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Rencontre avec Elisabeth Leverrier

10 juillet 2020
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@ Axelle ANNE

Elisabeth Leverrier est une artiste contemporaine française. Son travail représente les différentes étapes du feu et s’articule autour de l’idée de mémoire. Entretien avec l’artiste.

Quel est votre parcours artistique ?

J’ai étudié aux Beaux-arts à Caen, diplômée en 1987 et je suis devenue par la suite, Artiste-femme. J’insiste parce que devenir artiste en tant que femme en région à l’époque était difficile. Dans lArt, on retrouvait un réseau majoritairement masculin.

En 2005, j’ai réalisé Eternel regard, ce film mélangeant la danse et le chant, diffusé lors du 22e Festival du Cinéma à Mar del plata en Argentine. Il a notamment, été présenté par Pilar Altilio et diffusé à plusieurs reprises par celle-ci.

À 58 ans, j’ai acquis de l’expérience, ce qui me permet aujourd’hui de travailler sur un livre. Intitulé A Fresco, il  représente plus de 20 ans de créations autour du feu. L’idée de partage, de nature et de redécouverte de la mémoire commune s’inscrit dans cet ouvrage. Cette idée de partage, qui me tient à cœur. C’est pourquoi, il y a des écrits de gens différents comme Jeanne Verdun, professeur de lettres classiques et responsable de galerie d’art au lycée Napoléon de L’Aigle ; Véronique Piantino, dramaturge ; Catherine de Torcy, artiste plasticienne ; Serge Nail, comédien-metteur en scène ; Jérôme Anquetil, journaliste; Emmanuelle Dormoy, consultante culturelle. De plus, on peut retrouver la critique d’art argentine Pilar Altilio. 

Dans vos créations, vous utilisez fréquemment de la cendre, du charbon de bois. D’ou vient cet intérêt pour ces composants ?

La grande idée au départ était de peindre puis j’ai éliminé tout ce qui était figuratif, la couleur, la toile, pour arriver au rien et finalement à l’essentiel. J’ai voulu faire une sculpture de feu. J’ai retrouvé mon feu, cela vient de l’enfance, du feu qu’on faisait dans le jardin, les veillées au coin du feu auxquelles j’ai participé aussi dans mon enfance.

Mon intérêt pour les documents d’Haroun Tazieff, vulcanologue, a également eu un impact sur ma pratique artistique. Le feu est un élément magique. Au départ, je ne pensais pas dessiner avec du bois brulé c’était juste pour une sculpture mais en sortant du feu mes bouts de bois brulés, ils ont laissé une trace au sol et je me suis mise à dessiner, à danser. J’aime beaucoup la danse et le retour à la nature, le charbon de bois c’est comme un gros fusain. 

Quel est le message véhiculé à travers vos créations ?

Lorsque je dessine, il y a souvent une verticale. Cela signifie un être humain debout, quelque chose qui m’anime. Je m’intéresse à la mémoire, à l’être humain, à l’humanité. J’implique des réflexions sur l’humanité : Quelle est notre mémoire commune ? Qu’est-ce que l’humanité ? Le feu est un outil préhistorique. Je pense qu’on possède la même conscience que les êtres préhistoriques.

Comment se déroule votre processus de création ?

J’écoute l’actualité, le monde, je me nourris de tout ce qui m’entoure. Quatre verbes d’action résument ma création et scandent mon travail sur les années : Fissurer, dénouer, émerger et rêver. Lorsque je dessine, je fissure la vieille carapace du monde. Niveau sociétal, j’ai travaillé sur la mémoire d’une vieille usine sidérurgique qui avait fermé. J’ai fait se rencontrer des anciens de l’usine et des acteurs. Il y a un dénouement quand je travaille par la mise en scène, la narration : transmettre de la mémoire, rêver du nouveau monde.

Je travaille avec le temps. Je crée dans un préau, un hangar, ce sont des lieux de mémoire, des endroits souvent fréquentés par la présence humaine. Je fais mon feu et je dessine directement sur le site choisi. J’aime les friches industrielles, rentrer en résonance avec le lieu silencieux. 

Quelles sont vos inspirations artistiques ?

La chorégraphe Pina Bauch a été une grande découverte durant ma période étudiante. Mes gros projets de mise en scène sont nés grâce à cette artiste. Elle m’inspire au sens humble du terme, c’est une femme qui a apporté au monde l’idée d’un travail sur la mémoire dans une société. Jackson Pollock m’inspire également. Quand j’ai vu les photos de Hans Namuth captant les gestes artistiques de l’artiste, cela a déclenché quelque chose de fort en mon être intérieur. Ça m’a autorisé à danser et créer.

Dans votre processus de création, vous provoquez une déambulation du corps. Comment la narration se dessine entre le corps et la matière ?

Quand je suis dans un lieu, je me donne une contrainte verbale. Par exemple, je me dis “je vais atteindre le haut du mur”, ce qui me permet d’effectuer une danse dans l’espace. C’est important de mentionner qu’il n’y a pas de musique. Quand je décide de faire un projet, je suis avec mon médium de prédilection, le feu. Je me concentre sur sa trace dans l’espace. Je considère avoir suffisamment d’informations du monde en amont pour retranscrire mon énergie dans la création.

Comment qualifiez-vous votre art ?

C’est une sorte de rituel, j’aime l’idée de projet, d’un dessein.

Propos recueillis par Chloé Desvaux

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