0 Shares 2766 Views

L’exposition Julie Manet au Musée Marmottan Monet : “La mémoire impressionniste”

Enora Favre 10 janvier 2022
2766 Vues

Berthe Morisot, Jeune fille dans un parc ou Sur le banc, 1893. Huile sur toile, 90×81 cm. Toulouse, Musée des Augustins © Bibliothèque nationale de France

Julie Manet (1878-1966), fille de Berthe Morisot et nièce d’Édouard Manet, est au cœur d’une exposition que lui consacre le Musée Marmottan Monet jusqu’au 20 mars 2022. Modèle fétiche de son entourage, artiste à son tour, mais enfin et surtout collectionneuse, la jeune femme a sans aucun doute eu une vie entièrement empreinte du mouvement impressionniste.

Une source d’inspiration impressionniste

Dès son plus jeune âge, Julie Manet devient une source d’inspiration pour les impressionnistes et apparaît dans bon nombre de leurs travaux. Il faut dire qu’elle était plutôt bien entourée. Née en 1878 de l’union de Berthe Morisot et Eugène Manet, frère d’Édouard Manet, elle grandit au milieu des grandes figures artistiques de la fin du XIXème siècle telles que Renoir, Degas ou encore Mallarmé, son tuteur attitré.

Pierre Auguste Renoir, Julie Manet ou L’Enfant au Chat, 1887. Huile sur toile, 65,5×53,5 cm, Paris, Musée d’Orsay © RMN-Grand Palais

 

Les impressionnistes connaissent déjà à cette époque un engouement certain : Leur Salon chez le photographe Nadar en 1874, leur a offert une grande visibilité malgré les polémiques. Petit à petit, ils commencent à être appréciés et représentés. C’est au sein de ce groupe de peintres, mais aussi d’amis, que Julie Manet va grandir et trouver une place toute particulière : celle de muse. 

Elle devient l’un des sujets préférés de sa mère, Berthe Morisot, qui va réaliser pas moins de 70 portraits de sa fille au cours de sa carrière. Son oncle, Édouard Manet, Auguste Renoir ou encore Edgar Degas se prêtent également au jeu et prennent la jeune fille comme source d’inspiration, tantôt le regard fixe, tantôt en compagnie d’un chat… 

L’exposition Julie Manet, la mémoire impressionniste prend soin de mettre en avant cette enfance chérie, par le biais de nombreux portraits, croquis, dessins et même sculptures dont Julie fut le sujet principal.  

Tout d’abord muse, Julie va également passer derrière le chevalet et devenir une artiste à part entière. 

Une artiste à part entière 

Bien qu’on la connaisse principalement au travers des tableaux peints par sa mère et ses proches, Julie Manet était elle aussi une artiste peintre. Élevée dans un milieux bourgeois et lettré, c’est naturellement que Julie développe cette fibre artistique, notamment aux côtés de Berthe Morisot.

Julie Manet, Martha en robe de velours vert, 1898. Huile sur toile, 41×33 cm.
© Christian Baraja SLB

C’est après les disparitions successives de son oncle, son père et sa mère qu’elle se met à peindre plus assidûment. Devenue la dernière des Manet, elle déménage au 40 rue de Villejust dans le 16ème arrondissement de Paris, avec ses cousines Jeannie et Paule Gobillard. Toutes les trois, elle vont former “l’escadron volant”, surnom donné par le poète Mallarmé.  

Poussée par Renoir, elle continue la peinture, inspirée par son environnement et son entourage. En parallèle, elle écrit dans son journal, renseignant ses pensées mais aussi son travail. 

Julie va même tenter d’exposer plusieurs fois : certains de ses tableaux seront présentés au Salon des indépendants de 1896 et de 1898. 

Mais l’œuvre de Julie va au-delà de son travail pictural. 

La gardienne d’un héritage

Julie Manet va se placer en véritable gardienne de l’héritage impressionniste qu’elle a reçu. 

Suite à son mariage avec le peintre Ernest Rouart, rencontré par l’intermédiaire de Degas, le couple va entamer la composition d’une collection de peintures de grands maîtres comme Corot, Delacroix ou encore Fragonard. Tous deux passionnés, ils vont créer dans leur salon un véritable cabinet de curiosités. Veuve, Julie continuera son travail de collectionneuse puisqu’elle achètera notamment un Nymphéa de Monet, œuvre ultime du peintre. 

Mais c’est l’œuvre de sa mère que Julie Manet n’aura de cesse de mettre en avant. Désireuse de faire à tout prix connaître au grand public celle qui l’a élevée, elle se séparera à contrecœur de plusieurs tableaux afin de les faire circuler. C’est ainsi que le musée de Lyon acquiert La Petite Niçoise en 1907 ou encore que Jeune fille en décolleté, la fleur aux cheveux fait son entrée au Petit Palais. 

Ces nombreux échanges vont permettre aux œuvres de Berthe Morisot d’être exposées dans des musées prestigieux, et ainsi faire vivre sa mémoire. 

Ernest Rouart, Julie Manet rue de Villejust et Ernest Rouart (dans le reflet du miroir), vers 1900. Paris, musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet

Le Musée Marmottan Monet a pris le parti de se concentrer sur la vie de Julie Manet, son entourage et ses passions, plutôt que sur sa vie d’artiste. 

Ainsi, le parcours proposé retrace tous les aspects de cette existence exaltante. De son enfance aux côtés des impressionnistes à sa vie de collectionneuse aguerrie avec son époux, en passant par son adolescence d’artiste et son mariage, le Musée ne met de côté aucun médium et c’est donc une collection riche et diverse qui nous y est proposée. 

Articles liés

« Don Quichotte » à l’Opéra Bastille ou le rêve de sauver le monde
Spectacle
78 vues

« Don Quichotte » à l’Opéra Bastille ou le rêve de sauver le monde

Après le superbe ballet de Rudolf Noureev présenté il y a un mois, voici l’opéra de Jules Massenet dans une nouvelle production dirigée par Patrick Fournillier, mis en scène par Damanio Michieletto, avec un Don Quichotte à la mélancolie...

« Place de la République » ou le théâtre en suspension de Clément Hervieu-Léger
Spectacle
192 vues

« Place de la République » ou le théâtre en suspension de Clément Hervieu-Léger

Dans la plus petite salle du Lucernaire, le Paradis, une jeune femme attend assise sur un banc de la Place de la République. Un homme plus âgé survient et la prend en photo. Ces deux-là n’attendent pas Godot comme...

“Terrasses” : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline
Spectacle
272 vues

“Terrasses” : le chant des morts et des vivants de Laurent Gaudé à la Colline

Le 13 novembre 2015, la salle de spectacle Le Bataclan a été le théâtre d’un massacre total perpétré par des tueurs jihadistes. Une centaine de morts, plus de quatre cents blessés, dans une salle bondée de 1200 jeunes gens...