le chaos de murs explosifs.

La peinture de Lokiss est d’abord celle du bruit. Le bruit de la mécanique qu’il y dépeint. Le bruit de pièces plus grandes que son auteur et qui révèle le défi de l’homme face à la machine, de l’humain face aux sciences et la technologie, de l’individu face au monde et la société. Il reste ce bruit sourd comme un murmure à mesure que la pièce ne s’efface et ne s’érode, ne devenant à son tour plus qu’une trace de l’auteur.
« J’ai appris l’art en voyant mon art détruit » dira Lokiss, révélant la part d’absurdité du writing qui puise son excitation et son intérêt dans la destruction attendue de l’œuvre. Lokiss a naturellement embrassé d’autres médiums et s’est tourné vers une production en atelier. ce travail est devenu le continuum et une extension de ses peintures dans le domaine public. Parvenir à être signifiant dans cette culture est difficile mais transformer cette pratique et l’inscrire au-delà de son cadre premier, l’est plus encore.
Du writing, Lokiss en a conservé le gout de la transgression et de l’émulation, une appétence sans cesse renouvelée pour la découverte, une certaine inclinaison pour l’âpreté et la transversalité. Des murs à la toile, de la sculpture au travail de l’inox, de l’écriture de livre aux multimédias Lokiss interroge notre propre finitude, notre rapport au futur et aux nouvelles technologies. Il sonde l’ADN et le devenir de l’homme devenu urbain.

The Soul est à la fois une rétrospective et une exposition projective. Elle révèle la continuité du travail de Lokiss, les points d’achoppements, les points de rupture et les évolutions. Le titre, en référence direct au morceau mythique « Al Naafiysh » (Hashim – 1983), marque aussi ce désir de toucher à l’essence et au moteur de son travail. Ironie du sort, celui qui a pendant tant d’années, spéculer sur les sciences et les technologies revient à l’essentiel et prend à rebours, l’idée du progrès immanent entièrement dirigé vers la découverte bienfaitrice. Sans âme, le progrès et l’avancement sont corrupteurs.
Formellement, Lokiss cultive aussi le paradoxe. Il perpétue le formalisme du writing à mesure qu’il s’en éloigne. De l’explosion de couleur qui rappelle ses fresques du début, il est passé à la radicalité du noir et blanc. L’inox rappelle l’âpreté de murs industriels et le recours à un panel réduit de couleurs, l’essence du tag. L’épure de ses visages se dessinent comme des lettres, de manière fragmentées et elliptiques. Chaque visage est un code et chaque lettre, le premier fondement du langage. En miroir, se révèle les plus petites unités sécables de l’humanité et du langage : l’homme et la lettre. En somme, l’essence du writing.
On en revient toujours aux fondamentaux.
[Source : communiqué de presse]
Articles liés

Orelsan et “Yoroï” : un nouvel art de se raconter
Avec Yoroï, Orelsan dépasse la musique pour façonner un univers cinématographique dense et personnel. L’artiste brouille les frontières entre fiction et réalité pour mieux se réinventer. Un tournant qui redéfinit sa place dans la culture contemporaine. Un peu plus...

“Détail d’un vase grec à figures rouges”, du théâtre déconstruit à l’Athénée
Ce spectacle n’est pas un spectacle. Ou peut-être que si ? En tout cas, ce n’est pas un spectacle. Inscrits avec humour dans une démarche de déconstruction de la représentation théâtrale, Flavien Bellec, Étienne Blanc, Clémence Boissé et Solal Forte...

L’adaptation du conte “Poil de Carotte” à l’Athénée Théâtre
À rebours d’une adaptation littérale du conte cruel de Jules Renard, Poil de Carotte, le trio Flavien Bellec, Étienne Blanc et Solal Forte s’appuie sur l’expérience de l’humiliation portée par le roman pour déconstruire la représentation théâtrale. Entre geste...





