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Mathieu Saïkaly : “J’aime faire rebondir les mots entre eux”

Salomé Guez 14 mai 2020
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© Aline Deschamps

C’est en 2014, lorsqu’il remporte la Nouvelle Star, que le grand public découvre la voix de dentelle de Mathieu Saïkaly. Cinq ans plus tard, le “farfadet” sort son deuxième album indépendant, Quatre murs blancs. Auteur-compositeur-interprète, le franco-libanais de 27 ans nous emmène dans son monde poétique avec un second album à moitié français, à moitié anglais.

Quatre ans après ton premier album A Million Particles tu as sorti Quatre murs blancs, toujours en français/anglais, qu’est-ce qui a changé musicalement ?

Le deuxième album est plus cru. Il est énervé, direct et électrique. Le premier était beaucoup plus éclectique, les morceaux partaient un peu dans tous les sens ; parce que je suis comme ça. Je l’ai écrit entre 17 et 20 ans alors mes influences étaient plus évidentes que dans ce second album, qui est plus cohérent dans sa narration et son évolution. Mais j’aime toujours autant le “finger picking style” à la guitare qu’on retrouve également !

Yseult, ton ex rivale de la Nouvelle Star, affirmait récemment ne pas s’être retrouvée dans son premier album chez Polydor. Tu partages ce ressenti ?

C’est un peu différent parce que ce sont mes compositions. Je n’ai été forcé à rien, cependant, c’était délicat de défendre mon point de vue dans une grosse structure qui a ses impératifs. J’ai le sentiment qu’on sentait le compromis dans A Million Particles. Et puis mon écriture en français était trop verte, je n’avais encore jamais écrit de musique en français. J’ai eu ma période “c’est nul je veux plus jamais l’écouter” mais aujourd’hui je trouve qu’il a du charme.

© Aline Deschamps

En 2016 tu as fondé ton label, Double Oxalis, depuis tu écris et composes seul ?

Pour cet album oui. J’ai été conseillé en studio sur les arrangements de quelques morceaux par Akemi Fujimori et Marion Kergourlay, qui m’accompagnent sur scène avec Guillaume Lefebvre, mais dans la composition c’est moi. 

Pourquoi naviguer entre la langue de Molière et celle de Shakespeare ?

Je parle anglais depuis mes cinq ans. Très jeune je rendais visite à ma famille libanaise, qui vit aux États-Unis, et j’en profitais pour échanger un maximum avec eux. J’ai fondé mon accent sur mes cousins américains mais j’aurai un accent toute ma vie, je l’ai accepté maintenant ! Un peu inconsciemment, j’ai développé une vraie passion pour cette langue. Ensuite, j’ai fait une licence d’anglais à la fac et en étudiant la littérature j’en suis tombé amoureux. Pour ce second album je voulais écrire exclusivement en français mais au fil de l’écriture l’anglais est revenu malgré moi. Certaines mélodies ne résonnaient pas en français, les mots me venaient en anglais alors j’ai arrêté de lutter. C’était une évidence. C’est égoïste dans un sens car ma musique n’est pas comprise par tous mais j’aime préserver cette dualité, les deux langues expriment des sentiments différents.

Quelles influences retrouve-t-on dans ta musique ?

Elliott Smith c’est certain, les Strokes, Nirvana, Nick Drake. Je pourrais t’en donner 200 000 mais je vais m’arrêter. J’adore aussi la construction des chansons de Dick Annegarn. Côté littérature, je pense à Albert Cohen, Albert Camus, T. S. Eliot ou Sylvia Plath. Les poètes du XXème m’ont beaucoup inspiré, leurs structures sont libres, ils ne suivent pas un schéma de rimes et de pieds établi, ce qui rend l’ensemble très intéressant. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais Nekfeu, Alpha Wann, Areno Jaz et Jazzy Bazz, ils m’ont appris qu’un texte en français pouvait être chargé d’assonances. Dans mes chansons il n’y a pas de punchlines mais je fais rebondir les mots entre eux. 

Tu as d’ailleurs fait une reprise acapella de Club de Lomepal sur Instagram…

Oui je fais ces vidéos avec mon portable et mon micro, ça me prend du temps mais j’aime me mettre en danger dans cet exercice. La prochaine sera une reprise de Nekfeu.

Ton nouveau single “My Pride”, c’est un peu une thérapie où tu t’adresses à ton ego ?

J’aime ouvrir plusieurs branches d’interprétations, c’est pour cela que je joue beaucoup avec les pronoms qui déterminent une grande partie du sens. Mais il y a de ça effectivement. Ce morceau marque une nouvelle étape de ma vie. J’ai appris beaucoup en quatre ans, aujourd’hui je suis plus audacieux, plus réceptif à ce qui est en moi mais aussi autour de moi. La musique est intéressante quand elle est ouverte, elle devient alors un objet d’art.

Des projets en cours ?

Je travaille actuellement sur deux projets très différents. Le premier est très folk, en guitare-voix ; c’est la forme artistique la plus simple, mais celle qui me touche le plus. Ce binôme est intemporel et le fait qu’il ne soit pas parasité par d’autres éléments fait ressortir l’émotion. Sur le second, je travaille avec de nombreuses voix, des percussions et un synthé. J’ai déjà choisi et enregistré 12 morceaux pour ce prochain album qui sera assez loin de ce que j’ai fait jusqu’à maintenant.

Ton réseau social préféré et le compte à suivre ?

C’est compliqué, un peu comme une relation, les choses changent, parfois tu es déçu. Je dirais tout de même YouTube, même s’il y a une page Facebook sur Le Seigneur des anneaux qui me fait mourir de rire. YouTube est génial dans la liberté de création, bien que la dynamique ait beaucoup changé depuis quelques années. C’est dommage : aujourd’hui la qualité n’est plus le seul déterminant de la réussite. J’aime énormément la singularité de la chaîne de Nathaniel et ses histoires. J’adore aussi l’allemand Tobias Wilden, ses « instrus » sont magnifiques et en plus il a l’air sympa !


Retrouvez Mathieu sur Instagram et sur sa chaîne YouTube !

Propos recueillis par Salomé Guez

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